Chapitre 10 : Une nuit mouvementée

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Ses amis l’attendaient avec impatience.

– Alors, demanda Matt, tu as vu quelque chose ?

– Oui. Il devait bien avoir quelqu’un, ou plutôt plusieurs personnes. Le sol était piétiné, mais ils étaient partis à mon arrivée.

Les filles furent soulagées. Andrew ne mentionna pas l’étrange empreinte découverte. À quoi bon ? De toute façon, il en doutait lui-même.

Il ramassa des branches mortes avec Matt, puis alla remplir les gourdes au torrent. Il y glissa, dans chacune, une petite pilule de purification. Ils éviteraient ainsi de s’intoxiquer. Avec ce produit, il pouvait même envisager de boire de l’eau croupie.

Max revint avec trois belles truites, une bonne quantité de champignons et de tiges vertes.

– C’est quoi, ça ? demanda Jessica, en saisissant une des plantes.

– Des asperges sauvages ! clama Max.

– Oh, et ça se mange ? questionna Hélèna stupéfaite.

– Bien sûr que ça se mange ! Ça a le même gout que l’asperge traditionnelle.

– Dommage qu’on n’ait pas de mayonnaise, regretta Andrew, en se tenant le ventre.

– On va faire avec, dit Max. Agrémenté avec les champignons et des tranches de saucisson, vous m’en direz des nouvelles. Je n’ai eu que trois truites. On partagera.

– Trois truites, c’est un miracle ! dit Andrew. Honnêtement, je ne pensais même pas que tu puisses en ramener une.

– La chance du débutant, répondit Max.

Ses amis lui expliquèrent qu’Andrew n’avait rien trouvé de l’autre côté du torrent. Mais, l’évocation des traces au sol troublait le jeune garçon. Il songeait à l’ombre sur la falaise. Il effaça cette pensée et se mit à cuisiner.

La promesse d'un repas délicieux fut tenue. Toute la bande savoura la préparation du maître. Les asperges sauvages étonnèrent les convives. Le jour laissa place au crépuscule, et les insectes diurnes, épuisés, passèrent le relais à leurs collègues nocturnes. Le groupe d’amis se coucha vers les vingt-deux heures, le ventre calé, et les membres délassés par leur baignade. Le marchand de sable ne tarda pas cette nuit là, et leur lança une pleine poignée.

Vers une heure du matin, un hurlement inhumain extirpa les cinq compagnons de leur sommeil. Le temps d’émerger, le silence avait repris ses droits.

– Les filles, vous êtes réveillées ? interrogea Matt, en haussant la voix pour se faire entendre de la tente voisine.

Andrew et Max étaient tous deux en appui sur leur coude, les yeux cernés de fatigue.

– Oui, répondit Jessica dans un souffle.

Andrew ouvrit la fermeture de la tente, pour jeter un coup d’œil dehors.

– Attends, fit Matt, en appuyant son index sur ses lèvres. Écoute.

Ils tendirent l’oreille et perçurent comme des martèlements sur le sol à environ une dizaine de mètres de leur campement.

– C’est peut-être une bête. Restons prudent, dit Matt, on ne sait pas sur quoi on peut tomber.

Les filles restaient figées sur leur matelas. Il n’était pas question de mettre le nez à l’extérieur. Max semblait avoir perdu l’usage de la parole. Matt le bouscula de la main, et l’adolescent sortit de sa torpeur :

– Ça fait trois événements en une journée.

Andrew et Matt se regardèrent incrédules.

– Comment ça trois ? dit Andrew.

Max leur raconta l’impression bizarre qu’il avait eue lors du passage le long de la falaise et leur parla de l’ombre qu’il avait crut apercevoir.

– Pourquoi ne nous avoir rien dit ? demanda Matt.

– À ce moment-là, je pensai que ce n’était que mon imagination. Mais, là… J’ai l’impression que nous sommes épiés. L’ombre, les pierres, ce cri et ces martèlements… Je ne le sens pas du tout.

Quelque chose clochait. La nature retombait dans le calme. Les insectes nocturnes, qui s’étaient tus depuis le cri, reprirent leurs litanies. Andrew, sa lampe de poche à la main, sortit et alla voir les adolescentes. Elles s’extirpèrent de leur nid douillet dès qu’elles l’entendirent les appeler. Il scrutait les bois avec sa lumière. Matt et Max l'imitèrent.

– C’était quoi, ce cri ? demanda Hélèna terrifiée. Un animal ?

– C’est possible, dit Matt. Mais, le cri était vraiment puissant et proche...

– Un ours, hasarda Jessica.

– Non, assura Andrew. Un ours ne hurle pas. Je vous avoue n’avoir rien entendu de pareil dans la montagne. Je n’étais pas tout à fait endormi lorsque ce cri a retenti. Sur le coup, ça m’a même paru humain. Humain, mais genre possédé vous voyez ? Enfin pas possédé mais plutôt enragé.

