Chapitre 6

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Nathan se réveilla au milieu de la nuit. Il était non plus par terre mais dans le lit et, contrairement aux nuits passées avec Mya, il n’était pas seul. Amy était à ses côtés et se collait à lui, l’entourant d’un bras. Il ne se souvenait évidemment pas comment il avait atterri dans le lit alors qu’il s’était couché par terre. Il sentait sa peau contre lui et avait l’impression qu’elle le gardait pour lui en le retenant ou en le protégeant de son bras.

Qui fallait-il croire ? Mya ou Amy ? Il lui devrait vraisemblablement faire un choix car chacune lui avait demandé de ne faire confiance qu’en elles. Comment s’était-il retrouvé dans cette situation, lui qui avait une vie des plus banales. Il affrontait le quotidien avec la même solitude, les mêmes confrontations et … Nathan resta d’un coup perplexe : depuis combien de temps cela durait ? Il avait soudainement l’impression d’avoir quatorze ans depuis une éternité, les mêmes cours, les mêmes camarades de classe et la même professeure depuis trop longtemps. Est-ce que cela avait un rapport avec ce changement d’année qui l’avait pétrifié la veille ? Il se demanda comment Mya pouvait avoir un rôle là dedans et si c’était vraiment lié à elle. Et elle lui avait offert ce cheval blanc. Il avait déjà lu quelque part qu’il s’agissait d’un symbole de fertilité et il y voyait pour lui l’innocence et la pureté. Il n’avait pas réussi à déterminer ce que voulait dire “Everlast” si ce n’était la traduction “Eternité”. Mais plus il y réfléchissait, plus il se disait que Mya lui avait envoyé ce cheval pour l’aider.

Et si Mya voulait l’aider, la fille qui l’entourait actuellement de son bras n’était pas celle en qui il pouvait avoir confiance. Amy l’avait rassuré et même presque convaincu en une seule journée de la confiance qu’il devait lui apporter mais il doutait plus que jamais. Et s’il devait fuir maintenant, en plein milieu de la nuit ? Que diraient ses parents ? Là encore Nathan eut une révélation : il ne côtoyait ses parents que de par des habitudes et ce depuis une éternité. Depuis combien de temps avait-il réellement discuté d’un sujet particulier avec eux ? Depuis combien de temps ne s’était-il pas disputé, sorti quelque part ? Ils étaient devenus des automates, ils rentraient du travail, mangeaient avec lui et partaient se coucher. Il ne l’avait pas réalisé jusqu’à présent.

Ses parents étaient des automates... il avait quatorze ans depuis une éternité (signification du mot “Everlast” ?)... Mya lui avait offert un cheval de bois blanc…

****

Il devait partir ! Il savait maintenant au plus profond de lui qu’il prenait un risque (lequel ?) en restant davantage ici.

Nathan réfléchit un instant comment faire pour sortir du lit sans réveiller Amy qui le retenait de son bras. Il n’avait pas beaucoup de solutions si ce n’est repousser son bras sans la réveiller. En admettant qu’elle se réveille, il pourrait toujours prétexter le besoin d’aller aux toilettes.

Nathan souleva le bras d’Amy puis se libéra de son emprise en sortant doucement du lit. Il se dirigea vers sa commode en marchant à pas de velours à l’aide de la lumière de son téléphone. Il prit les premiers vêtements qu’il trouvait : un t-shirt et un jean qu’il mettrait une fois qu’il serait arrivé en bas de l’escalier. Il réfléchit un instant en se demandant ce qu’il pourrait emporter d’autre ici : après il serait trop tard. Il ne savait pas trop quoi prendre, aussi il se dit qu’il se débrouillerait bien une fois à l’extérieur.

La lumière s’alluma. Amy était réveillée et lui demanda où il allait. Nathan répondit qu’il avait envie d’aller aux toilettes mais elle observa les vêtements qu’il avait pris dans sa commode et comprit que cette excuse ne tenait plus la route. Elle sortit du lit et marcha, nue, jusqu’à lui. Il ne savait pas quoi faire, il restait pétrifié en la voyant s’approcher de lui. La peur l’envahit, ses muscles s’interdirent le moindre mouvement. Il se contenta de la regarder droit dans les yeux, de couleur indéterminée, sans bouger. Une fois à sa hauteur elle le serra dans ses bras puis après un petit moment de silence lui reposa la même question.

  • Où vas-tu ? Nous devons rester ensemble.
  • J’allais aux toilettes et j’en profitais pour préparer mes affaires pour demain.
  • En pleine nuit ? Tu me mens…

Elle desserra son étreinte, le regarda fixement dans les yeux quelques secondes puis l’embrassa. Nathan se surprit à y prendre plaisir tout en s’efforçant de se rappeler l’idée qu’il fallait fuir. Il n’arrivait pas à se défaire, il n’arrivait pas à bouger. Son cerveau ne contrôlait plus aucun de ses muscles. Elle arrêta de l’embrasser, recula un peu, puis lui tendit la main pour l’inviter à la rejoindre. Il se surprit alors à tendre aussi la main contre sa volonté et elle l’entraîna alors à nouveau dans le lit. Une fois sous les draps, elle se blottit contre lui et l’entourra avec son bras pour retenir son protégé (sa proie ?). Elle lui souhaita une bonne nuit puis serra un peu plus son bras pour s’assurer qu’il resterait bien avec elle.

