Chapitre 3 : Averse et réconfort

8 minutes de lecture

17 septembre

C'est deux semaines plus tard, un mardi, que l'orage eut lieu. Il faisait gris. La journée de cours était relativement monotone, mais avait l'avantage de finir tôt. Mais, ce n'était pas pour cela que Candice jubilait.

Bien loin des frustrations ressenties le jour de la rentrée, elle était animée d'une joie intense. C'était la joie des triomphes qui viennent après de grands efforts.

Et, en effet, elle avait atteint un objectif bien précis, au prix d'un certain labeur. Juliana allait débarrasser le plancher, suite à un long travail de sape.

Tout d'abord elle avait exploité l'inconfort de « guys ». Sur la base de cette exaspération, elle les avait convaincus de faire pression sur Seb.

Ensuite, elle avait exacerbé la jalousie de Lola, qui, elle aussi, s'était mise à faire pression sur Seb.

Malgré tout, le garçon, devenu confident de Juliana, persistait ; il voulait la garder auprès de lui. Il se reconnaissait en elle. Il avait connu le même mal-être, les mêmes doutes, le même désarroi. De plus, ils étaient unis par une passion peu commune: les maquettes.

C'était à l'occasion d'un cours d'histoire sur la Grèce antique qu'ils l'avaient découvert : lorsque, le mercredi, la professeur avait demandé s'il y avait des volontaires pour réaliser une miniature d'un monument hellénique, ils avaient levé la main en même temps.

Ils s'étaient donc mis en binôme et avaient décidé de représenter le Parthénon. Ils avaient commencé l'ouvrage l'après-midi même.

C'est d'ailleurs à ce moment qu'elle s'était vraiment ouverte à lui.

Jusque-là, leur seul lien était Lola, ils étaient plus ou moins des camarades qui riaient ensemble de temps en temps, voilà tout.

Mais, tout avait changé lorsqu'ils s'étaient retrouvés seuls, entre quatre yeux.

Au fil de leurs échanges, tout naturellement, les langues se délièrent. Entre deux éclats de rire, les confidences fusèrent, des deux parts.

C'est à contrecœur qu'ils se quittèrent, car, ils n'étaient plus de simples ''potes'', mais de véritables amis, du fond du cœur. C'était comme s'ils étaient jumeaux, tant ils se ressemblaient, au fond. Les jours suivants, ils étaient apparus plus proches.

Seb voulait faire de Juliana une véritable acolyte, au même titre que les « guys ». Elle approuvait l'idée, mais, malgré tout, elle gardait une grande affection pour Lola, qu'elle admirait considérait comme une véritable bonne samaritaine.

Et, aveuglés par les joies de l'amitié, ni l'un ni l'autre n'avaient vu le malaise croissant de Lola.

Celle-ci, honteuse de son sentiment, n'osait pas l'exprimer à Seb.

Mais Candice, qui veillait au grain, le sentit. Elle amena sa meilleure amie à tout lui avouer. Elle l'avait déjà deviné, mais elle avait besoin d'une occasion. Elle l'eut.

Quand Lola lui exposa les raisons de son angoisse, loin de la rassurer, Candice l'appuya. Elle résolut de persuader Lola que Juliana tentait de séduire Seb, et que ce dernier, trop naïf et trop indulgent pour le comprendre, se faisait berner et devait être rapidement débarrassé de cette fille, de gré ou de force.

Elle y parvint, en exploitant le manque d'assurance de son amie. C'est ainsi que Lola repartit persuadée que Juliana représentait une menace pour son couple.

Alors, aveuglée par l'amour et soucieuse de préserver sa relation, elle se mit à détester Juliana. Elle entreprit d'en finir avec celle qu'elle voyait maintenant comme une odieuse conjurée. Elle se sentait trahie, pensant que Juliana usait de son amitié pour la tromper. Son amertume augmentait de jour en jour.

Quant à Juliana, elle ne se doutait de rien, du moins, elle ne voulait pas se douter de quoi que ce soit.

