Le sentier, maintenant...

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Le sentier, maintenant, montait au milieu des bouquets de noisetiers. De joyeux ocelles jonchaient le sol de leurs facétieux clair-obscur. Par les trouées se laissait apercevoir la Divine Surprise dont la nudité se détachait sur la marée verte des herbes. La corolle de la robe, largement déployée, recevait l’averse des pétales rouges que l’Inconnue y épandait. De l’endroit où je me trouvais, à bonne distance, sa nudité était si inoffensive que même un adolescent en quête d’amour ne s’en fût point alarmé. Ce qui se donnait à voir était un genre de pastorale innocente, de gentille bluette où une Officiante au cœur sensible aurait voué à Dame Nature quelque rituel panthéiste. Peut-être cueillait-elle ces simples à des fins médicinales, à moins qu’elle ne recherchât la vertu narcotique de ses capsules, la parenté avec le soporifique pavot étant patente. A moins qu’esthète, elle ne fût commise à rapporter à Monet lui-même sa brassée de pétales dont le Maître ferait un des délices de l’impressionnisme.

   Après tout, quelle différence y avait-il entre ce qui m’apparaissait là, à quelque distance, et le tableau du Peintre de Giverny ? Cette femme à l’ombrelle, vêtue de noir, qu’accompagne une petite fille, cette irisation rouge des coquelicots, cet horizon d’arbres foncés, ce ciel bleu parcouru du glacis blanc des nuages, n’était-ce, en définitive, une vision du réel semblable à toute autre vision ? Une « impression » seulement, identique à celle qui, venant frapper mon œil, m’éveillait au poème du monde ? Et puis, l’acte de voir était-il si exact qu’il semblait paraître ? Toute prise en compte des choses était-elle pure attestation de ceci qui faisait phénomène ? Etions-nous tellement assurés d’une objectivité que, jamais, nous ne pussions mettre en doute la vérité des apparences ? « Impression soleil levant », tel était le titre de la célèbre toile qui avait donné son impulsion à l’un des mouvements artistiques les plus féconds de l’histoire de la peinture.

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