Chapitre 12 : L'attaque

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L’aube perça les ténèbres de sa lumière blafarde. Les premiers oiseaux piaillaient avec timidité.

– Ça a été Max ? demanda Andrew entre deux bâillements.

– Rien à signaler. L’orage s’est tu, il y a une heure environ. Je pense qu’on peut réveiller les filles et fiche le camp d’ici le plus vite possible.

Les jeunes femmes émergèrent de leur torpeur. Andrew leur raconta ce qu’il avait aperçu lors de l’orage. Elles redoublèrent d’efforts pour empaqueter leurs affaires au plus vite. Cinq minutes plus tard, ils quittaient la grotte.

La pluie diluvienne de ces dernières heures rendait la descente glissante. Le torrent naturel, formé la veille, ne s’était pas complètement tari. Ils essayèrent de le contourner au mieux, afin de ne pas se mouiller les pieds ou de se blesser. Le temps restait couvert et la température avait dû chuter de quinze degrés. De retour sur leur itinéraire, ils accélérèrent l’allure.

Leurs chaussures émettaient des bruits de succion tels de grosses ventouses. En une heure, ils avaient parcouru cinq kilomètres.

– À cette allure, on va vite y arriver, dit Matt. Dans un kilomètre, on va sortir de notre itinéraire initial pour rejoindre le village d’Anport. On y arrivera en début d’après-midi.

– Cool, fit Jessica. Mais, je ne suis pas encore vraiment rassuré.

– On y arrivera, dit Andrew. On n’a rien vu depuis hier soir. Une fois au village nous serons en sécurité.

Matt, son cellulaire à la main, constata que le réseau n’était toujours pas accessible. Ils rejoignirent enfin le fameux embranchement. Ils devaient gravir un léger contrefort qui serpentait entre les rochers. En haut, ils auraient une vue plongeante sur le village. Le chemin initial descendait en pente douce vers la forêt de Cliver. Elle était magnifique et se perdait à l’horizon.

– Ouah ! On devait passer dans cet océan de verdure ? soupira Jessica, contente de ne pas y aller finalement !

– J’avais fait un plan pour la traverser. Il n’y avait aucun risque, tu sais…, dit Matt avec déception.

– Elle est magique à ce qu’on dit, affirma Andrew. C’est dommage de devoir abandonner notre périple ici. J’en ai une boule au ventre…

– Je suis certaine que des personnes ont dû s’y perdre et peut-être y mourir, dit Jessica.

– Arrête de tout dramatiser, dit Matt. C’est le cas pour toutes les grandes zones sauvages. Si on ne se prépare pas avant, on risque effectivement d’avoir des soucis.

Il s’arrêta ému :

– J’avais tellement hâte de la traverser. Ça aurait été la première fois…

Hélèna filmait à tour de rôle, la vue sur la nature et ses amis. Elle pivota pour faire un traveling sur la montagne et le chemin qu’ils devaient emprunter. Elle se figea et abaissa son appareil avec une lenteur extrême :

– Eh les gars, fit-elle avec calme. Regardez là-bas.

Ils se retournèrent et Jessica laissa échapper un cri.

– Mon Dieu, dit-elle, en se mettant la main sur la bouche.

Sur le sentier se tenaient quatre individus qui avançaient vers eux, de façon chaloupée. Ils semblaient porter des masques mortuaires. Ils portaient des sortes de peau d’animaux en guise de short et avaient d’énormes matraques en bois dans leur main. L’un d’eux esquissa un sourire d’une cruauté qui glaça le sang des cinq amis. Ses dents étaient taillées en pointe. Leurs longs cheveux ébouriffés démontraient une hygiène générale douteuse.

– Non de Dieu, c’est eux que j’ai vus hier, dit Andrew, et ils sont quatre…

– On dirait des hommes préhistoriques, dit Hélèna, tout en les filmant.

– On ne peut pas passer par là, gémit Max. Ils nous barrent le chemin.

Ils avançaient toujours avec une nonchalance étrange tels des promeneurs qui profitaient de la nature. Ils étaient encore à une bonne distance.

– Bordel, dit Matt. On est coincé. On va devoir descendre vers la forêt. On pourrait peut-être rejoindre le village en contournant cette falaise, qu’il désigna du doigt.

– On va reculer doucement et…

Les quatre êtres hurlèrent à l’unisson comme des bêtes enragées. Puis ils se précipitèrent vers les adolescents en secouant leurs armes au-dessus de leur tête à s’en arracher les bras.

– Courrez, vociféra Matt. Vers la forêt !

Les cinq compagnons partirent au sprint. Andrew se mit à l’arrière pour surveiller les fous qui fondaient sur eux.

– Vite, ils gagnent du terrain, dit-il.

Matt ouvrait le chemin et indiquait les endroits dangereux à ses amis.

– On arrive, cria-t-il, on va se cacher dans le bois.

Ils s’engouffrèrent dans de hautes fougères. Jessica s’affala sur le sol comme une poupée de chiffon. Elle s’était éraflé la jambe dans des ronces. Max l’aida à se relever.

