Le Montagnard et l'Erudite - PARTIE 1

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Au moment même de la séance de Faittpakomlui à Discordya, un homme loin de là, seul dans la vallée de Cétéoùdéjà, ruminait sa colère. Depuis quelques temps ses moutons disparaissaient régulièrement. Il cherchait comment prendre le responsable sur le fait, sachant que cela ne pouvait être un homme. En effet, il était le dernier marcheur des neiges, plus personne ne vivait dans ces contrées hostiles, enneigées, stériles, dangereuses avec toutes les crevasses et les avalanches. Cela ne pouvait être qu’un loup, ou un de ces monstres qu’on lui décrivait quand il était enfant devant la cheminée les soirs de veillées. WorldOfWalker, appelé plus souvent Wow parce que c’est chiant à dire sinon, le dernier Marcheur tournait en rond dans son chalet, prenant et reposant sans la boire sa tasse de café fumante tous les dix pas autour de sa table de bois… Un trésor que ce café, il en avait conscience, mais il n’avait pas le coeur à en savourer les arômes amers. Pris d’un élan, il se dirigea vers la porte d’entrée faite de bois, et enfila son gros manteau de fourrure de phoque. Il laça ses bottines de cuir, et se coiffa d’un gros bonnet de laine qui lui tombait sur les oreilles, ne laissant dépasser que ses cheveux châtains. Il comptait aller contrôler les forêts et la vallée avant la nuit, pour trouver des indices sur ce qui avait pu arriver à ses pauvres moutons. Toujours avec le même élan, il ouvrit sa porte et la claqua une fois dehors ce qui lui fit recevoir le tas de neige qui stagnait dessus. Il huma l’air en se renfrognant et se mit en route.

Les premiers pas étaient les plus durs. Marcher dans la neige, quand elle était si épaisse et molle n’était pas de tout repos, mais il prenait vite le pli, et bientôt ce fut aussi aisé que de marcher pied nu sur le sable chaud. Il marcha entre les arbustes dont ne dépassaient que quelques branches mises à nu par l’hiver précoce, et les sapins aussi haut que des géants. Malgré le soleil, la forêt était sombre, et aurait parue effrayante à quiconque se serait aventuré dans ses entrailles. Mais Wow était courageux et était né de la montagne même, alors l’ambiance glauque, il s’en foutait impérialement. Il continua inlassablement sa marche, regardant bien entre les roches et parfois sous la neige pour y déceler quelconque indice sur ses malheureuses bêtes. Une carcasse, un os, du sang… Mais rien. Rien hormi le squelette du malheureux Lukuku, mort étouffé bêtement parce qu’il s’était assommé sur un sapin qui, sous le choc, avait fait tomber toute sa neige sur son corps inerte… Il avait été un bon compagnon de ski pour Wow. Depuis les deux heures qu’il marchait, il ne vit que de la neige… Il décida de faire une pause, sous un immense sapin aux épines vertes et blanches. Le montagnard était arrivé dans les forêts de Haouicétélà. Il aperçut un petit rocher sur lequel il s’asseya et sortit d’une des poches de son manteau un morceau de viande séchée. Il macha tant bien que mal tandis que les pensées ruminaient dans sa caboche.

Wow était tellement plongé dans ses pensées qu’il ne s’était pas aperçu qu’une pauvre bougresse était arrivée non loin de lui, cachée derrière un chêne sans feuilles au tronc si épais qu’il pouvait cacher trois hommes. Elle observait le montagnard, inquiète et curieuse. Décidant qu’il n’avait pas l’air menaçant, elle s’avança doucement vers lui à petits pas et marcha sur une branche morte qui craqua, faisant sursauter le montagnard. L’air hagard, il regarda interloqué la jeune personne qui s’avançait encore vers lui, inquiète. Et elle avait raison de l’être, elle se trouvait sur le territoire du jeune Wow, et ça ne pouvait être une coïncidence !

— Qui êtes-vous et que faites-vous sur mes terres jeune… femme ? demanda t-il d’un ton colérique, avec une voix grave et suave en se levant rapidement, ce qui fit sursauter la demoiselle.

— Je...Je…

— Vous… Vous quoi ?! tonna t-il encore plus énervé devant l’hésitation de la demoiselle.

— Je m’appelle Gérard et j’ai fuis Discordya tantôt m’sieur ! réussit-elle à répondre avant de s'effondrer en pleurs et à genoux devant le Marcheur.

C’est que son voyage de cinq jours avait été épuisant, et elle espérait avoir laissé assez de distance entre le royaume et elle. Le montagnard radoucit son regard et s’agenouilla.

— Pourquoi avez-vous fui ?

— Mon frère, Anthonoire, a volé une miche de pain… Et on m’a humiliée… Je ne pouvais rester une minute de plus dans cet enfer… répondit la demoiselle, reniflant et s’essuyant le nez dans sa capeline.

— Hmmm… Vous vous appelez vraiment Gérard ?

La jeune fille eut un sourire en coin, combien de fois avait-elle dû répéter l’histoire de son nom… Elle soupira puis avec plus d’aisance raconta rapidement :

— Oui, c’est bien mon nom… Mes parents croyaient tellement que ce serait encore un gaillard qu’attendait ma mère, qu’ils z’ont pas choisi d’autre prénom. Et quand je suis née, ils z’ont pas voulu voir la vérité en face, pour eux, je suis un garçon, je l’ai toujours été… Hélas…

Wow éclata de rire, même si l’histoire était finalement tragique. Il éprouva de la compassion pour la demoiselle en détresse et lui proposa un morceau de viande séchée, ce qu’elle accepta avec une joie et une faim évidente. Les bruits qu’elle faisait en mâchant la bouche grande ouverte étaient insupportables à l’oreille du montagnard, peu habitué à la compagnie d’autres humains, mais ce n’était rien comparé au bruit soudain qui se fit entendre dans les cieux.

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