Le TraGirk

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Le grand jour tant attendu par les enfants était arrivé ! Cela faisait maintenant quelques lunes que Mat était là. Ils allaient tous les deux, accompagnés par Britta et Boraz, par les autres enfants de leur âge et leurs parents, rejoindre l’Arbre de Vie de leur village. C’était le jour du TraGirk : sans doute une des plus grandes fêtes du village. Chaque enfant âgé de 6 cycles allait découvrir son Girk et chacun de ceux arrivé à 16 cycle allait s’en séparer et entrer ainsi dans l’âge adulte.

Tous s’assemblèrent autour de cet arbre majestueux. Son tronc devait faire autour de 10-15 mètres de diamètre. Son écorce était d’un gris brillant et toute lisse. On aurait de la peau animale. L’assemblée se mit en trois cercles concentriques :

- Les futurs adultes de 16 cycles dans le cercle le plus petit, les plus proches de l’arbre, accompagnés chacun de leur Girk. On voyait un mélange de tristesse (à l’idée de se séparer de leur Girk qui les avait accompagnés durant les 10 cycles de leur croissance, de leur développement) et de fierté (savoir qu’ils allaient très bientôt entrer dans le monde des adultes)

- Les enfants de 6 cycles qui allaient recevoir le leur (à la fois impatient, intrigués et vaguement inquiets de partager leur vie avec ces monstres gentils et rieurs)

- Et enfin les parents et amis de ces enfants, les adultes, qui accompagnaient leurs jeunes enfants et s’apprêtaient à accueillir de nouveau membres de la communauté des adultes.

Les tambours se mirent à résonner, faisant comme la pulsation d’un cœur monstrueux. Petit à petit les battements de cœur de tous se mirent à l’unisson de ce rythme. Les battements emportaient la foule, comme si elle avait un unique cœur. Ils étaient quasiment comme en transe. Même l’Arbre de Vie semblait pulser au même rythme.

Dans les histoires qui se racontaient les soirs, aux veillées, il se disait que les Girks étaient les habitants de ce monde, avant les hommes. Quand ils étaient partis, ils s’étaient enfouis dans le sol, pour laisser la place. Auparavant, ils avaient planté un Arbre de vie dans chaque village. Le fait de ressortir pour aider les jeunes enfants à se développer était comme un passage de relais entre deux espèces, entre deux civilisations. Peut-être qu’un jour, les Girks considèreraient qu’ils ne sont plus nécessaires et il n’y aurait plus de jour du Tragirk.

Telles étaient les pensées de Britta, au moment où, comme à chaque fois, la terre s’ouvrit au pied de l’Arbre. Du cercle intérieur, les Girks qui avaient fini leur mission se détachèrent de leur partenaire et se dirigèrent lentement en marchant au son des percussions, vers ce trou dans lequel ils disparurent l’un après l’autre. La cavité se referma lentement et de la foule jaillirent les mots :

  • Bienvenue aux nouveaux adultes ! Bienvenue aux nouveaux adultes ! Bienvenue aux nouveaux adultes !

Ils venaient de changer de statut et avaient quitté définitivement le monde de l’enfance. Les nouveaux adultes rompirent leur cercle pour rejoindre celui de l’extérieur et tomber dans les bras de leurs parents et amis. Ces effusions tentaient de leur faire oublier un peu le déchirement de la séparation avec celui qui avait été à leurs côtés durant 10 cycles. Les tambours cessèrent le temps de ces embrassades.

Puis tous reprirent place dans ce cercle extérieur et les battements sur les peaux des tambours recommencèrent leur pulsation. On sentait l’excitation gagner le cercle des enfants, bientôt ils allaient avoir leur partenaire, bientôt ils quitteraient le monde de la petite enfance pour celui de la jeunesse, de l’adolescence, avant de devenir adultes eux-aussi. Le sol s’ouvrit de nouveau, du côté opposé par rapport au début de la cérémonie. Une à une des créatures en sortirent. Personne ne savait comment, mais c’était comme s’ils savaient quel enfant elles devaient rejoindre. Sans aucune hésitation, un Girk se posta en face de chaque enfant. En parfaite synchronicité, ils posèrent tous leur patte gauche sur le haut du crâne de l’enfant en face d’eux.

Pour Myra, cet instant avait été magique. Quand elle avait senti la patte du Girk entrer en contact avec ses cheveux, elle s'était sentie forte, d'une force douce mais invincible.

Quand le Girk avait posé sa patte sur la chevelure rousse de Mat, il s’était senti envahi par une paix intérieure, une grande sérénité Cela avait confirmé ce qu’il avait ressenti en arrivant au village et chez Britta et Boraz en particulier : il était chez lui, au milieu des siens. Et le monde serait beau pour lui. Il aimerait la vie, il aimerait toute sa vie

Chaque enfant présent avait eu des sensations différentes et spécifiques, dont ils se rappelleraient durant toute leur existence.

Au bout de quelques instants, tous les Girks éclatèrent d’un rire tonitruant. Il était tellement communicatif que les enfants furent bientôt pris aux aussi d’un fou-rire irrépressible, suivis par le cercle extérieur des adultes. Même les percussionnistes se tenaient les côtes et cessèrent donc leur raffut.

La cérémonie se termina, comme chaque fois, par un joyeux bordel et une franche rigolade. Et Chacun s’en retourna chez soi, les nouveaux adultes chez leurs parents en attendant qu’ils se construisent une habitation et les enfants accompagnés dorénavant par le compagnon qui ne les quitterait pas d’une semelle durant toute leur enfance et leur adolescence.

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