Chapitre 1 : Le départ

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C'est à 6h que la mère de Julia frappa à la porte de sa chambre, ramenant ainsi la jeune fille à la réalité. Julia eut à peine le temps de se ressaisir que le battant s'ouvrait déjà. Elle était encore assise sur son lit, lorsque sa mère, Évelyne, commença à échanger les banalités du matin avec elle :
― Bonjour ma chérie !
― Bonjour maman !
― Bien dormi ? Prête pour le voyage ?
― Oui, répondit la jeune fille tout sourire, ma valise est prête et vérifiée, ajouta-t-elle, toute fière.
― C'est bien, répondit sa mère, encourageante.

Julia, reprit-elle d'un ton solennel, il faudrait qu'on parle.

Après quoi, elle s'assit face à sa fille, sur le lit de cette dernière. Puis, elle plongea ses yeux dans ceux de son enfant.
Elle engagea :
― Ma puce, je sais que c'est dur entre nous, depuis un certain temps déjà... Mais...je veux que tu saches que ton père et moi, on t'aime malgré tout.
Je comprends que tu en doutes, parce que, parfois, quand on se dispute, nous avons des mots durs, et la parole dépasse la pensée.
Et puis, tu as tellement changé, si vite, on ne te comprenait plus, Flo' non plus. On s'est retrouvés désemparés, et nos réactions n'ont pas toujours été les bonnes.

J'espère vraiment qu'aller à Arcachon, prendre tes distances, ça nous aidera. J'aimerais qu'on se sépare pour mieux se retrouver. En tout cas, sache qu'on sera toujours là pour toi. Si tu as un problème, n'hésite pas à te tourner vers nous. Ce n'est pas parce que tu es loin qu'on t'oubliera.
Je t'aime et je t'aimerai toujours ma fille.


Sur ce, elle la prit dans ses bras et embrassa tendrement son front.
― Oui maman, moi aussi je t'aime, lui répondit adolescente》
Elle était profondément sincère, et, malgré les disputes quasi-quotidiennes, restait attachée à ses parents, surtout sa mère.

Cependant, elle doutait de plus en plus de la réciprocité de ce sentiment et avait écouté sa mère sans trop la croire. Elle se disait que si ses parents l'aimaient vraiment, les choses se seraient déroulées différemment.

Elle reconnaissait malgré tout le fait de l'envoyer dans cet internat comme un véritable geste d'amour. Un geste salvateur qui arrivait un peu tard à son goût, mais un geste d'amour quand même.

Après quelques minutes de tendresse, hors du temps, la mère et la fille descendirent la grande valise d'interne au salon. Puis, Juliana s'en retourna pour s'apprêter, tandis que sa mère mettait la table.

Une fois lavée, changée, et surtout prête à en découdre avec le petit-déjeuner, elle revint à la salle à manger, pleine d'entrain. Elle s'assit à table avec sa mère, et partagea avec elle un moment de complicité parsemé d'éclats de rire, le genre de moment qu'elle n'avait pas connu depuis longtemps.

Une demi-heure plus tard, Claude Carpentier, mari d'Évelyne et père de Juliana, apparut, déjà prêt. Après l'échange des politesses matinales, il chargea la valise de sa fille dans le coffre de la berline familiale. Cela fait, lui et sa femme vaquèrent à leurs occupations jusqu'à 7 h.

Pendant ce temps, Juliana rangea quelques babioles dans sa chambre, en attendant le réveil (complet) de son frère.
À 6 h, il était assis devant une tasse de chocolat chaud, feuilletant un catalogue discount. C'est ce moment que sa cadette jugea opportun pour s'adresser à lui en ces termes :
《 ― Bonjour Flo' ! dit-elle avec dynamisme

― Bonjour Ju', répondit-il froidement

― D'accord, répondit-elle, déséquilibrée par tant d'indifférence, Je voulais te dire que...tu vas me manquer frangin, même si t'es pas toujours sympa avec moi, et que je le suis pas toujours avec toi, dit-elle en espérant le faire réagir.