– Ouais, je vois, dit Jessica. Mais, les martèlements au sol ? C’était quoi ?

– Des sabots ou quelqu’un qui frappait le sol avec une branche, dit Max.

– Ou, plusieurs personnes, car les coups étaient multiples non ? hasarda Hélèna.

– Il y a peut-être des campeurs dans le coin finalement, suggéra Jessica. Ils ont peut-être vu un animal et hurlé pour le faire fuir ?

– Eh oh, cria Matt. Il y a quelqu’un ?

Il répéta son injonction à plusieurs reprises, sans succès.

– S’il y avait quelqu’un, il nous répondrait, affirma Matt.

– Oui, c’est clair, répondit Max. Toute personne censée nous rendrait notre appel.

– On verra ça demain, dit Andrew. On ne va pas parcourir le bois de nuit. Il vaut mieux se regrouper dans la même tente et attendre l'aube.

Un hululement perça la nuit sur leur droite. Les adolescents sursautèrent.

– Hibou, fit Max avec conviction.

Les filles prirent leurs sacs de couchage et rejoignirent les garçons. La petite troupe ne trouva le sommeil qu’au petit matin. Leurs sens, en alerte, ne leur permirent pas de s’endormir avant. Max se leva le premier, saisi par une envie pressante qui lui tenaillait le bas-ventre. Il était neuf heures du matin lorsqu’il remonta la fermeture et écarta les pans de la tente, il ne put retenir un hurlement. Tout le monde sursauta.

– Quoi, qu’est ce qu’il y a ? balbutia Matt en panique.

– Dehors regardez ! fit Max en s’écartant légèrement de l’ouverture.

Devant eux gisait une biche éviscérée. Sa tête, qu’on avait tranchée de façon chirurgicale, reposait sur un tas de pierres et dévisageait les adolescents de ses yeux vitreux.

– Mon dieu, dit Jessica, la main sur la bouche. Non là, c’en est trop. Il faut retourner chez nous tout de suite ! Je ne veux pas rester une minute de plus ici.

Elle tremblait comme une feuille.

– Je crois que je vais vomir, dit Hélèna, une main sur le front. La tente dansait autour d’elle et accentuait son malaise.

– On rebrousse chemin ou on essaie de rejoindre le petit village d’Anport ? demanda Andrew avec un regard appuyé vers Matt.

Le jeune homme réfléchit :

– On est à dix heures de marche de ce village. Ça nous fait arriver entre dix-huit heures et dix-neuf heures si on part tout de suite. On est sur un terrain en descente douce. Faire demi-tour sera plus long et plus ardu. Il faudra repasser le chemin de la falaise.

– Vaut mieux pas, fit Max. Je vote pour le village. On y sera en sécurité.

– Allez on remballe et on va à Anport le plus vite possible. En attendant, tu peux prévenir ton père Matt ? Ça me rassurerait, dit Hélèna. Nos parents pourraient nous attendre au village.

L’adolescent prit son sac pour sortir le téléphone militaire fourni par son père. Il ouvrit le compartiment et fouilla toute la sacoche. Il la retourna sur le sol sans ménagement. Les autres s’arrêtèrent et le fixèrent avec inquiétude.

– Un problème Matt ? demanda Andrew, un tremblement dans la voix.

– Il n'y est plus… bordel… je ne le trouve plus ! C’est pas possible !

Hélèna sortit son cellulaire : tous constatèrent l’absence de réseau sur leur appareil respectif.

– On est coupé du monde, dit Hélèna en se frottant le bras nerveusement.

– On devrait retrouver du réseau d’ici vingt kilomètres quand on se rapprochera du village, dit Matt.

– Merde ! dit Max. Ton sac était dans la tente avec nous… Ca veut dire que quelqu’un y a pénétré sans qu’on en s’aperçoive, pendant notre sommeil !

– Cette même personne ou ces mêmes personnes ont confectionné ce petit hôtel de pierre devant nos tentes cette nuit ! gémit Jessica.

– Attendez, pour le téléphone, je l’ai peut-être perdu pendant la marche… Je t’avoue ne pas l’avoir eu en main depuis notre départ. Si quelqu’un était entré on l’aurait su tout de suite. J’ai un sommeil ultra léger ! Le zip de la fermeture éclair m’aurait réveillé c’est sûr !

– Tu dois avoir raison. Enfin, je l’espère. Mais, le tas de pierres ! Il a bien été fait lorsqu’on dormait. Il n’y a pas de doute, dit Max.

– Et la bête, reprit Jessica. Tirons-nous d’ici et vite.

– On se casse, dit Andrew. On n’a rien perdu d’autre ?

Le reste était en ordre.

Ils rangèrent leurs affaires à la va-vite et quittèrent les lieux en marche sportive. La randonnée prenait tout à coup une autre tournure.

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