Elle voyait bien Lola, Ayden ou Maël s'isoler, de temps en temps, avec avec Seb, pour discuter à voix basse. Parfois, elle voyait qu'ils lui jetaient des regards en coin, tout du long de ces conversations. Elle voyait toujours Seb en revenir préoccupé. Elle sentait aussi un certain changement dans les comportements de sa nouvelle amie. Celle qui était auparavant si accueillante et si gentille, semblait dorénavant suspicieuse et froide.

Ce manège avait duré plusieurs semaines, au bout des quelles, lors d'un des rares moments qu'elle passait encore seul à seul avec lui, elle eut le courage de demander la vérité à Seb. Le garçon prit toutes les pincettes possibles pour lui expliquer ce qu'elle avait déjà compris.

Ni Maël, ni Ayden, ni Candice ne l'avaient appréciée, lors de la première rencontre, ils avaient fait bonne figure, espérant qu'elle trouverait bientôt d'autres amis, et prendrait ses distances avec Seb, donc avec le groupe.

Néanmoins, Seb et Lola avaient fait front commun pour défendre la nouvelle arrivée, du moins au début, car, peu de temps après, Lola avait basculé et s'était, elle aussi, retournée contre Juliana.

Pour la rassurer, il lui avait expliqué qu'il avait réussi à arrondir les angles avec ses amis et sa petite-amie, qu'ils réagissaient toujours comme ça face aux nouveaux venus, que ce n'était pas de sa faute à elle, et que tout s'arrangerait dans les semaines à venir. Il essayait de s'en convaincre, cachant son inquiétude.

Les jours suivants, Juliana n'avait pas changé de comportement, car elle ne voulait pas admettre que la situation avait changé. Elle voulait croire que tout s'arrangerait bientôt, que tout irait mieux d'ici quelques semaines.

Elle voulait vraiment y croire, et elle se persuada.

Ce n'était pas tellement par attachement. C'était surtout parce qu'elle ne voulait pas penser que les choses se dégraderaient.

Elle ne voulait pas imaginer qu'elle se retrouverait encore une fois laissée pour compte. Elle ne voulait pas se retrouver, de nouveau, à papillonner de bande en bande, fuyant la solitude. Elle ne voulait plus ressentir l'angoisse, celle qui tenaillait l'esprit à chaque instant.

Elle craignait une rémanence des souffrances passées. En chassant ses doutes, elle chassait ses anciens démons.

C'est pourquoi elle fut mortifiée quand Lola, lui annonça froidement qu'il fallait qu'elles discutent à la fin des cours.

Elle l'avait vue arriver comme une flèche, au sortir d'une discussion houleuse avec Seb, ce dernier restant penaud, statique. Elle avait vu la lueur de joie qui animait le regard de Candice, à ce moment là. Elle avait vu les mines réjouies d'Ayden et Maël, qui, eux aussi observaient l'échange du jeune couple.

Et ainsi, elle comprit. Le scénario si redouté se reproduirait, comme si elle était condamnée à le vivre et le revivre, éternellement, dans une sorte de boucle infernale. A ce moment-là, elle fut prise d'une grande appréhension.

C'était comme si elle était un gladiateur, se préparant à entrer dans l'arène pour un combat inéquitable, dont l'issue, qui lui serait fatale, était déjà connue.

Aussi, tout du long du cours de mathématiques de monsieur Cardona, sa nervosité et sa déception n'avaient fait que s'intensifier. Elle trépignait, jetait des regards de tous côtés. Par moment, ses yeux plongeaient dans le vide, ils s'y perdaient, la laissant divaguer, au gré de ses pensées mélancoliques. Elle avait la boule au ventre, et cette tension remonta, lui nouant la gorge.

Alors, lorsque le cours s'était terminé, ce fut une sorte de soulagement, l'attente était finie. Car, pire que tout, c'était bien l'interminable attente qui l'avait tourmentée durant cette dernière heure de cours. Il fallait que le couperet tombe, vite.

Elle rangea ses fournitures en un éclair, et partit en avant, attendre Lola au lieu indiqué, un coin du préau peu fréquenté. Quelques instants plus tard, la blonde, arriva, furieuse, et se mit immédiatement à vitupérer :
《 ― Tu me prends pour une conne, c'est ça ? Tu crois que j'ai pas vu ton petit numéro avec Sébastien ?