― Ouais, toi aussi tu vas me manquer frangine, dit-il mollement
Autre chose ? poursuivit-il, ennuyé.

― Non, dit-elle tristement »

Puis, elle se leva de table, chagrinée.

Elle était moins déçue que lasse. Elle tentait de se rassurer, se disant que c'était normal, que son frère ne voulait pas montrer ses émotions, qu'il voulait paraître fort, comme beaucoup de garçons de son âge. Sûrement qu'au fond de lui, il était attristé du départ de sa petite sœur.

Il faut dire que Florian semblait de plus en plus inaccessible à sa sœur. Du haut de ses 15 ans, il était autoritaire, lunatique et en quête de reconnaissance, du moins, aux yeux de sa sœur.

Il n'hésitait pas à lui faire des réflexions sans tact ou à lui donner, avec rudesse, des instructions qui auraient pu être données de manière plus douce. Ensuite, lorsqu'elle contestait, il allait rapporter les faits aux parents.
Les parents prenaient souvent parti pour lui.

Il faut dire qu'il était une grande fierté pour eux, principalement du fait de ses performances sportives. Il pratiquait la course à pied avec succès, et avait obtenu des récompenses au niveau régional.

À côté de lui, Julia faisait pâle figure. Elle n'avait pas de talent particulier : elle était peu sportive, avait des résultats scolaires légèrement supérieurs à la moyenne, sans être exceptionnels, n'avait pas une culture générale démentielle, ne possédait pas la fibre artistique.

Ainsi, même si elle se souvenait de moments heureux avec son frère, dans leur enfance, les comparaisons constantes entre eux les avaient divisés.

Chez Florian, elles avaient créé un sentiment de supériorité et une forme de mépris envers sa sœur.

Chez Julia, elles généraient une grande frustration et une baisse de l'estime, déjà faible, qu'elle avait pour elle-même. Malgré leur différence d'âge relativement modeste, de 2 ans seulement, un fossé, devenu gouffre semblait définitivement les séparer.

Leur adelphité était conflictuelle ; on ne se confiait plus rien, on s'évitait, et les rares interactions finissaient par des esclandres. Enfin, Florian ne se privait pas de blâmer Juliana pour la dégradation de l'ambiance familiale.

Le réveil annonça 7h, toute la famille prit place à bord de la voiture, chacun pris dans ses préoccupations.

Claude craignait les embouteillages. Évelyne anticipait les déjeuners et dîners de la semaine. Juliana bouillonnait à l'idée de rejoindre son nouveau collège. Florian qui faisait le voyage à contrecœur, s'évadait en pensant à ses entraînements et compétitions imminents.

Une demi-heure plus tard, on arriva à la gare de Rouen. On échangea encore des "au revoir", des "à bientôt" et des marques de tendresse.

Juliana se dirigea vers le quai où elle devrait attendre son train pour 8h10. Elle marchait la tête haute, roulant aisément sa valise rouge. Elle marchait, pour aller de l'avant. Sourire aux lèvres, tête haute, elle avait le cœur vaillant et l'âme téméraire.

Cerise sur le gâteau de cette matinée presque parfaite, le train arriva en gare avec environ 5 minutes d'avance, lui épargnant un moment d'attente dans le froid.

Une fois assise, elle se mit à l'aise. Cependant, elle évita de trop s'étaler, prête à descendre du train. En effet, elle était en correspondance ; elle devait descendre du TER à Paris Saint-Lazare, d'où elle devrait prendre la ligne 13 du métro jusqu'à Montparnasse.

De là, elle prendrait le TGV jusqu'à la gare d'Arcachon. Enfin, elle marcherait jusqu'au pensionnat Sainte-Alice.

