VII – Problème

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Une semaine après les matchs, la rébellion avait bien grossi, ne rencontrant aucun véritable obstacle. Nous avions réussi à rendre les souvenirs de plus de la moitié de l'établissement.

— 1304, il faudrait revoir certains détails de notre prochaine opération, m'interpella Tyana qui avait retrouvé sa mémoire deux jours plus tôt.

— Pas de soucis. Je te suis 2106.

Je me doutais bien qu’elle ne parlait pas d’une mission officielle, mais bien de ce qu'on préparait en coulisse. Cependant, avec nos « tuteurs » qui pouvaient débarquer à tout moment, nous devions rester prudentes. Une fois à l'abri, je me tournai vers elle pour savoir la raison de sa panique.

— On a un problème, Maïka, un très gros problème ! lâcha-t-elle d’un souffle.

— Qu’y a-t-il ? demandai-je calmement, ayant ma petite idée de ce qu’elle allait m’annonçait.

— Nos « tuteurs » commencent vraiment à douter de tes intentions à propos du hand la semaine dernière.

— Explique-moi en détail ce que tu as entendu ! Nous avons peut-être encore un peu de temps pour les autres, ou du moins pour mettre en place le reste des opérations.

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La brune marchait tranquillement dans le couloir lorsqu'elle entendit du bruit venant d'une pièce supposée vide à cette heure de la journée. Intriguée, elle s'en approcha et tendit l'oreille pour comprendre ce qu'il s’y disait.

— Vous avez demandé à me voir, chef ? fit une voix que Tyana semblait connaître sans qu’elle ne se rappelle d’où.

— Je veux que tu surveilles l'équipe TS du groupe Écarlate, ordonna le supérieur en donnant une pochette pleine au soldat. J’ai un doute sur les intentions de 1304 vis-à-vis des matchs de la semaine dernière. Je ne pense pas que l'esprit d’équipe, la coordination et la confiance fussent ses seuls objectifs. Elle avait sûrement autre chose derrière la tête et je veux que tu trouves de quoi il s'agit.

— Pourquoi tous ces doutes, mon général ? D’après ce que je vois dans ce dossier, il semblerait pourtant qu'elle obéisse à tous les ordres qui lui sont donnés.

— Ce n'est peut-être que le fruit de mon imagination mais j’ai l’impression que son groupe de connaissance s’agrandit plus qu'il ne le devrait. Et tu ne t'es pas dit qu'elle obéissait pour brouiller les pistes ? argumenta-t-il. Quoi qu'il en soit, son histoire de recherche à la bibliothèque n'était rien d'autre que du baratin. Nous avons vérifié tous les livres et aucun n'aborde le handball.

— Peut-être les a-t-elle gardés ? tenta le soldat.

— Je ne pense pas. Je me suis aussi penché sur le dossier que tu as dans les mains. Au test, elle présentait toutes les aptitudes d'un leader, d'une personne que l'on suivrait facilement. Nos supérieurs comptaient se servir de ça pour améliorer l’organisation des opérations et l’écoute des soldats. Ça combiné aux événements récents, je crois pouvoir affirmer qu'il est trop tard et qu'elle prépare quelque chose contre nous, contre le système.

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— Je n'ai pas écouté la suite, préférant venir te prévenir le plus rapidement possible, fit Tyana après son récit. Et je n’arrive toujours pas à me rappeler à qui appartient cette voix, donc impossible de savoir qui sera notre « chaperon » pour le moment.

— Et merde ! jurai-je. Je savais que je serais découverte, mais je pensais avoir une petite semaine de plus avec tout ce qu’ils ont à gérer. Il va falloir avancer les opérations et les réaliser le plus rapidement possible tout en restant discret. Mais il faut d'abord prévenir les autres, que tous sachent ce qu’ils ont à faire. Je vais faire passer le mot, peux-tu en faire autant de ton côté ?

— Tu peux compter sur moi ! affirma-t-elle avec détermination.

Nous quittâmes la salle séparément pour prévenir les membres de notre rébellion, les informant des dernières nouvelles pour qu’ils en fassent de même à leur tour. L’angoisse montait à petit pas, mais je faisais tout pour la garder cachée.

