Chapitre 2 : Lola

7 minutes de lecture

2 septembre

C'est le lundi que les cours commencèrent. Juliana n'avait toujours pas fait connaissance avec Diane, car cette dernière semblait encore occupée.

De toute façon, ce n'était pas sa priorité. Elle cherchait à se faire des amis de son âge, dans sa classe. En ce qui concernait sa camarade de chambre, il adviendrait ce qu'il pourrait.

En tout cas, cela ne l'empêchait pas de se diriger, d'un pas enthousiaste, vers la première salle de cours indiquée sur son emploi du temps.

Elle portait un joli jean évasé ainsi qu'un haut rayé, vert et blanc. Une tenue relativement banale, qui, cependant, n'empêcha pas ses camarades de la remarquer.

Il faut dire que les arrivées en cours de cursus étaient rares, au collège Sainte-Alice. La plupart des élèves y étaient inscrits depuis l'école primaire. De ce fait, tout le monde se connaissait, et, en tant que nouvelle, Juliana fut remarquée. Des regards curieux se posèrent sur elle.

Mais, seul un petit groupe s'avança vers elle. Ils étaient cinq ; il y avait deux filles et trois garçons. L'une des filles, une jolie blonde, tenait la main d'un des garçons. C'est elle qui parla à la nouvelle venue. Sa voix était chaleureuse et accueillante. Après avoir lâché la main du jeune homme, elle se présenta :
《― Salut ! Moi, c'est Lola ! J'ai cru comprendre que t'es nouvelle, et qu'on est dans la même classe. Comment tu t'appelles ?

― Moi, c'est Julia, répondit-elle le sourire au lèvres, ravie de te connaître, poursuivit-elle, légèrement réservée.

― C'est un peu indiscret comme question, mais, tu viens d'où ?

― Ne t'inquiète pas, ça ne me gêne pas. Je viens de Rouen.

― C'est vers où ? Désolé, je suis vraiment nulle en géo, dit-elle avec un brin d'autodérision

― Moi aussi, t'inquiète. Alors, Rouen c'est en Normandie. C'est un peu au-dessus de Paris, vers Caen. Et toi, t'es d'ici ?

― Ah, je vois à peu près... Et, oui je suis d'ici, je suis même née ici, mais j'ai vécu vers Dijon, jusqu'à 8 ans. Donc, je suis arrivée à Sainte-Alice en CE2.
Enfin bref, c'était pour te dire que, si tu veux, tu peux traîner avec nous.

― Merci beaucoup. Tu sais, c'est dur d'aller vers les gens, quand on vient juste d'arriver.

― De rien, je comprends.》

Leur conversation fut interrompue par l'arrivée du professeur principal.

Cela faisait six ans que monsieur Cardona enseignait les mathématiques à Sainte-Alice. C'était un fin pédagogue, adepte de l'apprentissage ludique. Son intuition, et sa relative jeunesse — il avait fraîchement eu trente ans — lui permettaient de tisser des liens particuliers avec ses élèves.

Alors, lorsqu'il avait eu l'occasion de devenir professeur principal d'une classe, il avait accepté. Il l'avait surtout fait par altruisme ; il voulait être plus qu'un enseignant. Il voulait être un adulte de confiance, un référent qui pourrait prendre des décisions afin d'aider ses élèves, lorsqu'ils en auraient besoin.

Tout le monde s'installa ; le professeur devant le tableau, les élèves derrière leurs pupitres bleu ciel. Cette couleur était en harmonie avec le reste de la salle de cours. La pièce arborait des murs vert menthe et un sol vermillon, tacheté de pois blancs. Ce n'était pas anodin.

Selon le directeur et fondateur de Sainte-Alice, Monsieur Germain, chaque couleur transmettait une énergie différente. Certaines énergies contribuaient à l'apprentissage, d'autres le freinaient.

Chaque matière était associée à une couleur. La salle attribuée à celle-ci était donc peinte dans un ton correspondant à cette couleur. Par exemple, la couleur associée à la musique était le violet ; la salle d' éducation musicale était peinte en mauve clair. Les tons pastels étaient choisis afin de ne pas déconcentrer les élèves.

Juliana n'avait pas vraiment eu besoin de couleurs vives pour prêter une oreille distraite à la présentation de monsieur Cardona. Elle avait pris soin de choisir un pupitre à côté de celui de Lola, à sa droite plus précisément. Les deux filles s'échangeaient des regards complices, des sourires et de petits compliments. C'était la naissance d'une amitié.

Une seule personne semblait ne pas apprécier cette belle scène. C'était Candice.
Candice était la meilleure amie de Lola depuis la sixième, et la proximité entre sa copine et la nouvelle arrivée lui déplaisait fortement.

Elle n'avait jamais vraiment apprécié que de nouvelles personnes entrent dans son cercle d'amis.

Aussi, ceux-ci prenaient beaucoup de précautions lorsqu'ils voulaient introduire quelqu'un dans le groupe. Personne ne voulait la froisser. Souvent, elle ne tolérait les nouveaux arrivants que quelques jours.

Ce laps de temps écoulé, elle se mettait à exprimer son mécontentement ou à faire pression sur celui ou celle qui avait leur avait présenté le quidam. Elle excellait dans le chantage émotionnel. Ainsi, bien souvent, on congédiait poliment le malheureux ou la malheureuse. Il était déjà arrivé qu'elle le fasse elle-même, sèchement, personne n'osant lui tenir tête.

Il y avait bien eu des exceptions, précisément deux : Cindy et Anne.

