VI – Sérum 

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Les matchs s'étaient enchaînés pendant tout l’après-midi, provoquant le retour de mémoire de beaucoup d’autres. Nous avions dû nous arrêter pour le dîner qui ne nous avait pas pris plus d'une demi-heure. Par la suite, nous nous étions réunis dans une salle avec le groupe de Gwen, profitant du peu de temps libre que nous avions pour discuter de la suite. Dans le lot, je reconnaissais Yoana ainsi qu’Anaëlle, cependant les autres ne me disaient rien ou vaguement quelque chose. Nous fîmes de rapides présentations, essayant de faire la connaissance de tout le monde. Avec Gwen, nous leur expliquâmes rapidement la situation, les plans que nos « tuteurs » nous réservaient, mais aussi que nous attendions le bon moment pour frapper.

— C'est bien beau tout ça mais comment ils ont fait pour nous enlever tous nos souvenirs ? demanda Anaëlle. Parce que si on en est là, c’est bien à cause de cette manipulation.

— Ils ont généré un choc au niveau de l'hippocampe, une partie du cerveau responsable de notre mémoire. De ce fait, cela vous a rendus amnésiques. Mais pour que ça fonctionne, vous deviez les écouter et être concentrés sur le rayon qu’ils vous envoyaient pour que votre cortex mémoriel ne s'active que pour l'ouïe et la vue. Les neurones ont alors transporté un message trop important qui a mené à un blocage de vos souvenirs.

— Et pour le fait qu'on ait tous l'air d'avoir 20 ans alors qu'il y a deux ans on semblait n'en avoir que 15 ? questionna Cody. Surtout que nous n'avons pas tous le même âge à la base.

— Nous allions y venir. Il semblerait qu'ils aient trouvé un moyen de nous rajeunir puis d'accélérer notre croissance. Il me semble que c'est le scientifique...

— Choukhov, fit Gwen.

— Merci. Donc le scientifique Choukhov a mis au point un sérum permettant de faire varier l'âge d'une personne en fonction de la dose injectée. Sérum que nous prenons tous les jours afin d'avoir une croissance accélérée sous la supervision de docteur Racéma.

— Mais qui nous dit que tu ne racontes pas des mensonges ? demanda Maëlle méfiante.

— Libre à toi de ne pas nous croire, mais au vu des circonstances, je ne vois pas pourquoi on vous mentirait. Et ce qu'elle vient de vous expliquer, je l'ai aussi entendu, lui répondit Gwen.

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— Alors, une idée pour les autres ? fis-je.

— J'en aurais bien une mais je ne suis pas sûr que cela marchera, me répondit Gwen. Mais puisque nous pensions à des choses que nous aimions, peut-être qu'en leur parlant de ce qu'ils appréciaient ou en leur faisant pratiquer, leur mémoire leur reviendrait.

— Ce n'est pas une mauvaise idée. On peut toujours tenter le coup et voir si ça marche. Mais il faudra bien préparer notre coup, sinon, adieux nos souvenirs.

— ...et ils réagissent très bien au sérum de croissance, entendîmes-nous tout bas.

Nous nous regardâmes en silence, faisant signe à l'autre d'avancer sans un bruit pour comprendre de quoi ils parlaient. J'avais reconnu la voix du docteur Racéma, mais je ne savais pas à qui appartenait l'autre, bien qu’il me semblât l’avoir déjà entendu quelque part.

— Bien. Il est toujours mélangé à leur nourriture ? fit l'inconnu.

— Oui, comme vous l'aviez suggéré, professeur Choukhov.

— Et leur mémoire ?

— Toujours absente. Le rayon que vous avez mis au point a parfaitement fonctionné.

— Parfais. Tant que vous vous assurez que rien ne stimule les souvenirs de leur ancienne vie, elle devrait rester enfouie.

— J'en ferai part au général.

— Puisque tout va bien chez vous, il est temps pour moi de vous quitter.

Suite à des bruits de pas, nous partîmes nous réfugier dans un recoin du couloir pour ne pas être vues. Nous attendîmes de ne plus rien entendre pour enfin sortir et partir rejoindre le terrain d'entraînement. Gwen fut la première à rompre le silence.

— On a maintenant la solution la plus efficace : leur rappeler des éléments de leur passé.

— Je commence justement à avoir une idée. Mais je t'en parlerai plus tard, sinon on va finir par être en retard et avoir des problèmes. Et dans ce cas-là, on risque d'avoir du mal à aider tout le monde.

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— C’était il y a un peu plus de six mois, fis-je après mon récit.

— C’est bien beau tout ça, mais pourquoi attendre autant de temps pour vous mettre à l'œuvre ? demanda Eliot si ma mémoire ne me faisait pas défaut. Vous auriez très bien pu commencer à nous aider dès vos retrouvailles.

— Ne pense pas que nous n'avons rien fait pendant ces dix-huit derniers mois. Nous vous avons observés pour déterminer le meilleur plan d’action et le moment opportun pour nous mettre en action. Il était hors de question de former une rébellion alors que vous n'étiez pas aptes à vous battre avec des armes ou que nous risquions de nous faire prendre sans avoir accompli quoi que ce soit. Nous avons donc attendu patiemment, mettant doucement en place nos pions pour vous délivrer de votre amnésie.

— Mais pourquoi ne pas l'avoir fait il y a un an de ça ? Nous aurions déjà eu une année de formation derrière nous, ce qui est amplement suffisant selon moi, renchérit une des handballeuses que j’avais aidée.

— Parce que nous nous sommes trouvées seulement six mois après notre arrivée, et que si nous étions restées ensemble du jour au lendemain, cela aurait été plus que louche, expliquai-je. D’autant plus que nous ne faisons pas partie de la même équipe même si nous partageons le même dortoir et que nos « tuteurs » prônent l’indépendance de chaque team, nous évitant ainsi de nous mélanger. Nous avons donc préféré nous voir de temps en temps pour ne pas éveiller les soupçons, faisant comme si c’était seulement dû à notre lieu de couchage commun. Si nous n'avions pas été prudentes et que nous avions été attrapées, il aurait été dur de vous aider.

— Et pourquoi ne pas l'avoir fait il y a six mois, quand vous avez surpris cette conversation ?

— Cela aurait été bizarre si le général apprenait qu'il ne fallait pas stimuler votre mémoire avec des événements de votre passé et que le lendemain je lui demande de faire un match, tu ne penses pas ? répliqua Gwen.

« Que chacun rejoigne sa chambre, il est l'heure du couvre-feu. Toute personne ne le respectant pas se verra sanctionner. »

— Rendez-vous demain en début d’après-midi, même salle, pour parler de la stratégie à adopter pour aider les autres. Ne venez pas tous en même temps, privilégiez les petits groupes, de préférence de membres de même dortoir, sinon nos « tuteurs » pourraient avoir des doutes. Maintenant partez par groupe pour plus de discrétion.

Tous partirent en suivant mes instructions, regagnant leur couchage dans le calme le plus total, comme si cette conversation n’avait jamais eu lieu.

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