Il n'avait fallu que vingt-quatre heures pour que mon équipe soit convoquée. Officiellement, nos supérieurs voulaient nous donner une mission de reconnaissance dans les établissements voisins. Mais officieusement, cela avait un tout autre but : m'éloigner des lieux pour s'assurer que je ne pourrais rien planifier ni gêner leurs petites investigations. Malheureusement pour eux, c'était sous-estimer notre organisation. Nous avions des yeux et des oreilles partout, et si Tyana n’avait pas surpris cette conversation, quelqu’un d’autre l’aurait fait. Puisqu’elle m'avait prévenue assez vite la veille, nous avions pu organiser les dernières opérations. Tous savaient déjà ce qu'ils leur restaient à faire sans avoir besoin de passer par moi. Je n’étais donc plus d’aucune utilité, rendant leur mission d’éloignement complètement inutile.

— 1304, tu écoutes ce qu'on te dit ? demanda le général, une pointe d'agacement dans la voix, me sortant ainsi de mes pensées.

— Nous devons nous rendre dans la ville voisine afin de nous assurer que le protocole 4022 se déroule sans encombre, monsieur, répondis-je droite comme un piquet.

L’avantage d’avoir dû vivre en cachant sa mémoire, c’était qu’on s’habituait à retenir les informations importantes qui étaient dites même si notre esprit partait en balade. C’était un atout précieux lorsqu’il fallait planifier une excuse par rapport à une situation gênante qui n’aurait normalement pas due arriver sans souvenirs ou lorsque les discours étaient d’un ennui mortel.

— Tu partiras avec 1804, 2106, 3105 et 2111 ci-présentes de ton unité ainsi que 2407 qui ne devrait pas tarder à se joindre à nous.

À peine eut-il fini sa phrase que quelqu’un toqua, annonçant sa présence. Ça ne pouvait être que 2407. J'avais une petite idée de qui se cachait derrière ce numéro, mais je ne voulais pas me faire de faux espoirs. Pas maintenant que tout était presque fini. Pas maintenant que j’avais réussi à mettre mes sentiments de côté pour être le leader de la rébellion. Il entra alors que je tournais toujours le dos à la porte, mais son odeur emplie la pièce, arrivant jusqu’à mes narines. Il n’y avait plus de doute possible, je reconnaîtrais ce parfum n’importe où.

— Veuillez m'excuser pour ce retard, mon général, fit-il d'une voix calme.

Je me tournai vers lui. Jezekael était là, devant moi. Même après plusieurs tentatives, je n'avais pas réussi à le croiser suffisamment longtemps pour lui rendre sa mémoire et cette mission me paraissait soudain comme une bénédiction. Mon regard croisa le sien et j’en eus le souffle coupé. Ses magnifiques yeux verts autrefois si vifs semblaient ternes et sans vie, même si une étrange lueur – très faible – qui me semblait familière y était logée. Je n'eus pas le temps de m’y plonger d’avantage que je fus ramenée à la réalité, scindant ainsi ce contact visuel.

— C'est bien clair ?

— Oui chef ! fîmes-nous d'une seule voix.

— Vous partirez en début d'après-midi. Partez maintenant, je n’ai plus besoin de vous.

Je m'apprêtais à sortir, suivie de Jezekael lorsque le commandant nous interpella :

— Sauf 1304 et 2407. Vous serez tous les deux en charge des opérations sur place. Je vous laisse le dossier de cette affaire. Je suspecte qu'un groupe de rebelle ait élu domicile dans la forêt avoisinante et tente d'interférer avec le protocole 4022, raison pour laquelle nous n’avons plus de nouvelles depuis peu. Vous pouvez disposer à présent.

— Bien mon général, dîmes-nous avant de partir pour de bons de la salle.

À peine sortie du bureau, je pris la direction de mon dortoir où les filles devaient certainement préparer leurs affaires dans le but d’en faire de même. Je devais aussi les informer des dernières nouvelles relatives à la mission qui se trouvaient dans la pochette que nous avait remise le général après leur départ. Cependant, une odeur persistante me suivait alors qu’il n’y avait aucune raison valable à cela.

— 2407, en quoi je peux t'ai...

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase qu'il me poussa dans la première salle vide qui croisa notre route. Coupant court à n’importes quelles protestations qui auraient pu sortir de ma bouche, il m’embrassa. Le baiser était semblable à ceux passés, imprégné d’autant d’amour et de tendresse que ceux qu’il me donnait voilà maintenant deux ans. Je sentis les larmes me monter aux joues sous la joie de le retrouver, mais aussi la peur de me faire de faux espoirs. Était-ce réel ? Se souvenait-il vraiment de ce que nous avions partagé ? Avait-il seulement perdu sa mémoire un jour ? Tant de questions sans réponses se bousculaient dans ma tête. Et je n’avais pas le moins du monde la force de les lui poser, ne voulant pas briser ce moment que je désirais plus que tout depuis qu’ils nous avaient pris nos souvenirs.

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