– Vite, vite ! dit Andrew. Ils nous rejoignent.

Les individus vociféraient tels des forcenés. Matt s’était arrêté pour attendre ses amis. Tout le groupe reprit sa course effrénée, l’un derrière l’autre pour ne pas se perdre. La végétation les fouettait sans pitié. Leurs jambes hurlaient de douleur, mais tout le monde serrait les dents. L’odeur de l’humus détrempée saisit les cinq compagnons à la gorge, comme un véritable gaz asphyxiant. Ça faisait cinq minutes qu’ils détalaient entre les arbres lorsque Hélèna s’écroula, hors d’haleine :

– J’en peux plus, souffla-t-elle. Je m’arrête ici.

Jessica s’assit à côté d’elle.

– Moi aussi, j’ai plus de jambes.

Le silence avait repris ses droits : plus de cris.

– Tu crois qu’on les a semés ? demanda Max en regardant Andrew.

– J’en doute fortement. J’ai l’impression qu’ils jouent avec nous, et ce depuis la falaise et l’ombre que tu as aperçue le premier jour.

– Je suis d’accord, fit Matt. Ils nous ont barré clairement le chemin vers la civilisation. Ils veulent qu’on s’enfonce dans la forêt pour une raison inconnue. Bon, on se repose un peu ici.

Il prit le plan entre ces mains :

– Les gars, parcourrons-le ensemble. Il faut trouver une solution.

Ils scrutèrent la carte pour dénicher un sentier secondaire. Un seul menait à la fameuse falaise dont avait parlé Matt.

– On n’a pas de cordages, dit Andrew. C’est impossible de passer par là.

– Je sais, je sais. On risque en plus d’être pris au piège, souffla Matt.

– Imagine avec les filles, ajouta Max, les mains sur les genoux.

Matt acquiesça.

– Sinon, on continue notre tracé de départ, et on rejoindra VeinMountain dans trois jours…

– Trois jours ! s’exclama Jessica. Ils vont avoir tout le temps pour nous tuer ! Et, on s’enfoncerait dans cette forêt ! Autant dire que ce serait un véritable suicide.

Hélèna avait sorti sa trousse de secours pour nettoyer la plaie de Jessica. Cette dernière grimaça.

– Aïe ça pique !

– Ne fais pas ta chochotte va, s’agaça Hélèna.

– Et si on retournait sur nos pas, envisagea Max. Ils sont peut-être repartis ou on suivit un autre chemin ? On les prendrait de vitesse !

– Ce n’est pas bête, dit Andrew. C’est notre meilleure option. On ne les entend plus. Avec un peu de chances, ils sont sur une autre piste.

Matt réfléchit un court instant :

– OK. On se repose un peu, et on revient sur nos pas en silence. On verra bien ce qui se passera.

Ils burent un coup, resserrèrent les sangles des sacs et se mirent en route. Une petite minute venait de s’écouler lorsque les hurlements sauvages reprirent de plus belle. Les cinq amis se figèrent. Devant eux, les spectres battaient les fougères avec une violence inouïe.

– Bordel ! Ils sont encore là ! cria Jessica.

– On fait demi-tour, vite, dit Matt.

Andrew se mit en queue, et ils coururent dans le sens inverse comme des damnés.

– Ne vous perdez pas de vue, hurla Matt sans se retourner.

Il n’y avait plus de chemin, ils traversèrent une étroite clairière composée de hautes herbes qui leur labouraient les jambes et entamaient leurs chaires. En pleine panique, ils pénétrèrent des taillis inextricables.

– Putain, on est mal, dit Hélèna, en regardant dans tous les sens.

Des arbustes, chargés d’épines grosses le petit doigt, les encerclaient. Les individus s’approchaient ; impossible de retourner sur leurs pas. Le piège s’était refermé sur eux.

– On ne pourra pas passer, fit Matt.

– On est cuit, dit Andrew. Il faut se battre. Enlevez vos sacs et prenez vos couteaux !

– Oh, non ! supplia Jessica.

– Les filles vous restez derrière nous, ordonna Andrew. Prêt Matt, Max ?

– On ne se laissera pas avoir si facilement, leur cria Matt. Venez, on va vous découper en morceau !

La peur et l’adrénaline rendaient Andrew méconnaissable. De longues veines bleues enserraient sa gorge. Il était prêt à mourir.

– Eh ! s’exclama Max, son arme blanche à la main. Regarder par ici, il y a une sorte de passage dans les buissons.

Il désignait du doigt une trouée dissimulée en partie par les hautes herbes : un véritable petit tunnel naturel qui partait au travers des taillis. Matt s’y précipita et se mit à genou pour regarder à l’intérieur.

– Ouah ! Il va loin, ce truc. On a de la chance. Allez, les filles, on y va. Il va falloir pousser les sacs devant nous. Ce n’est pas très haut là-dessous.

Hélèna, sans hésitation, s’y engouffra avec vivacité. Jessica la suivit, talonnée par les trois garçons.

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