Le Professeur et la Vieille qui Sait - PARTIE 1

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Le précepteur martela son bureau avec sa règle, coléreux. C’était un homme intelligent, forcément, engagé par l’Empepeur pour l’étude des enfants de la noblesse du château. Dans une petite salle qui contenait l’unique bibliothèque du royaume, l’homme portant une robe de velour et des escarpins noirs avec des boucles dorées, fulminait. Secouant ses cheveux bouclés en tournant à droite et à gauche sa tête, il faisait des bruits de langue agacés.

— Mais vous pigez que dalle ! On répète cette leçon depuis la semaine dernière bon sang ! Repeat after me : my tailor is rich !

Les quelques élèves, assis à leur pupitre de bois se regardèrent, pouffèrent de rire et répondirent d’une même voix :

— Bryan is in the chicken !

Ce fut la goutte de trop pour maître Angelo. Il sortit en trombe de la salle, laissant les jeune malapris entre eux pour quelques minutes. Il désirait souffler un peu avant de commettre un massacre, sauf qu’en ouvrant la porte si fort, il assomma un malheureux bougre qui passait par là… Le pauvre homme fut tué sur le coup, et en y regardant de plus près, maître Angelo constata qu’il s’agissait du nettoyeur de latrine de l’Empepeur… Le pauvre Lukuku gisait raide mort, une ouverture sur son front, le sang coulant sur ses cheveux bruns, les yeux grand ouverts, comme stupéfait… Angelo, après avoir voulu se baisser pour ramasser le pauvre gueux haussa les épaules, habitué aux morts quotidiens dans les Tenzactuels, encore plus dans l’enceinte du château. Il inspira plusieurs fois longuement, puis expira tout aussi longuement, un exercice appris de la dame qui enseignait le maintien aux jeunes filles nobles, ainsi que l’étiquette, Yoru la Magnifique - elle devait son nom à sa beauté et ses cheveux flamboyants.

— Psss… fit une voix juste derrière lui.

Le jeune professeur se retourna, surpris, et eut la joie de découvrir devant lui sa plus fidèle amie, Blue l’Anarchiste. Elle était coiffée de façon étrange, comme étant à peine sortie du lit, fardée au charbon, vêtue même de pantalons et de bottines de cuir, comme si elle se donnait un mal de chien pour ressembler le moins possible à la famille noble à qui elle appartenait. La jeune femme était connue pour son mépris des lois, des autorités, mais elle ne pouvait être punie, étant la fille d’une des plus riche famille du royaume, qui payait comptant - sinon plus - les dîmes et autres impôts exigés mensuellement chaque semaine.

— Blue ! Mon amie ! Quel plaisir de te voir ici ! lança, heureux, Angelo en enlaçant sans retenue la jeune dame.

La jeune femme le serra encore plus fort, heureuse. Mais elle ne s’attarda pas en embrassades, elle avait une chose à demander à son ami. Prenant garde à ce qu’il n’y ait pas d’oreilles cachées autour d’eux, elle chuchota à Angelo :

— Ted a été pris… Tu sais qu’il m’est précieux grâce à ses contacts à l’extérieur…

— Oui je sais, il n’a pu se retenir de dire à notre cher Empepeur qu’il valait moins qu’une loutre… répondit le jeune homme blasé et amusé…

— Il a été con c’est vrai, mais il ne mérite pas non plus la potence pour ça… Son procès devrait se dérouler après-demain… Que peut-on faire, à part se prendre une bonne cuite ?

Sa voix s’était brisée. Blue était persuadée que son ami ElCucumber ne ferait pas long feu et elle se refusait à le laisser tomber, il lui avait appris le monde des malfrats, celui des anti-impérialistes, et avec lui, ils avaient accomplis plusieurs actions révolutionnaires pour mettre à mal Girondin ; allant du vol des impôts sur les routes aux distributions de tracts pour que les gens rejoignent leur cause : les gilets de laine… Mais s’il n’était plus là, comment cela se passerait-il ? Parlerait-il seulement de leur passé ? De leurs projets ? Sous la torture les hommes n’en sont plus… Les trahisons ne sont pas réservés aux plus faibles.

— On pourrait tenter de parler pour lui au procès… commença Angelo, perplexe. Nous sommes tous invités à y assister.

— Mmh… Je ne suis pas sûre que ma présence soit judicieuse et appréciée…

— Qui te parle de toi Blublu ? Je pourrais emmener mes élèves en stage de loi… continua t-il en se grattant le menton, réfléchissant.

— Mais oui ! Tu penses avoir un droit de parole ? s’exclama pleine d’espoir l’anarchiste.

— Yes it isn’t ! Girondin m’apprécie beaucoup, il m’écoutera !

Les deux amis continuèrent de parler sans se douter que derrière la porte, Thierry, Mia, Lenna, Ziolet et Aika, les élèves d’Angelo, tous les cinq issus de famille de sang noble, écoutaient, excités par l’aventure qu’ils allaient vivre. C’est qu’ils s’ennuyaient ces adolescents de riche, et un peu d’action dans leur morne vie n’était pas de refus ! Ils se firent la promesse, en silence, d’écouter leur professeur pour ne pas perdre le droit d’assister pour la première fois de leur vie à un procès. La cloche de l’église sonna, et ils purent enfin quitter l’étude, bousculant les deux adultes dans le couloir, pour courir jusque dans la cour du château. Ils voulaient voir l’homme aux loutres qui était attaché dehors en attendant son procès.

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