XI – Guerre

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— Nous devons faire vite tout en ne nous faisant pas prendre, avait rappelé le chef des lieux avant que les équipes ne partent. L’équipe de Senca ne doit pas s’attarder ici, sinon cela pourrait paraître suspect de leur part.

Les événements s’étaient alors enchaînés rapidement. Chacun réalisait sa tâche à la perfection, comme pour une machine bien huilée. Force était de constater que les rebelles de cette base savaient ce qu’ils faisaient et qu’ils avaient reçu le meilleur des entraînements pour se faire discret et se fondre dans le décor tout en étant efficace. Petit à petit, nos rangs grandissaient. En une seule journée, un tiers des amnésiques du camp ne l’était plus. Encore deux jours et toutes les personnes présentes dans cette base auraient retrouvé sa mémoire.

Mais ce n’était pas assez. Cela faisait déjà deux jours que nous étions là et je sentais le regard pesant de la générale sur moi. Pour elle, nous n’avions toujours aucun résultat alors qu’on lui affirmait que mon équipe était la meilleure pour régler les problèmes de rebelles. Il était vrai que pour chaque ville que nous avions visitée, il ne nous avait fallu que deux ou trois jours pour libérer tout le monde de l’amnésie et faire ainsi croire à la réussite de notre mission d’extermination des rebelles. Il lui semblait donc étrange qu’au bout de seulement vingt-quatre heures, une deuxième équipe nous avait déjà rejoint et qu’après quarante-huit heures, nous ne lui avions toujours rien transmis sur les emplacements ou sur le nombre de rebelles présent dans les parages. Et il nous fallait jouer la comédie pendant encore deux jours.

Le troisième jour, la générale nous colla une équipe pour nous surveiller. Parmi elle, on trouvait des alliés, reconnus par un simple petit signe, mais aussi des sans-mémoires. Il nous fallait donc être encore plus prudents puisque même si nous pouvions profiter de notre excursion pour leur rendre leurs souvenirs, nous ne les connaissions pas. Il nous était donc impossible de débloquer leur mémoire à moins d’avoir une chance incroyable. Mais ce serait un trop gros risque pour une infime probabilité de réussite. Je les éloignais donc tout en laissant leur surveillance à des membres de confiance qui pourraient les neutraliser en cas de nécessité. Nous passâmes la matinée à « chercher » les rebelles, sans jamais nous approcher de leur base, en laissant toutefois les sans-mémoires trouver quelques pièges qui n’étaient là que pour servir d’appât dans une situation comme celle actuelle. En début d’après-midi, avec Gwen, nous rejoignîmes les rebelles dans leur camp pendant que les autres poursuivaient les mêmes activités qu’avant le déjeuner.

— Il semblerait que tout se passe bien pour le moment, nous annonça leur chef lorsque nous fîmes dans la salle de réunion.

— C’est vrai, mais les choses ne vont pas assez vite. À cette allure, il nous faudrait encore un à deux jours pour libérer tout le monde, temps qui risque de nous faire défaut rapidement, fis-je.

— En effet, la générale commence à sérieusement douter de nos « capacités » à résoudre le problème, expliqua Gwen. Le fait que mon équipe ait été envoyée après seulement une journée et qu’aucun résultat n’ait été donné après deux jours ne joue pas en notre faveur. Preuve en est qu’elle nous a collé une équipe de baby-sitter. Heureusement pour nous qu’ils ne sont pas tous amnésiques dans le groupe.

— Je vais essayer de faire accélérer les choses, mais je ne garantis pas que les opérations soient terminées pour ce soir. Au mieux, nous en aurons fini demain dans la matinée, mais je ne peux rien certifier.

— Bien. Faites au mieux, on s’occupera des instructeurs au besoin. En espérant que nous puissions éviter une guerre en eux et nous.

Après ça, nous quittâmes les lieux et retrouvâmes les équipes de « recherche » en essayant de ne pas indiquer d’où nous venions précisément. Il ne manquerait plus que la base soit trouvée à cause de nous.

