Chapitre 13 : Le tunnel

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Hélèna rampait avec application. Elle avait mal au dos, aux jambes et aux bras. La luminosité, dans le tunnel, déclina au fil de leur avancée puis les ténèbres envahirent le lieu.

– Ça va derrière ? demanda-t-elle.

Sa voix était plate et forte. Il n’y avait aucun effet de réverbération. Son coeur cognait dans sa poitrine tel un tambour désaxé d‘une machine à laver. Sa propre respiration lui agaçait les oreilles.

– Oui, ça va, répondit Jessica, tout aussi surprise de l’effet du son sortant de sa bouche.

À la suite de Jessica, une légère distance s’était creusée avec le pauvre Max, qui progressait avec difficulté dans ce goulot étroit. Il soufflait comme un bœuf à l’agonie. Matt, juste derrière lui, le pressait de façon amicale, mais insistante.

– Allez Max ne traine pas, un petit effort sinon on va se faire rattraper.

– Désolé, j’ai l’impression que mon cœur va exploser.

Il accéléra sa reptation avec difficulté. Andrew, toujours en queue, s’était retourné pour voir une tête immonde, pleine de dents acérées, esquisser un semblant de sourire. L’individu n’était pas entré dans le tunnel. Il tira sur quelque chose que ne put discerner l’adolescent. La lumière du jour, qui filtrait encore deux secondes plus tôt jusqu’à lui, disparut d’un seul coup.

– Je pense qu’ils nous ont enfermés, dit ce dernier. Putain ma voix ! J’ai l’impression d’être enfermé dans un cercueil.

– Ah bon, tu as déjà été enfermé dans un cercueil toi ? demanda Matt en faisant une pause.

– Façon de parler… Allez avance qu’on sorte de ce trou. On étouffe ici.

Ils progressèrent dans le noir total pendant une dizaine de minutes.

– Il n’en finit plus ce tunnel, dit Hélèna avec un brin de panique dans la voix. Je ne vois toujours pas de lumière. On dirait qu’on est sous terre, pourtant c’est de la végétation autour de nous.

Elle touchait les parois autour d’elle pour constater que c’était bel et bien du bois et des feuilles.

– Courage, dit Jessica dans son dos. C’est mieux ça que de se faire trucider par les autres malades.

Elle se retourna :

– Tu es là Max ?

– Oui, ça va, je te rattrape.

– N’en profite pas pour me toucher les fesses, plaisanta-t-elle.

Il sourit dans le noir et toussa un peu.

– Je t’avoue ne même pas y avoir songé. En plus, je n’y vois rien du tout, alors...

Cinq minutes plus tard, Hélèna s’arrêta.

– Désolé, j’ai besoin de souffler. J’y arrive plus J’ai mal partout.

Elle se mit sur le côté et posa la tête sur son sac.

Jessica relaya le message à l’arrière. Ils étaient tous réunis dans un calme relatif. Ils respiraient avec force. Le moindre son émis jaillissait de façon amplifiée et avec une platitude étonnante.

– Au moins, on a de l’oxygène, dit Matt. Mais, ce n’est pas normal, cette longueur du tunnel. On devrait être sorti depuis longtemps. Puis, on est dans le noir comme si on s’était enfoncé dans le sol. Ce qui ne semble pas être le cas.

Andrew, qui en avait profité pour fouiller dans son sac, alluma sa torche. La lumière creva les ténèbres avec violence et offrit une vision sur la végétation et les racines entremêlées. Le fait de pouvoir revoir leurs visages respectifs rassura le groupe d’amis.

– Tu as toujours une drôle de tronche, fit Andrew en braquant la lampe sur Max.

Ce dernier soupira :

– T’es toujours aussi con toi, répliqua-t-il, sans humour.

Bien que la situation était critique, la lumière diffusait un effet positif sur la troupe. Ils se détendirent et reprirent des forces.

– Vous savez, fit Andrew. J’ai l’impression qu’ils connaissaient ce tunnel. Ils ne s’y sont pas engagés.

– Possible, répondit Matt. Ou alors, ils ont eu peur d’y entrer pour une raison inconnue.

Hélèna, qui avait également pris une lampe de poche éclaira loin devant elle dans le goulot.

– Ça ne me dit rien qui vaille. Mais, on n’a guère le choix. Nous devons avancer.

