Chapitre 5 : Philéas

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Une fois parvenues au lieu convenu, soit devant la boutique du confiseur, elles attendirent dix bonnes minutes. Ce laps de temps écoulé, deux motos déboulèrent dans la nuit, l'une conduite par Marco, le petit-ami de Diane, l'autre conduite par Philéas, 18 ans le meilleur ami de Marco.

Dès que Philéas vit Juliana, de 5 ans sa cadette, il fut séduit par son manque d'assurance et sa vulnérabilité apparente. Elle était si frêle, si petite, ça avait réveillé quelque chose en lui. De son côté, Juliana aussi était sous le charme de ce garçon plus âgé, plus fort qu'elle, et qui la regardait comme personne ne l'avait jamais regardée.

Ils ne purent se contempler mutuellement que quelques minutes, le temps que Diane et Marco discutent et s'embrassent. Sitôt fait, Diane monta sur l'engin de Marco et Julia sur celui de Philéas. Pendant le trajet, ce dernier était de loin celui qui conduisait le plus dangereusement ; il accélérait et décélérait sans mesure, il sinuait sans peur.

Juliana, agrippée à lui, était pétrifiée. Le cœur rapide, elle ne faisait qu'attendre l'arrivée salvatrice. Elle avait hâte de descendre du deux-roues, mais surtout de mieux connaître son conducteur... Elle lui pardonnait volontiers sa conduite, aveuglée par la confiance que dégageait le jeune adulte.

Une fois tous arrivés chez Philéas, Diane, aidée de Marco, s'affaira à une de ses passions : elle prépara divers cocktails fortement alcoolisés.

D'autres jeunes s'étaient joints à eux, il fallait donc satisfaire la demande. Quant à Julia, elle s'était isolée, avec "son" éphèbe, à un coin du minibar. Elle faisait connaissance. Philéas la fascinait. Il le savait, et racontait , sans gêne, sa vie à son interlocutrice, et en profitait pour en apprendre plus sur elle. Il en arriva à utiliser sa généalogie :
« ― Donc, Diane c'est ma cousine et ma demi-sœur

― Quoi ? Comment ça ? demanda-t-elle étonnée

― Bah, on a le même père et nos mères sont sœurs, voilà

― Ah, d'accord, dit-elle avec gêne, mais du coup tu t'entends bien avec lui ?

― Il vit en Allemagne, donc je le vois pas souvent, mais il me file des thunes quand y'a besoin et me couvre quand j'ai des embrouilles, dit-il avec désinvolture.

― Et ta mère ?

― Elle est jamais là, et elle me laisse vivre ma vie, et toi, les tiens tu t'entends bien avec ?

― Pas vraiment... C'est même un peu pour ça que je suis interne ici

― Dis-moi tout »
Enfin, elle avait trouvé une oreille attentive.

Elle se confia à lui sans peur, sans appréhension ni défiance, avec seulement une véritable honnêteté. Il était là pour elle, il la rassurait et la consolait. Il était là, comme personne ne l'avait été de puis longtemps. Elle tombait sous son charme en se confiant à lui, car il lui prodiguait conseils et réconfort, avec une douceur mielleuse.

Quant à lui, il était captivé par ce corps, et par cet esprit qu'il sentait pur.
C'était le gros lot, une synthèse de tout ce qu'il aimait ; un corps à peine formé, filiforme, mais aussi un faible caractère, une réelle fragilité, et un manque de confiance en soi. Pour lui, elle était la pureté incarnée. Et il tombait, en quelque sorte, sous le charme de ses faiblesses, ses hésitations.

Jeudi 19 septembre

C'est à trois heures et demie du matin que Diane vint réveiller Juliana, qui s'était assoupie dans un divan.

Plus précisément, la jeune fille sommeillait dans un divan, dans les bras de Philéas. Ce n'était pas pour déplaire à ce dernier, qui ne s'était endormi qu'après un long moment ; trop occupé à contempler la frêle beauté qui gisait dans ses bras.
Mais, malgré son amusement à la vue des deux jeunes gens enlacés, Diane ne renonça pas. Il fallait rentrer au bercail.

Juliana fut réveillée, bon gré mal gré, et émergea tant bien que mal. Elle fut néanmoins consolée lorsque son bellâtre, qui s'était aussi réveillé, l'étreint avec vigueur. Après quoi, il lui glissa à l'oreille un "au revoir" réconfortant.

Elle se sentit enfin désirée, attirante. Cette étreinte l'avait remplie d'assurance, et elle en sortit confiante, mais surtout franchement amoureuse ; l'attirance de la veille s'était confirmée, affirmée.

Quelques minutes plus tard, Diane enfourchait la moto de son demi-frère, qui devait la déposer à l'internat. Marco ne pouvant plus le faire, car il avait trop bu, Philéas devait effectuer trois aller-retour entre le lycée et son domicile.

