Girondin avait été prévenu par un garde que le procès était parti en émeute de malade et que Blue avait rejoint la salle. Il fit quérir plusieurs membres de sa garde personnelle et les envoya immédiatement dans le tribunal pour remettre les choses en place et emprisonner tous ceux qui auraient eu rapport, de près ou de loin, à ce qui s'était passé. En prime, il voulait la tête de la juge Punjabine sur un piquet. La colère ne le quittait pas, et la peur non plus. Les choses ces derniers temps semblaient lui échapper. Tout se passait trop vite à son goût, lui qui avait été habitué à sa douce vie paisible. Pendant quelques minutes, devant sa fenêtre, il songea à fuir. Il regardait les champs, les plaines verdoyantes au loin, et il s’imaginait dans un autre château, à gouverner son petit monde. Peut-être ferait-il les choses différemment, peut-être pas. Il serra les poings, furieux de s’être mis à douter de lui-même à cause de misérables paysans.

Dans le tribunal les choses allaient de mal en pis. Les gens avaient presque tous fui, sauf les Résistancionnaires et les morts. Plusieurs personnes avaient péri sous les épées, il régnait dans la salle une odeur de sang, de peur aussi. Le temps était maintenant suspendu, les gardes toisaient Angelo, Blue et les enfants, leur épée brandie, prête à trancher la tête de quiconque avancerait. La priorité pour le groupe de Résistancionnaires était de récupérer la juge Punjabine et de se sauver. Ils verront pour libérer Ted plus tard. Selon eux, il servirait de monnaie d’échange, il ne risquait donc rien en restant prisonnier au château.

Blue tenait la main des deux plus jeunes, Aïka et Ziolet. Elle se montrait rassurante et sûre d’elle, ce qui donna du courage à Angelo d’avancer un peu vers les gardes qui se resserrèrent en ligne devant le juge Punjabine. Thierry et Mia eux étaient restés en retrait, mais ils regardaient les trois autres élèves avec un regard noir. Mia regarda Ziolet en mimant quelqu’un qu’on égorge sans que cela n’affecte la jeune fille menacée. Lenna leur fit un doigt d’honneur. La juge Punjabine regardait les Résistancionnaires, suppliante. Elle voulait cesser tout cette mascarade, mais il était trop tard.

— Laissez Punjabine partir ! s’exclama Angelo qui était maintenant à quelques centimètres des gardes.

— Jamais ! hurla l’un d’eux.

Ce qui se passa ensuite fut bref. Le garde à la gauche de Punjabine leva son épée et l’abattit de toute ses forces sur la juge. Les enfants, Blue, Angelo et les quelques nobles qui étaient restés ne purent que regarder la tête coupée rouler sur les petites marches sous son bureau, répandant le sang sur son sillage.

Il se passa quelques secondes silencieuses avant que le monde ne reprenne vie. Angelo hurla et se lança sur la garde qui avait exécuté le juge et l’étrangla jusqu’à ce que ses yeux sortent de ses orbites. Blue avait emmené les enfants dehors, sachant que les mercenaires de girondin étaient plus nombreux et en route pour prêter main forte.

— Viens Angelo ! On n’a plus le temps ! N’oublie pas notre plan ! cria t-elle en courant.

Thierry et Mia restèrent sur place, tentant d’empêcher le départ du traître, mais il fut plus rapide. En quelques secondes il ne restait dans la salle que les gardes et ceux qui avaient choisi leur camp, celui de l’Empepeur.

Les Résistancionnaires coururent dans les couloirs qui leur paraissaient être un véritable labyrinthe dans la panique. Ils se rendirent dans les sous sols. Blue connaissait un passage secret grâce à ses nombreuses sorties pour échapper au quotidien de noble qu’on lui imposait. Ils arrivèrent vite là où elle voulait les mener et s'engouffrèrent dans une espèce de tunnel. Angelo leur fit ralentir l’allure. A cinq, ils faisaient du bruit, il ne fallait pas qu’on les repère. Mais c'était trop tard.

Une fille était déjà là, dans les souterrains. Elle cueillait des herbes pour les potions de l’apothicaire, étant son apprentie. Aka-Nightmare était une jeune femme discrète. Quand elle entendit le vacarme qu'avaient fait les cinq personnes, elle se cacha dans un recoin, les observant. Elle fut stupéfaite de voir que son ancien professeur prenait la fuite en compagnie de l’anarchiste notoire et de trois élèves. Leurs parents allaient prendre cher ! Elle retint son souffle quand ils passèrent tout près d’elle puis attendit un peu avant de sortir elle-même des souterrains. Elle ignorait que Ziolet l’avait vue. Sans réfléchir, Aka se rendit dans les appartements de Girondin, il fallait le prévenir.

— Oui ? hurla l’Empepeur après qu’elle eut tapé à sa porte dorée.

— C’est Aka-Nightmare vot’majesté ! cria t-elle à son tour pour se faire entendre de l’extérieur.

Elle entendit quelques pas bourrus puis la porte s’ouvrit.

— Majesté, ya des gens qui fuient le château… Vous m’croirez pas si je vous dis qui c’est !

— Dis toujours ? grogna t-il

Plus la liste des noms s’allongeait, plus Girondin devenait rouge, prêt à exploser.

— COMMENT ?! hurla t-il, empli de rage. Le maître ! et les enfants de bons amis ! Hors de ma vue toi ! cria t-il après Aka qui se sauva à toute allure.

Criant toujours, il appela ses gardes pour leur donner les noms, et il fit quérir les familles des trois jeunes filles qui avaient choisi le camp de l’ennemi. Cela ne se passerait pas sans réponse sanglante !

Pendant ce temps, les Résistancionnaires purent enfin arriver en dehors du château pour s’engouffrer dans la forêt de Touchpaassa, essoufflés et soulagés. Ils devaient maintenant trouver le campement des autres pour se reposer d’abord et préparer le plan de libération de Ted ElCucumber.