Prologue : La jeune femme pourchassée

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L'inconnue longeait la falaise à l’abri du soleil. À aucun moment, elle ne s’était retrouvée au-dehors à cette heure tardive. La faute à ces monstruosités qui l’avaient prise en chasse peu avant midi. Elle ne les avait jamais vus. Ces êtres, à l’aspect bestial, la contraignaient à se mettre en danger. Le soleil était mortel. Pour l’instant, la paroi rocheuse la protégeait des rayons brûlants. Mais cet avantage ne durerait pas. Bientôt, l’astre passerait au-delà de l’escarpement et la carbonisérait rapidement. Si, par chance, elle survivait, elle périrait certainement des mains de ces barbares. D’où venaient-ils ? Ils ne semblaient pas souffrir sous le flambeau du monde. Ils portaient une étrange peau d’animal à poil long. Une espèce probablement disparue depuis fort longtemps. Elle les compara à l’allure des premiers hommes sur terre. Ceux qui vivaient dans des grottes et communiquaient en grognant. Elle se rappelait encore des livres électroniques qu’elle consultait le soir, après ses cours au lycée de Cliver. C’était à peine quatre ans en arrière : une éternité. À l’époque, les écologistes tentaient en vain de récupérer ce qui pouvait l’être encore. Les pauvres rêveurs ! La terre n’était maintenant plus qu’un immense désert mortel qui avait recouvert peu à peu les océans : une véritable catastrophe. La consumation de la majorité des forêts avait réduit la qualité de l’air à son minimum vital. La survie sans masque à oxygène était quasiment impossible. L’eau avait remplacé l’or et le pétrole du temps passé. Ses parents avaient succombé sous les rayons du soleil deux ans auparavant. Depuis, elle vivait seule, à l’affut tel un animal craintif. Elle savait que son tour viendrait. Mais elle ne pensait pas que ce serait ce jour-ci.

Elle était partie à l’aube pour récolter quelques gouttes de rosée. La majorité des humains avaient disparu de la surface du globe. Elle était une des rares à avoir survécu. Elle vivait dans une anfractuosité profonde qui gardait une température supportable : environ vingt degrés. À cette heure-ci, à l’extérieur, il devait faire aux alentours de quarante-cinq degrés. D’ici une heure, ça monterait à cinquante. Mais elle ne le verrait pas. Elle serait morte depuis longtemps. Le soleil gagnait du terrain. Il ne lui restait plus qu’une cinquantaine de centimètres d’ombre. Autant dire, une vingtaine de minutes. Elle était tétanisée, clouée à la paroi rocheuse. Soudain, une pluie de rochers s’abattit sur elle. L’un d’entre eux lui frôla l’épaule. Ses assaillants, qui la surplombaient, hurlaient comme des barbares. Ils tentaient de la débusquer de son refuge. Elle avança avec rapidité afin de ne pas se faire toucher. Les chasseurs l’obligeaient à progresser vers la droite. Ils lui coupaient tout éventuel repli. Le souffle court, elle se plaquait à la roche pour ne pas être frappée par un projectile. Plus que vingt centimètres de vie. Elle souhaitait presque se lancer sous la fournaise pour en finir. La douleur serait atroce, un peu similaire au bûcher, mais avec une souffrance bien plus longue. Son instinct de survie reprit le dessus, et elle continua son avancée.

Les hurlements des sauvages ne baissaient pas en intensité. Quinze centimètres. Le bout de son pied droit sorti de l’ombre, la jeune femme hurla de douleur au contact des rayons irradiant. Elle mit ses pieds en canard pour se protéger au maximum. Sa fin était proche. Elle s’éraflait le dos au sang contre le roc. Sa vie ne tenait plus qu’à un fil. Les pierres s’abattaient toujours avec furie. Alors que l’ombre du bourreau se rapprochait, sa main droite, en appui sur l’escarpement, palpa du vide. Elle tourna la tête avec lenteur et aperçut une cavité étroite. Son cœur s’emballa. Son pied lui arracha un cri de souffrance. Il s’était mis à fumer au contact du soleil. Sans plus attendre, elle avança d’un pas et offrit son bras gauche un court instant à la furie des rayons. Elle en garderait une belle cicatrice. Elle ne perdit pas une minute de plus et se laissa choir en arrière dans le trou.