Lorsque nous rentrâmes le soir venu, l’équipe de baby-sitter alla faire son rapport, rapport qui me fut répété mot pour mot par nos espions rapidement derrière. Et ce qui en découlait n’indiquait rien de bon pour nous. La générale, plus intuitive que je le pensais, prévoyait de nous rendre une petite visite nocturne pour s’assurer que le blocage dans notre mémoire était toujours présent. Elle voulait profiter de notre sommeil pour nous capturer et nous enlever nos souvenirs si besoin était. Heureusement que nous étions encore tous debout et présents dans la pièce, cela nous ferait gagner du temps sur nos ennemis et nous permettrait de les prendre à revers. J’avais ensuite ordonné à nos espions de transmettre le message à tous nos alliés. Ils devaient tous accélérer sans se faire prendre puisqu’il ne nous restait plus beaucoup de temps et décamper une fois leur tâche accomplie. Dès que la générale se rendrait compte de notre absence, il ne lui faudrait pas longtemps pour se douter de quelque chose et ordonner une chasse aux sorcières dans ses rangs. Ce que je redoutais de voir se mettait petit à petit en place : la guerre semblait inévitable.

Dans le but d’être sûre de notre présent pour sa visite nocturne, la générale avait posté des sentinelles devant notre porte, mais aussi devant les différentes sorties des lieux. Dommage pour elle, nos alliés étaient présents partout, et nous échapper fut un jeu d’enfant.

Au petit matin, tous ceux qui avaient retrouvé leur mémoire – ce qui ne comprenait malheureusement pas tout le monde au camp – et les adultes qui étaient de notre côté – il ne fallait pas croire que tous étaient entièrement d’accord avec le gouvernement, mais c’était soit la coopération, soit la mort – avaient pu nous rejoindre et l’offensive était fin prête. Notre but était de prendre le contrôle en faisant le moins de blesser possible chez les sans-mémoires contrairement à chez les adultes qui se révélaient sans pitié avec nous.

Nos éclaireurs avaient confirmé que toutes les entrées avaient été bloquées sauf la principale, nous obligeant à la confrontation dès notre arrivée. Nos adversaires étaient moins nombreux, mais ils avaient l’avantage d’être entourés de nombreuses fortifications. Leur quantité d’armes avait grandement diminué pendant la nuit, les rebelles en ayant emporté dans leur fuite ou en ayant détruit les plus destructrices. Ils avaient donc un nombre limité de tirs. Les premières heures ne consistèrent qu’à faire en sorte qu’ils épuisent leur stock pour limiter les pertes dans nos rangs et ainsi augmenter nos chances de réussite.

Lorsqu’enfin les coups de feu cessèrent, nous sortîmes de nos cachettes et lançâmes l’assaut. Les adultes s’étaient retranchés dans le camp, laissant les sans-mémoires s’occuper de nous. Cependant, nous étions beaucoup plus nombreux et les combats ne durèrent qu’une heure ou deux, avec très peu de pertes dans les deux camps. Les vaincus furent attachés, le temps de leur rendre leurs souvenirs.

Avec un petit groupe, je m’étais engagée dans la base à la recherche des adultes restants. Les plus hauts gradés s’étaient barricadés dans le gymnase, laissant le soin aux autres de garder l’entrée. Beaucoup ne possédaient que des couteaux ou autres armes blanches. Les neutraliser ne fut pas aussi facile qu’avec les plus jeunes, mais étant plus nombreux, nous avions fini par en venir à bout.

Le dernier obstacle entre nous et la liberté des lieux ne tenait plus qu’à une porte et quelques soldats que je soupçonnais d’avoir gardés quelques pistolets pour eux. Procédant avec prudence et rapidité, nous pénétrâmes dans les lieux, armes levées, ceux connaissant l’endroit en tête. Ils étaient tellement occupés à paniquer qu’ils ne nous remarquèrent même pas. Nous en profitâmes pour les prendre à revers, les encerclant avant de les désarmer.

Malheureusement, je ne vis que trop tard que la générale Wing n’était pas avec eux. Lorsque je l’avais repérée, je m’étais précipité sur elle, usant d’un angle mort pour ne pas me faire remarquer, mais pas assez vite puisqu’elle eut le temps de tirer.

— Gweeeen ! ! ! hurlai-je en voyant ma meilleure amie se mettre sur la trajectoire de la balle.

Le temps sembla ralentir au moment où celle-ci traversa sa poitrine. Je la vis tomber, inerte. Elle avait sûrement bougé sans réfléchir pour sauver Cody, pour qui je savais qu'elle avait des sentiments très forts. Assommant la générale que j’avais enfin atteinte, je me précipitai vers elle et vis celui qu’elle avait protégé de sa vie en faire de même. Je m'agenouillai près d'elle alors que Cody la prenait dans ses bras, la serrant contre lui, des larmes ravageant son visage et hurlant à plein poumon. J’étais incapable d’esquisser le moindre mouvement, comme figée par la scène qui s’offrait à moi. La tristesse que je lus alors dans les yeux du châtain m'ébranla : elle était immense, semblable à celle d’un être aillant perdu son âme-sœur, sa moitié.

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