****

Nathan lutta un moment avant de s’endormir en réfléchissant à ce qu’il allait pouvoir faire. Il était à sa mercie tout en ne sachant toujours pas si c’était pour son bien ou pour son mal. Il restait néanmoins convaincu qu’il courrait un danger en restant ici.

Nathan finit par s’endormir et fit un rêve étrange cette nuit-là.

****

Dans ce rêve, il marchait dans un immense couloir. Il était assez large et sans fin. Il y avait régulièrement des portes à droite et à gauche du couloir. Le mur et le sol étaient blancs, il n’y avait aucun tableau, aucune décoration, aucun motif : tout était parfaitement blanc. Il continua d’avancer un moment, plusieurs minutes même, mais le couloir resta sans fin. Il se décida alors à essayer d’ouvrir une porte au hasard : les trois premières étaient fermées mais la quatrième s’ouvrit.

Il entrouvrit la porte, et jeta un œil par l’ouverture.

Il s’agissait d’une pièce sombre, style ancien avec des meubles en bois, des bougies posées et allumées un peu partout. Si elles étaient allumées, quelqu’un était venu il n’y a pas longtemps. Il y avait également une immense armoire, avec de vieux livres, une grande pendule qui indiquait presque minuit. Nathan scruta la pièce avec attention mais ne vit rien de particulier. Il jeta un oeil aux livres, autour de la pendule mais ne trouva rien. Il se décida donc à sortir de la pièce. Au moment d’ouvrir la porte par laquelle il était entré, il fut surpris de constater que la couleur du sol et des murs avait changé : tout était maintenant bleu. Il avança alors à nouveau, essaya d’ouvrir en vain plusieurs portes pendant plusieurs minutes jusqu’à enfin réussir à tourner une nouvelle poignée.

Cette deuxième pièce était exactement la même que la première : une armoire contenant des livres, une pendule indiquant presque minuit (alors qu’il avait marché plusieurs minutes). Mais cette fois-ci il y avait une différence majeure : un homme d’une cinquantaine d’années se tenait au milieu de la pièce et désignait d’un doigt une enveloppe posée au sol. L’homme était parfaitement immobile et Nathan se mit en face de lui, le regarda un moment dans les yeux et constata qu’il n’y avait même aucun mouvement de paupières. Il hasarda un “bonjour” qui ne trouva réponse au mouvement des pupilles.

Nathan ramassa l’enveloppe sur laquelle il était simplement écrit : “Pour toi”. Il en sorti une feuille qui disait exactement ceci :

Réveille-toi !

Enfuis-toi !

Le cheval te guidera.

                   Ta conscience

En relevant les yeux, Nathan découvrit l’homme pointer cette fois la porte qui menait au couloir. Il était parfaitement immobile. Il toucha du bout d’un doigt la joue de ce personnage pour s’assurer qu’il était bien réel et se fut le cas, ou alors il s’agissait d’une imitation parfaite d’un être humain.

Nathan ouvrit la porte pour sortir mais au lieu de retourner dans le couloir, il marchait sur une plage de sable fin. La porte claqua aussitôt derrière lui. Il vit un peu plus loin une silhouette assise sur une chaise, qui semblait contempler la mer. Il se mit à marcher en direction de la chaise mais il lui fallut marcher un certain temps pour arriver à la chaise qui semblait à première vue se trouver à une distance relativement proche de la pièce qu’il venait de quitter.

Il se rendit alors compte que la silhouette n’était autre que Mya. Elle tourna la tête vers lui, sourit, puis se remit à regarder la mer. Nathan s’assit à côté d’elle, sur le sable, puis lui demanda comment il pouvait faire pour se réveiller rapidement.

  • Il suffit de le vouloir réellement, d’y penser fort.
  • Ok mais avant ça, comment est-ce que je peux m’enfuir de la maison ? Amy me serre dans ses bras et je n’arrive pas à me contrôler lorsqu’elle est éveillée.
  • J’aimerais t’aider mais je ne peux pas me trouver dans ta maison en ce moment. Je ne suis pas loin. Lorsque tu te réveilleras, ne réfléchis pas : cours le plus vite possible, sors de la maison et continue de courir.
  • Et après ?
  • Suis simplement ton instinct, ne réfléchis pas.

Il entendit sur ces dernières paroles une pendule sonner douze coups.

Nathan pensa très fort à l’envie de se réveiller et rouvrit les yeux.

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