― Mais...qu'est-ce que tu racontes ?, répondit Juliana, déboussolée, la voix tremblante

― Fais pas l'innocente !, appuya Candice, qui avait suivi son amie.

― Je...C'est juste un pote, lança l'accusée, du fond du cœur

― Écoute Julia, j'ai voulu être ton amie, et tu m'as planté un couteau dans le dos, répondit la blonde, incrédule. Mais je dis stop, je ne serai pas ta dupe ! Ni celle de personne d'autre !, elle poursuivit, menaçante, T'as pas intérêt à revenir me parler, ni à moi, ni à Seb ni aux autres. Compris ?

― Oui, dit-elle, résignée mais digne 》
Elle était abattue, se sentit défaillir. Elle n'avait qu'une seule envie, rentrer dans sa chambre et s'y cloîtrer.

Néanmoins, elle eut le temps de s'apercevoir que, plus loin, les garçons attendaient Candice et Lola devant la grande grille. Son regard croisa celui de Seb, elle y sentit le désarroi et l'impuissance de son ami.

Elle put aussi y lire un profond regret. Elle se dit que, même s'il était son ami, lorsqu'il avait dû faire un choix ça n'avait pas été elle. C'en était trop.

Alors, pendant que Candice, soutenant une Lola encore choquée, rejoignait gaiement ses amis, elle, elle se dirigeait vers l'internat, meurtrie. Elle se sentait humiliée, déconsidérée et désœuvrée.

Aussi, elle allait d'un pas pressé, frénétique. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux mais réussit à se contenir jusqu'à arriver à dans la chambre 402.

Sitôt qu'elle y fut, elle s'assit à même le sol, le dos contre le lit de Diane, et éclata en sanglots. L'averse était là.

Elle ressassait les jours passés et trouvait mille et une raisons de se blâmer pour son sort, et chacune de ces pensées était comme un coup de glaive, droit au cœur.

Sitôt ses larmes séchées, une nouvelle pensée émergeait et en faisait couler de nouvelles. C'était infernal, mais nécessaire.

C'est durant un sanglot intense, presque asphyxiant, que Diane arriva.

Celle-ci ne s'attendait pas vraiment à trouver sa jeune camarade de chambre en pleurs, en rentrant des cours. Aussitôt, elle compatit. Même si elle ne la connaissait pas plus que ça, elle décida de la consoler.

Sans un mot, elle posa son sac et s'arma d'une boîte de mouchoirs. Puis, elle alla s'asseoir auprès de la pleureuse, qui n'avait pas vraiment noté son arrivée.

Dès qu'elle réalisa le geste de Diane, elle eut du baume au cœur et posa des yeux brillants, pleins de gratitude sur la jeune femme. Elle se tournèrent l'une vers l'autre, leurs regards se croisèrent, et, immédiatement, Juliana se sentit en sécurité. Diane la prit, tout naturellement, dans ses bras.

Elle lui adressa des paroles douces, en lui touchant doucement les cheveux. Elle était lénifiante, par ses gestes et paroles. Les pleurs cessèrent, définitivement, Juliana se relaxa.

Puis, Diane commença à la bercer, fredonnant une berceuse en grec, dans une attitude quasi maternelle. Juliana s'endormit dans ses bras. Elle ne songeait plus ni à ses problèmes ni à ses peines.
Au milieu de la tempête, elle avait trouvé un refuge, un havre de paix.

Elle ne se demandait pas combien de temps cela durerait, ni même si ça durerait. Elle était comme hors du temps, hors des réalités, hors des contraintes.

Juliana ne savait pas encore qu'elle s'engageait sur un chemin qui l'emmènerait aux confins d'elle-même, et la pousserait dans les retranchements de sa psyché.

Pour l'instant, elle dormait, enserrée par celle qui, bientôt, lui ferait de nouveau connaître les joies de l'amitié, et l'initierait à bien des choses...

-
NDA : Votre ressenti après ce retournement de situation ?

Un avis sur Diane ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire MaximilianaRoxane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0