Chapitre 5

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Assise, fébrile, sur une chaise métallique, j'attendais qu'on voulût bien me recevoir en me félicitant de porter un masque FFP2 qui dissimulait à demi mon visage. "Tu n'as rien fait", ne cessai-je de me répéter pour me rassurer.

Un policier élancé d'une quarantaine d'années à l'allure juvénile apparut enfin au bout du couloir, un téléphone portable vissé à l'oreille :

- Je te l'ai déjà dit, Esther, c'est non ! N'en parlons plus. Maintenant, je te laisse, on m'attends... Madame Levèbvre ?

Je me levai et le suivis.

- Vous avez des enfants ? me demanda-t-il sur le ton de la conversation tandis que nous arrivions à la porte de son bureau.

- Non, mon mari n'en a jamais voulu, hélas...

- Vous le regrettez ? Ce n'est pas de tout repos, pourtant, les enfants, ajouta-t-il en me faisant signe de m'asseoir. Et ce ne sont pas pas les parents de Kevin qui me contrediraient.

- Kevin ?

- Oui, Kevin Laporte, sur qui j'avais besoin de votre témoignage aujourd'hui. On ne vous a rien dit ?

Le nom me disait quelque chose. Kevin Laporte ? Qui était-ce ?

- Vous étiez son professeur principal il y a six ans, quand il était en quatrième. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit. Un grand gamin roux...

- Ah oui, Kevin Laporte, je vois maintenant. Pas facile, cet enfant !

Il me sembla que tout mon corps se détendait d'un coup. Ainsi, on m'avait convoquée... pour un élève !

J'appris que le malheureux Kevin avait été arrêté pour avoir participé à un hold up, et qu'on cherchait à reconstituer son parcours "scolaire entre autres". Je me montrai assez évasive : oui, je l'avais eu en classe. Oui, j'avais eu maille à partir avec lui, comme tous mes collègues ou presque. Des devoirs non rendus, une insolence permanente... Non, je ne me souvenais plus des détails. Ses parents divorçaient, il était perturbé, nous ne l'avions pas trop accablé.

Dix minutes plus tard, je sortais, après avoir signé une vague déposition. Je m'assis à la terrasse du café le plus proche pour me remettre de mes émotions devant une énorme crème glacée, puis je rentrai à pied.

C'est en arrivant au portail que, pour la première fois depuis longtemps, je me remis à songer que bien qu'elle fût mienne, et que j'en fusse désormais l'unique propriétaire, je ne m'étais jamais réellement sentie chez moi dans dans cette grande batisse luxueuse et froide. Je contactai immédiatement un agent immobilier dans l'intention de la vendre.

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