Chapitre 7

4 minutes de lecture

Paris, mercredi 28 mai 2025

Jour J, 11h35

 L’appartement C était situé à l’autre bout de Paris, ce qui n’arrangeait pas Nathan. Cela lui fit perdre près de deux heures. Lorsqu’il arriva devant la porte d’entrée de l’immeuble où se situait le logement en question, il était déjà onze heures et demie. Le ciel commençait à se couvrir, le vent à se lever.

 L'appartement avait été soigneusement choisi pour sa localisation. Situés tout près du Périphérique, les immeubles de la rue du Général Delestraint avaient subi de lourds dégâts lors du bombardement du boulevard périphérique et la plupart des habitants de la rue avaient quitté leurs appartements de peur que ceux-ci ne s’effondrent.

 Nathan poussa la porte d’entrée du bâtiment et s’engouffra à l’intérieur en même temps que le vent. Le sol du hall d’entrée était jonché de plaques de plâtre brisées, les murs et le plafond lézardés de toute part. La poussière âcre soulevée par le vent lui irrita la gorge. Il toussa à plusieurs reprises en se dirigeant vers l’escalier. Sans perdre plus de temps, il grimpa les marches quatre par quatre. Sur le palier du quatrième étage, il sortit la clé que lui avait donnée Charles et s’introduisit dans l’appartement C.

 Le couloir était plongé dans la pénombre. Nathan s’avança calmement. Toutes les portes étaient refermées. Il s’attarda devant la dernière à gauche. Il inspira profondément et tourna la poignée.

 Derrière cette porte, un salon sans aucun mobilier et des volets fermés. La pièce semblait complètement vide. Semblait seulement. Car un râle étouffé, haletant, témoignait d’une présence. Nathan s’approcha des fenêtres et ouvrit les volets. La lumière s’engouffra dans la pièce, dévoilant une chaise en son centre. Et sur cette chaise fixée au sol par quatre arceaux en acier, un homme nu, pieds et poings liés. Sa mâchoire était bâillonnée et ses yeux bandés. Nathan posa les yeux quelques secondes sur ce misérable individu privé de tout : de ses sens, de sa liberté, de sa dignité.

 Puis il ressortit de la pièce, alla s’appuyer contre le mur du couloir, ferma les yeux et inspira profondément. Ce n’était pas la première fois, mais cela lui restait pénible. Ressaisi, il ouvrit la porte d’en face. La cuisine, contrairement au reste de l’appartement, n’était pas plongée dans l’obscurité. Impeccablement rangée, Nathan fouilla les placards et les tiroirs, et en ressortit une corde de piano d’un mètre de long environ. Il prit l’une des extrémités et l’enroula autour de sa main droite sur une vingtaine de centimètres. Il fit de même avec l’autre main et écarta violemment les bras. La corde de piano se tendit alors brusquement. Il était prêt. Il inspira et expira rapidement à plusieurs reprises et se dirigea d’un pas décidé vers le salon.

 Nathan fit le tour de la chaise, se positionna derrière l’homme assis, passa la corde autour de sa gorge et serra de toutes ses forces. L’homme tenta de se débattre. Il poussait des râles atroces. Alors Nathan serra encore plus fort et pria pour que cet instant se terminât vite. Il ne fut exaucé qu’au bout de trois minutes, trois longues minutes au terme desquelles les râles s’interrompirent et les spasmes s’estompèrent. Pour autant, il maintint son effort plusieurs secondes encore. Lorsqu’il se décida enfin à relâcher sa mortelle étreinte, il était à bout de force. L’homme, lui, était à bout de vie. Nathan vérifia son pouls. Plus aucun battement n’était perceptible. Il partit alors dans la cuisine chercher un couteau et une cuillère. Avec le couteau il détacha le corps, lequel s’écroula au sol. Il lui retira son bandeau, planta la lame dans son orbite droite et en découpa toute la chair autour. Un abondant sang noir s’écoulait de la plaie. Il veilla à ne pas se tacher. Avec la cuillère, il plongea dans la chair et en extirpa l’œil. Mais alors qu’il se préparait à trancher le nerf oculaire de cet œil visqueux et plein de sang, il fut pris de violentes nausées.

 Il resta penché au-dessus de l’évier de la cuisine un long moment, un filet de bave s’écoulant de sa bouche. Des atrocités, il en avait déjà commises ; des hommes, il en avait tués un certain nombre. Mais jamais, ô grand jamais, il n’avait encore profané de cadavre. Jusqu’où cette guerre l’entraînerait-elle ? Il savait l’abîme profond, et se sentait chuter toujours plus bas. Alors il se rappela le pourquoi de sa descente aux Enfers, et surtout pour qui. Aussitôt son esprit reprit corps, ses haut-le-cœur cessèrent et Nathan se mit en quête d’un contenant adéquat pour l’œil. Ne voulant plus perdre de temps, il retourna les tiroirs de la cuisine sur le sol, débarrassa les placards de toute leur vaisselle et finit par tomber sur une de ces petites boîtes ovales en plastique jaune qui abrite d’habitude un jouet dissimulé dans un œuf en chocolat.

 D’un pas rapide, il retourna dans le salon, trancha le nerf oculaire, retourna le corps sur le ventre pour plus de décence, se signa rapidement et plaça l’œil dans un mouchoir avant d’enfourner le tout dans la petite boîte jaune et de la ranger dans une poche de sa saharienne. Pressé par le temps, il s’engouffra dans le couloir et ressortit de l’appartement sans se soucier de refermer la porte à clé.

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