Malgré tout, elle résolut de mettre à profit les deux heures de trajet. Elle commença par lire quelques chapitres de Tristan et Iseult, complètement captivée par les lignes de Bédier. Cette histoire d'amour l'émerveillait, et la faisait secrètement rêver.
Mais, manquant d'assurance, elle n'osait pas croire qu'elle pourrait, un jour, être sincèrement aimée par qui que ce soit.

Ensuite, elle écouta un peu de musique. Puis, elle sortit de sa poche un dépliant présentant sa nouvelle école, et le lut pour la énième fois.

Le pensionnat Sainte-Alice, bien que catholique, allait à contresens des idées reçues sur ce genre d'établissement. Loin d'être un carcan froid, il se voulait convivial et à l'écoute des élèves. On y pratiquait une pédagogie expérimentale, venue de Scandinavie.

Par exemple, les cours de sport étaient obligatoires, mais les disciplines choisies. Les classes comptaient de 15 à 20 élèves, qui suivaient des cours basés sur l'interaction avec les professeurs et l'implication des étudiants.

Au-delà de ces atouts, c'était aussi les cinq heures de route qui séparaient ce lieu de la maison familiale qui avaient séduit Juliana. Elle voulait juste partir, et ne pas avoir à rentrer lors des fins de semaine.

Le plus difficile avait été de convaincre ses parents. Elle y était parvenue après d'âpres négociations et ce, en dépit des tarifs relativement élevés de l'établissement. En contrepartie, elle avait promis que dorénavant, elle ferait de son mieux pour bien s'entendre avec eux.

Elle repensait à tout cela, le menton dans sa paume.

C'est à 14h qu'elle se présenta à l'accueil, sac à dos léger et valise à la main. Elle y rencontra une surveillante fort sympathique. Cette dernière l'informa qu'elle partagerait la chambre 402 avec une certaine Diane, une lycéenne. Puis, elle lui remit les clefs.

Juliana monta gaiement les escaliers jusqu'à sa chambre. Une fois arrivée, elle se laissa tomber sur le lit, exténuée. Mais, en regardant sa valise elle comprit que le repos n'était pas pour tout de suite.

C'est à grand-peine qu'elle se releva et se mit à s'installer dans sa nouvelle chambre, fustigeant sa propre paresse. Cela fait, elle se déchaussa et se coucha de nouveau.

À quatre heures, une autre interne vint la réveiller pour le goûter.

De nouveau en forme, ce fut l'occasion pour elle de se présenter et de faire connaissance avec quelques filles. Après une heure de détente, chacune remonta dans sa chambre pour les derniers préparatifs de la rentrée, qui avait lieu le surlendemain. Elle suivit le mouvement, sans grand enthousiasme. Elle était surtout impatiente de connaître sa nouvelle compagne de chambre.

Diane arriva vers 17h30.

C'était une fille fine, légèrement élancée ; sa taille surpassait de peu le mètre soixante-cinq. Ses cheveux arboraient une teinture blond platine, tout en laissant apparaître des repousses ébène, ils lui arrivaient un peu au-dessus de la poitrine. Elle était très jolie.
Sa tenue était globalement simple, mis à part ses bottines rouges détonantes.

Elle arriva alors que Juliana révisait. Les deux filles firent poliment connaissance, sans plus. Diane était trop plongée dans ses préoccupations vestimentaires pour s'intéresser à la nouvelle venue. Juliana sentit cela et ne voulut pas trop s'impliquer.

Elle n'était pas réticente à sympathiser avec Diane, mais elle ne voulait pas non plus trop en faire dès la première rencontre, l'expérience lui avait appris comment cela pouvait avoir des conséquences peu enviables.

L'heure du dîner arriva, puis celle du coucher.

Une fois étendue dans son lit, Julia repensa à cette belle journée. C'était une journée comme elle n'en avait pas connu depuis longtemps. Mis à part l'indifférence de Flo', tout s'était passé comme prévu.

C'était le début d'une nouvelle vie, qu'elle espérait bien meilleure....

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NDA : Pour l'instant que comprenez-vous à propos du personnage principal ? Que pensez-vous d'elle ?

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