Il devait déposer Diane devant la confiserie, puis revenir chez lui pour prendre Juliana et la conduire au même endroit, enfin, il devait rentrer chez lui pour dormir un peu et s'apprêter avant d'aller au lycée. Il devait y être à huit heures.

Quant aux filles, elles devaient se trouver dans leur chambre à cinq heures et demie, pour pouvoir se démaquiller et se ''coucher'' avant six heures, heure à laquelle les surveillantes réveillaient les filles qui l'avaient demandé et faisaient une ronde rapide.

Les choses se firent sans encombre, et Philéas roula plutôt prudemment, cette fois.

Une fois toutes deux arrivées devant la confiserie, il fallut rentrer à l'internat

Les filles étaient hilares, grisées par les plaisirs de la fête et par ceux que l'on trouve dans la transgression. Elles surent cependant canaliser leurs rires, le long du trajet, se contentant de gloussements étouffés. Elles franchirent les mêmes obstacles qu'au départ, avec plus de difficulté.

Le plus difficile fut la montée des escaliers ; Diane chancelait et Juliana devait lui servir d'appui. C'est au prix de gros efforts qu'elles se retinrent d'éclater de rire.

Parvenues enfin dans leur chambre, elles se changèrent et se démaquillèrent, avant de se mettre au lit. Tout cela se fit sur la pointe des pieds, avec pour seul éclairage une vieille lampe de torche. Il ne fallait pas déranger ou réveiller, au risque d'être pincées.

Une fois la pénombre complètement installée, Diane engagea la conversation, à voix basse :

«― J'ai cru voir que Phil' te plaît bien, dis-moi tout.

― C'est vrai, avoua timidement Julia, et, j'espère que c'est réciproque, poursuivit-elle, inquiète.

― Oh, ma Julia, crois-moi, je le connais bien et je peux te dire avec certitude que tu lui plais aussi, dit la demi-sœur de l'intéressé avec conviction

― Vraiment ? demanda la soupirante, pleine d'espoir.

― Vraiment. Et puis, comme je le connais bien, je peux te dire que c'est un mec bien. S'il doit y avoir quelque chose entre vous, il t'apportera beaucoup

― Mais tu penses qu'il s'intéressera à moi, même si je suis une "petite" pour lui ?

― Ne t'inquiète pas, c'est pas le genre de gars à s'attarder sur des détails, tant que tu satisfais ses attentes.

― Il a l'air tellement plus sympa que les autres, songea la préadolescente, rêveuse

― Et il l'est. D'ailleurs, je pense que c'est une perle rare.

― Et tout ça, c'est grâce à toi, dit la jeune fille avec gratitude, tu sais, Diane, tu es comme une sœur pour moi, et je me demande bien ce que je ferais sans toi, déclara-t-elle, touchante de sincérité

― Moi aussi je me demande, lui répondit espièglement sa camarade »

Après quoi, elles se souhaitèrent « bonne nuit » mutuellement et se retournèrent chacune de leur côté, pour dormir enfin.

Le lendemain, Juliana retourna en cours le cœur léger ; qu'importe ce que les autres diraient où penseraient d'elle, elle se sentait choyée, entourée. Elle avait une véritable amie, et même un éventuel soupirant.

De plus, Diane l'avait introduite auprès d'un groupe de collégiennes, d'adorables gamines qui lui feraient bon accueil. C'étaient principalement les petites sœurs de ses amies.

L'une d'elles, Aglaé, était dans la même classe que Juliana, c'était une fille assez banale, mais très loyale, et ce, surtout envers Diane, pour qui elle avait une profonde admiration. À la demande de celle-ci, elle avait commencé à sympathiser avec Juliana.

Tout du long de la journée, elle tenta de la mettre à l'aise, mais aussi de cerner sa personnalité. Elle mangea avec elle, lui parla entre les cours, se mit en binôme avec elle pour les Travaux Pratiques de Chimie et de Biologie, elle fut si présente que Juliana en oublia presque sa mésaventure de l'avant-veille, elle ne jeta pas un regard à ses anciennes fréquentations, ni à Candice, ni à Maël, ni à Ayden ni même à Lola ou Seb.

Ce dernier, se consolait, en la regardant. Il déculpabilisait en la voyant si joyeuse auprès d'Aglaé, même si, malgré tout, elle lui manquait.

De son côté, Diane avait passé une matinée plutôt banale, après laquelle elle avait rejoint Philéas, afin qu'ils déjeunent en ville ensemble.

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C'était une de leurs rares occasions de passer du temps ensemble, car, même s'ils étaient dans le même lycée, car l'emploi du temps chargé de Philéas, l'empêchait de voir sa demi-sœur. Malgré tout, ce jour-là, l'absence d'un professeur lui avait permis de libérer une heure dans son planning de terminale. Après quelques minutes, Diane le rejoint devant la grille, elle engagea :

«― Salut frangin !