Mais, celles-ci avaient eu lieu dans des conditions particulières. Candice avait à chaque fois eu l'assurance que ni Cindy ni Anne n'étaient des menaces pour son amitié avec Lola.

En outre, elle n'avait pas vraiment eu le choix ; Cindy était une camarade de gym de Lola et Anne était la cousine de Guillaume, un garçon, qui, bien qu'il ait été son ami (et aurait voulu être un peu plus), ne se laissait pas attendrir, ni par le pathos, ni même par les larmes de crocodile.

On lui avait imposé ces filles, mais elle avait fini par les apprécier et par sympathiser avec. Cependant, cette tolérance s'était arrêtée en fin de cinquième, lorsqu'elle avait décidé de « sceller » son cercle d'amis. Aucune nouvelle entrée n'y serait tolérée.

Ainsi, malheureusement pour Juliana, qu'elle jugeait bien trop proche de Lola, les dés étaient jetés.

Juliana, quant à elle, ne se doutait absolument pas que Candice l'avait prise en grippe. Tout d'abord, elle était galvanisée par un sentiment de neuf, de renouveau ; sa nouvelle vie avait enfin commencé.

La gentillesse de Lola venait s'y ajouter comme la cerise sur le gâteau, elle était au comble de la joie. Dans cet état d'extase, elle était moins en alerte et Candice avait réussi la tromper avec un sourire hypocrite.

Elle, elle n'attendait qu'une chose, l'heure du déjeuner, afin de mieux connaître Lola, et les autres.

Les cours lui semblèrent bien longs. De plus, les corridors à parcourir, rapidement, d'une salle à l'autre, ne se prêtaient guère à la discussion.

La pause méridienne arriva. Juliana fut dûment présentée à tout le groupe d'amis.

Les trois garçons s'appelaient Sébastien, Maël et Ayden.

Sébastien, surnommé Seb, était le garçon auquel Lola avait tenu la main le matin, c'était son petit-ami depuis quelques mois. Les deux autres étaient des amis d'enfance de Seb : il avait rencontré Ayden en CE1 et Maël en sixième. Ces derniers étaient surnommés les "guys".

On lui présenta Candice, qui camoufla sournoisement son ressentiment, feignant la gentillesse.

Puis, après passage par une file rapide, la compagnie s'engouffra dans la cantine des collégiens. Lorsqu'ils y furent, ils se mirent à la recherche d'une table pour six. Ils étaient pressés, car ils tenaient leurs lourds plateaux à déjeuner.

Candice saisit cette occasion pour tenter d'évincer celle qu'elle considérait comme sa rivale. Elle vit un emplacement où il n'y avait que cinq chaises disponibles. Elle décida de le proposer au groupe, en toute connaissance de cause.

Elle espérait qu'ainsi, le groupe aurait une raison légitime de ne pas déjeuner avec Julia. De plus, elle décelait, sans se tromper, un certain inconfort de Maël et Ayden causé par la nouvelle venue.
Elle lança :
《 ― Y'a de la place là-bas ! désignant l'endroit concerné du menton

― Bien vu, mais y'en a pas assez ! répondit Lola

― Mais on pourrait se séparer... rétorqua Candice, mesquine

Le cœur de Julia se serra à ces mots, elle ne savait que trop bien ce que ça pouvait signifier pour elle.

― Ouais, t'as raison, répondit Seb, les gars peuvent manger ensemble à cette place de deux, et nous, on mange à cette place de quatre.

― Bonne idée ! l'appuya Lola

― Oui, c'est ce que j'allais dire ! déclara Candice, faussement enthousiaste

― Je suis d'accord, répondit Juliana, soulagée »

Sitôt dit, sitôt fait. Quelques minutes plus tard, chacun était attablé comme prévu. On mangea avec appétit, ce qui n'empêchait pas de discuter. Des rires fusèrent, en grande partie grâce à Seb, qui avait un humour tordant, juste et fin.

Pour Juliana, c'était un grand moment de bonheur après avoir traversé tant de solitude. Enfin, elle prenait part une conversation vivante, vibrante. Les sujets abordés avaient beau être d'une grande banalité, le contact humain faisait son effet. La discussion était comme une éclaircie après un long voyage dans la pénombre. C'était une bouffée d'oxygène.

Pour Candice, c'était tout le contraire. On eut cru voir un empereur au crépuscule de sa vie, assistant à la montée en puissance de son successeur. Elle ne riait pas, faisait grise mine, avait le regard dans le vide, et manqua de sortir de table.

Elle se sentait négligée. Elle s'était habituée à manger seule avec le couple, voire, en plus, en compagnie de Cindy, d'Anne et des «guys»  au maximum.

Aussi, l'initiative de Lola envers Juliana, ainsi que la bonne entente entre celles-ci l'irritaient au plus au point. Pire encore, ni Seb ni Lola ne semblaient prêter attention à ses démonstrations de frustration.

Elle en déduit que le problème était Juliana. Sa décision était assurément prise, elle évincerait cette fille. Elle éloignerait cette intruse qui venait tout perturber. Il le fallait, et vite.

Quand Juliana rentra dans sa chambre, toute heureuse, elle était bien loin d'imaginer les desseins de Candice. Le cœur joyeux, fière comme César, elle ne voyait pas le complot qui se tramait contre elle. Elle ne se doutait pas que, sous le soleil nouveau, un orage se préparait....

--
NDA : Des avis sur les nouvelles rencontres de notre héroïne ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire MaximilianaRoxane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0