Chapitre 14 : Les étrangers

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Un homme s’avança vers eux, et s’arrêta en bordure du torrent. Il leur fit signe de le rejoindre et leur indiqua du doigt un endroit en amont pour traverser le cours d’eau.

– Ça ne me dit rien qui vaille, dit Max.

– Ils n’ont pas l’air hostiles, répondit Hélèna. Des femmes qui nettoient leur linge, des enfants, des hommes qui ramassent du bois. Je pense qu’on ne craint rien.

– Je suis d’accord, dit Matt. On leur demandera où on se trouve et s’ils connaissent ceux qui nous ont attaqué.

– D’accord aussi, acquiesça Andrew.

– OK. Mais, vous avez remarqué leur accoutrement ? C’est bizarre non ? demanda Jessica.

Deux femmes étaient vêtues de longues robes qui trainaient sur le sol. Leurs hauts étaient constitués de larges chemises blanches dont les manches étaient retroussées au dessus des coudes, et elles avaient un voile qui leur recouvrait la tête. Un peu plus loin, une adolescente, de leur âge, était habillée en style gothique : cheveux noirs mi-longs, piercing sur le nez, yeux cerclés de maquillage noir, haut noir échancré tout en dentelle, mini-jupe de flanelle noire. Les autres hommes semblaient venir de vieux film en noir et blanc. Ils arboraient une tenue paysanne typique des montagnards avec bérets, pantalon de toile, chemise ajustée. Une fillette, tout droit sortie du moyen-âge, suivait le premier homme. Elle portait une longue robe brune faite en toile grossière. Elle marchait pieds nus. Ses longs cheveux noirâtre et d’une propreté douteuse s’entremêlaient sur sa tête.

– Oui, un véritable melting pot de tenues, dit Hélèna.

– D’époques différentes, souffla Matt.

– Ils font peut-être une fête de village ? dit Max.

– Ouais, mais le village n’est pas du tout dans le coin, dit Andrew. Ça m’inquiète. Ici, il n’y a rien du tout normalement ! N’est-ce pas Matt ?

– Non rien n’est indiqué sur les cartes. Je ne comprends pas.

L’homme, de l’autre côté de la rivière, agita le bras avec insistance. Une cinquantaine de mètres plus loin, il s’arrêta et leur indiqua un passage praticable.

L’individu avait une silhouette massive. Il devait avoir la soixantaine et arborait des cheveux mi-longs grisonnants et une longue barbe assortie. Il sortit une pipe de sa poche et l’alluma. Il tira plusieurs coups avant de souffler la fumée sur le côté. Il portait un pantalon bouffant blanc surmonté de longues chaussettes blanches rembourrées, ainsi que d’ une veste bleue fermée par de gros boutons dorés et garnis d’épaulette à frange. Il attendait avec sérénité, campé sur ses jambes légèrement écartées. Son attitude sereine rassura le groupe d’amis qui traversèrent le torrent, Matt en tête.

Ils se détaillèrent un court instant. L’homme tira une énième fois sur sa pipe et exhala l’air d’un profond soupir.

– Mes hommages jeunes gens, dit-il. Je m’appelle Marlo. Je suis l’échevin du bourg de SafeVillage. Bienvenue à vous étrangers !

– Eche quoi ? demanda Andrew.

L’individu le regarda bizarrement.

– Echevin. Je suis responsable du bourg.

– De quel bourg, parlez-vous ? demanda Matt. Il n’y a pas de bourg ici !

L’homme le jaugea des yeux et poursuivit.

– De quand venez-vous ?

Les amis se regardèrent tout à tour un peu perdu par l’étrangeté de la question. Matt répondit :

– Euh… Nous venons de la ville de Cliver Mountain situé à un peu plus de cinquante kilomètres d’ici et…

– Je ne vous ai pas demandé d’où vous venez. Cela m’importe peu. Je veux savoir de quand venez-vous. De quelle année ?

Les amis restèrent interdits. Ils se consultèrent du regard sans un mot.

– Nous sommes en 2018 Monsieur. Mais, pourquoi cette question ? demanda Matt.

Le géant, il mesurait pas loin de deux mètres, se retourna vers ses compagnons en leur faisant signe de les rejoindre.

– 2018 ! cria-t-il.

Des chuchotements s’échangèrent entre les autres personnes. Puis, ils s’approchèrent avec curiosité.

– Nous n’avions encore personne entre 1980 et 2050. Vous êtes les premiers, déclara Marlo avec engouement.

– Putain, mais de quoi parlez-vous ? dit Hélèna, d’un ton un peu trop agressif qui offusqua l’homme devant elle.

– Madame surveillez votre langage ! Cela me messied les orillons.