– Je les ai vus boucher l’entrée avec quelque chose… On est obligé de continuer, affirma Andrew.

– Espérons qu’il y ait une sortie… souffla Jessica.

Max tenta de secouer la végétation au-dessus de lui sans aucun effet.

– En tout cas, on ne sortira pas par là, dit-il avec détresse. C’est un véritable mur naturel.

– Et si on ne sortait jamais d’ici ? dit Jessica. Ce serait une fin horrible !

– Allez, on ne doit pas se laisser abattre, on continue, fit Matt en frappant dans ses mains.

– Oh ce son, grimaça Hélèna en se remettant en route. C’est insupportable.

Ils rampèrent encore pendant cinq longues minutes quand, enfin, Hélèna s’écria :

– Je vois de la lumière ! On arrive à une sortie.

– Oh Dieu soit loué, répondit Max.

Ils accélérèrent leur locomotion, soulagés à l’idée de sortir de cet endroit. La chaleur se fit plus intense au fur et à mesure qu’ils approchaient de l’ouverture. Hélèna jaillit d’un coup et se laissa rouler sur le dos, les autres suivirent son exemple.

– Enfin l’air libre, dit Jessica en respirant à grande goulée l’oxygène salvateur.

Andrew et Matt se mirent debout.

– Oh putain que c’est bon de pouvoir se tenir à la verticale, fit Matt.

– On n’est définitivement pas fait pour ramper, c’est clair, dit Andrew.

Ils étaient dans une clairière au milieu d’un bois. Le soleil, à son zénith, dardait ses rayons ardents sur le groupe d’amis.

– Qu’est-ce qu’il fait chaud ? remarqua Jessica, ses longs cheveux roux en bataille. On était sous un ciel gris, il faisait frais et maintenant on se croirait en pleine canicule.

– C’est vrai, fit Andrew. C’est étrange. L’herbe est jaunie par le soleil. Il fait au moins trente degrés ici !

Il sortit son GPS pour voir la température et marqua un temps d’arrêt.

– Merde il ne trouve plus de cartes. Il ne nous localise plus.

– C’est certainement que tu as perdu la connexion dans ce tunnel, conclut Matt en indiquant ce dernier de la main.

Sa main en suspend, désignait l’endroit où devait se trouver le passage qu’il venait à l’instant de franchir. Mais, il avait disparu. Il n’y avait plus aucune trace du boyau.

– C’est quoi, ce délire ? fit Matt, les yeux exorbités.

Ce phénomène les médusa. Un effroi innommable s’abattit sur les adolescents.

– Là, soit on est tous dans un même cauchemar, soit on est dans un épisode de la quatrième dimension ! dit Andrew.

– Ça m’a l’air bien réel, dit Max effaré.

– Ou c’est une illusion collective, rétorqua Matt.

Hélèna sortit son caméscope, filma la scène et commenta avec une voix blanche :

– Bienvenu dans le monde de l’inexplicable ! Ce qui nous arrive, et tout bonnement impossible.

– Tu ne lâches jamais ton appareil toi, dit Jessica en poussant son amie à l’épaule. Sure que tu as le journalisme dans la peau.

– Sure que ton film va sortir de l’ordinaire, affirma Max. Il va falloir être forte pour expliquer tout cela à ceux qui le visionneront.

– On ne rêve pas. C’est çà le plus fou, dit Matt toujours, la main en l’air.

– Écoutez, coupa Andrew. On entend de l’eau par là.

Il désignait un bouquet d’arbres sur la droite de la clairière.

– Allons nous débarbouiller, fit Jessica pleine d’entrain.

– Oh, génial de l’eau ! Je colle de toute part, dit Hélèna.

Ils se levèrent, hissèrent leur sac et se précipitèrent dans la direction indiquée par Andrew. À peine arrivés derrière le bouquet d’arbres, ils se figèrent. Un joli torrent aux eaux vives lézardait la clairière avec harmonie. De l’autre côté, des inconnus les fixaient avec intensité. Des femmes lavaient de longs draps blancs, des hommes chargeaient du bois mort sur une vieille charrette sortie d’un temps passé, deux ou trois enfants s’ébattaient en riant le long du cours d’eau. Tous avaient suspendu leurs tâches à la vue des adolescents.

– Bordel, on est où là ? dit Matt interloqué.

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