D’un seul coup, elle fut à l’abri d’une mort imminente, cependant il lui restait encore les sauvages à affronter. Elle se retourna et vit que l’enfoncement était profond. Elle s’engagea à l’intérieur sans hésitation. La fraicheur du lieu lui mit du baume au cœur. Elle avait à peine fait cinq mètres que le tunnel se réduisit à un goulot d’un mètre de haut et d’autant de large. Elle n’aimait pas ça, mais elle n’avait pas d’autres choix. Elle s’y engagea à quatre pattes. Des braillements troublèrent la tranquillité relative du lieu. Elle se retourna, et observa deux silhouettes à l’entrée de la grotte. Ils tiraient sur quelque chose qu’elle ne distinguait pas à cette distance. Soudain, la lumière de l’ouverture disparut et la plongea dans les ténèbres. Ils l’avaient cloîtrée dans ce lieu. Elle n’avait pas d’autres solutions que de continuer. Dans ce contexte, elle évoluait sans aucuns repères. Elle avait bien une pierre à feu mais, sans amadou, elle ne lui servait strictement à rien. La jeune femme continua sa progression en aveugle. Le silence était total. Au bout de cinq minutes, elle entendit le bruit caractéristique d’un goutte à goutte. L’éventualité d’un point d’eau lui remonta le moral. Elle activa sa reptation, pleine d’espoir. Ses mains rencontrèrent quelque chose d’humide. Elle palpa la paroi et sentit de l’eau. Sans attendre plus longtemps, elle colla sa bouche à la pierre et se délecta du liquide salvateur. C’était divin. Elle resta là cinq minutes à se réhydrater. Elle ôta le masque qui obstruait son nez et s'étonna de respirer avec facilité. Elle n’avait d’ailleurs pas inhalé aussi librement depuis quatre ans. L’air était pur ici. La jeune femme, exténuée, sombra alors dans un profond sommeil.

Elle se réveilla en panique. Elle tapota avec véhémence sur les parois qui l’entouraient. Puis, son esprit reprit le contrôle, elle se remémorera les derniers événements et se calma. Dans l'obscurité, toute notion de temps s’était envolée. Combien de minutes avait-elle bien pu dormir ? Vu sa vitalité retrouvée, elle opta pour plusieurs heures. Elle pensait même qu’elle n’avait plus fait un tel somme réparateur depuis bien longtemps. Son corps, arraché à la chaleur habituelle, avait profité de chaque minute pour se recharger. L'inconnue se sentait bien. Maintenant, elle devait reprendre son chemin en aveugle avec l’espoir de déboucher sur une issue. Au pire, elle retournerait sur ses pas. Au bout d’une dizaine de minutes de progression, elle s’arrêta pour se désaltérer. L’eau, qui coulait le long de la roche, avait rempli de petites vasques. La jeune femme lapa avec avidité leur contenu. Ses genoux, écorchés jusqu'au sang à force de se tenir à quatres pattes, lui arrachaient une onde de douleur. Toutefois, elle décida de poursuivre sa progression avec prudence afin de ne pas se fracasser la tête dans une roche ou de tomber dans un trou profond. C’est à ce moment-là qu’elle ressentit un léger courant d’air sur son visage recouvert de sueur. La fuyarde se figea. Non, elle ne rêvait pas et sentait avec netteté un filet d’air des plus agréables. Elle reprit espoir. Au bout de cinq minutes, une lumière transperça l’opacité. Elle se frotta les yeux du revers de la main. Le bout du tunnel était à sa portée. Des larmes explosèrent sur son visage. Elle s’était vu mourir seule dans le noir. Elle redoubla ses efforts sans prendre la moindre précaution. Elle arriva à destination. Elle voyait nettement une lumière naturelle. Du haut de la sortie étroite tombaient en cascade des racines et… des feuilles ! De la végétation. Elle n’en croyait pas ses yeux. Depuis combien de temps n’en avait-elle pas vu ? Cette vision l’effraya. Elle n’osait plus avancer. Un vent doux s’engouffrait dans l’anfractuosité. Il faisait bon. Elle ne ressentait pas la chaleur cuisante habituelle. Elle prit son courage à deux mains et sortit vers son destin.

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