– Mais, qu’est ce que vous baragouinez ? Je ne pige pas un mot de ce que vous dîtes, enchaina Jessica.

Matt écarta les bras en un signe d’apaisement.

– Excusez-nous Monsieur… euh…

– Marlo. Je m’appelle Marlo, dit ce dernier.

– Oui Marlo. Excusez-moi. Nous sommes un peu perdus vous comprenez. Nous sommes partis pour une randonnée de trois semaines dans le parc de Cliver, et au bout de trois jours on se fait attaquer par des hommes de Cro-Magnon…

– Les rabatteurs coupa la jeune gothique qui avait rejoint le groupe.

– Les quoi ? demanda Andrew incrédule.

Marlo fit signe à la femme de se taire.

– Nous palabrerons de tout cela une fois au village.

La fillette, d’environ douze ans, sourit à Jessica et lui dit :

– Vous êtes très belle Madame, mais vous devriez camoufler ces cheveux de feux. D’où je viens, on vous brûlerait.

Jessica tressauta à ces paroles. Il n’y avait pas d’agressivité dans la voix de la gamine, mais elle avait prononcé ces paroles d’une façon si naturelle et si calme qu’elle en avait la chaire de poule.

– J’espère que ce n’est pas le cas ici, répondit Jessica avec incompréhension.

Marlo partit dans un rire tonitruant.

– C’est bien pire ici. Et il n’y a pas de distinction de couleurs, je vous l’assure.

Il se tut d’un coup en observant les alentours avec une pointe d’inquiétude.

– Ne nous éternisons pas en ces lieux. Il est temps de retourner au village.

Andrew chuchota en direction de Matt.

– Mais quel village enfin ?

Ce dernier haussa les épaules de dépit.

La troupe se mit en route. Un homme tirait un charriot rempli de bois sec. Les femmes chargèrent un grand panier de linge qu’elles venaient de laver, et avancèrent en le tenant chacune par une anse.

Le groupe d’amis resta sur place.

– Bordel, c’est complètement délirant cette histoire. On est en plein cauchemar, dit Max.

– J’ai l’impression qu’on est tombé sur une de ses sectes qui vivent en marge de la société, dit Andrew.

– J’ai peur dit Jessica, en se blottissant contre Matt. La petite fille… T’as entendu ce qu’elle a dit.

Ce dernier l’étreignit.

– Ne t’inquiète pas. C’est complètement fou, mais je ne décèle pas de mauvaises intentions chez eux.

– Moi non plus dit Max. Nom de Dieu, tu as entendu comment il parle le gars ?

– C’est de l’ancien langage que l’on utilise plus de nos jours, affirma Hélèna. Enfin, c’est une sorte de mixe. Il utilise des mots courant aussi… Un peu comme si son langage avait été altéré. C’est bizarre.

– Tu es calé en langue dis-donc ! la félicita Max. La jeune femme lui sourit.

– Et tu as vu l’autre de la famille Adams, dit Andrew. Elle semble bien de notre époque elle non ? Qu’est-ce qu’elle est canon.

Hélèna souffla :

– Et tu penses à ça toi en ce moment ? C’est pas possible…

– Ben, je constate c’est tout. En tout cas, l’accoutrement de Marlo me semble d’une époque lointaine et militaire.

– Napoléon, dit Jessica. J’ai travaillé sur la restauration d’un fauteuil de cette période l’été dernier pour le musée de Cliver. J’étais dans une pièce dédicacée à cette période. Il y avait des portraits de soldats. Son uniforme correspond à ce que j’ai vu là-bas.

– C’est quoi ce bordel, gémit Andrew.

– Le tunnel qui disparait… ces étrangers… J’ai l’impression qu’on est plus dans notre monde, murmura Matt.

– Bien que ce soit délirant, je pense la même chose que toi, dit Hélèna.

Le géant se retourna vers eux et leur cria :

– Pour votre propre sécurité, je vous conseille de nous suivre et de ne pas baguenauder trop longuement dans cette clairière. On vous particulisera au village.

Il continua son chemin. La gothique avançait à cloche-pied et se retournait en leur lançant des oeillades. Elle tournait sur elle même, et à chaque tour, elle leur faisait un signe de l’index pour les rejoindre.

– On fait quoi ? demanda Max.

– On les suit et on verra bien ce qui se passe, dit Matt. On n’a pas vraiment le choix. En plus, quelque chose semble les effrayer. Tu as vu comme il regarde les alentours ?

– Ouais. Suivons-les vite, dit Jessica.

– Gardez bien vos couteaux de survie sur vous. On ne sait jamais, dit Andrew. Il vaut mieux être prudent.

Ils acquiescèrent tous et emboîtèrent le pas aux étrangers.

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