― Salut frangine ! »

Ils se firent une accolade complice, puis ils montèrent sur son deux-roues, et s'arrêtèrent près d'un petit restaurant de bord de mer.

Dès qu'ils furent attablés, elle demanda d'une voix joyeuse :

― Ça va ? Remis de la soirée d'hier ?

― Oui, très bien. Mais par rapport à ça, je voulais te parler de quelqu'un...

― Julia ?

― Oui, comment tu sais ?

― C'était plutôt évident, et puis je te connais, je suis quand même ta sœur ! Bref, qu'est-ce que tu veux savoir ?

― Tu la connais depuis quand ?

― Hier aprèm'

― Seulement ?

― Je sais, c'est étonnant, mais y'a une vraie connexion entre nous

― C'est pour ça que tu l'as amenée ?

― Oui, mais aussi parce qu'elle avait besoin de se changer les idées, si tu savais dans quel état je l'ai trouvée, la pauvre...

― Elle avait quoi ?

― Elle venait de se faire abandonner par son groupe de potes

― Tu sais pourquoi c'est arrivé ?

― Une histoire de couple et de faux amis, bref un truc hyper injuste. Surtout que cette nana est un vrai sucre !

― J'avais deviné qu'elle était gentille, elle a aussi l'air très innocente...

― Elle l'est !

― Tu penses qu'elle est...

― Vierge ? J'en suis presque sûre ! Et puis, je pense pas qu'elle y connaît grand-chose...

― Sinon, tu crois qu'elle m'aime bien ?

― Ah ça, elle est complètement sous le charme, ne t'inquiète pas !

― Cool ça, tu pourrais m'arranger le coup ?

― Je pourrais, mais faudrait que toi aussi tu me rendes un service..., dit-elle en le regardant les yeux dans les yeux

― Qu'est-ce que t'as encore foutu avec Marco ?

― Hier, il était à moitié bourré, et on est allés dans la chambre d'ami...

― Me dit pas que t'as retenté le coup ?

― Je l'ai embrassé, il m'a répondu, je me suis dit que c'était le bon moment, mais, comme d'habitude, dès que j'ai ai commencé à défaire sa ceinture, il s'est complètement renfermé, et je crois qu'il me fait la gueule maintenant...

― Diane ! C'est la cinquième fois que tu essaies ! Tu sais très bien qu'il a peur que tu te forces à le faire ; il t'aime tellement qu'il veut pas que tu te sentes obligée, c'est tout.

― Mais je me sens pas obligée ! J'en ai marre qu'il me prenne pour une petite chose fragile ! Je suis pas Céline, moi !

― Je te comprends, et je suis d'accord avec toi : les gens qui sont vraiment pas d'accord, ils le disent. Mais bon, c'est tout lui, il se soucie trop des autres. Quoiqu'il en soit, je vais lui parler, mais en échange, tu me branches avec ta pote, d'accord ?

― Marché conclu. Je peux te l'envoyer mardi prochain, après les cours, ça te va ?

― Pourquoi pas avant ?

― Bah dis donc, t'es pressé ! En vrai, il faut attendre un peu, le temps que tu lui manques, en plus ça me laisse du temps pour lui parler de toi

― Bien vu ! Mais, dis-moi, comment tu comptes la faire venir ?

― Donne-moi la broche.

Il sortit de sa poche une petite broche dorée, ornée d'un faux diamant rouge et la lui donna

― Donc, poursuivit-elle, ce soir, je lui montre et je lui dis que je t'ai embobiné pour que tu me prêtes ça et qu'elle te le ramène mardi.
Tu me suis ?

― Oui. Mais avant que tu continues, j'ai un truc à te dire : tu es vraiment, vraiment très douée pour inventer des histoires ! dit-il plein d'admiration

― Ça me touche. Mais bon, revenons à nos moutons. Je disais : à 16h, elle t'amène la babiole chez toi, et là, c'est à toi de jouer. Tu marches ?

― Bien sûre, t'es géniale comme fille ! D'ailleurs, pour te remercier, je t'offre un cocktail !

― C'est pas cher payé, dit-elle en riant, mais je me contenterai d'un verre de ponch

― Entendu.

Le cocktail fut offert, on déjeuna, on parla encore, puis on rentra.

Lorsque, à la fin de la journée, Diane rentra dans la chambre 402, Juliana l'y attendait et l'accueillit avec joie. Diane en profita pour lui proposer le rendez-vous impromptu. Juliana l'accepta avec joie, et, ce soir-là, elle se coucha toute heureuse. Elle attendait avec impatience cette rencontre, sans savoir jusqu'où tout cela allait la mener...

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NDA : Vos impressions sur Philéas ? Pensez-vous que Juliana devrait se rendre à ce rendez-vous ?

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