Chapitre 19 / 01 : La Tour Infernale

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 Le noir total.

 Douce sensation de la mort.

 Puis vint les rêves agités, fiévreux. Des visages connus, tourbillonnants sur un filtre sanglant. Des cris inaudibles. Des corps qui se déforment, percé de part en part de milliers de projectiles jusqu’à les désintégrer. Mes hurlements sans son, prisonniers de mon esprit.

 Puis l’éclair de la souffrance physique me rappela à la vie.

 Je n’avais même pas la force de soulever mes paupières. Je restais dans l’obscurité. Mais je pus redessiner dans le moindre détail l’intégralité de mon corps grâce à mes capteurs sensoriels de douleur. Mon corps tout entier n’était que douleur. Mon réveil fut comme un séisme d’affliction avec pour épicentre mon épaule droite. Mon cerveau était embrumé, bouilli par la fièvre. Je sentais tout mon épiderme suintant de sueur, refroidi par un fort courant d’air. Je rissolais et grelottais en même temps. Je sentis que l’on m’ôtait un linge humide bouillant de mon front, puis quelques secondes plus tard l’application de ce même linge mais d’une fraicheur revigorante. Quelqu’un était à mes côtés et semblait prendre soins de moi. Soudain cette personne retira ce qui recouvrait ma plaie. La compresse imbibée de sang gluant, presque sec, se décolla, résista avec une telle lenteur que la douleur de cette opération me fit tourner la tête et me replongea dans les vapes. A nouveau le noir, puis les cauchemars tourmentés.

Je repris conscience sans aucune notion de l’espace-temps. Mes paupières ouvraient enfin le rideau sur un nouveau décors. J’étais toujours en vie. Allongé sur le dos, ma première vision était un plafond recouvert d’un damier incomplet de plaques d’isolation. Je pivotai difficilement ma tête vers la source du puissant courant d’air et le spectacle fut époustouflant. J’étais dans une tour d’immeuble dont une partie de son flan était crevé, présentant une vue vertigineuse sur Paris. Où suis-je ?... Et qui était avec moi ?... Mon attention se reporta sur la personne. Je la cherchai du regard, et elle entra dans mon champs de vision. Je la reconnus et la frayeur s’empara à nouveau de moi. La jeune fille à la peau laiteuse, la visiteuse impromptue de la mairie de Boulogne-Billancourt, le bourreau et la coupeuse de tête de Kylian, était là.

Non, cette fille là était différente. Elle souriait. Elle respirait la douceur. Les cheveux blonds quasiment peroxydés laissait place à une chevelure brune, noir d’encre. Ses yeux d’un bleu translucide étaient les mêmes, mais face à l’impression d’un regard prisonnier de la glace perçut avant, là j’avais le sentiment de pénétrer dans un océan abyssal. Ce n’était pas l’ange démoniaque qui avait décollé le chef de l’assistant du maire.

« On… On se connait ? demandais-je d’une voix tremblotante.

— Non, mais je pense que tu as déjà fait la connaissance de ma sœur.

— Ta sœur ?...

— Oui, jumelle.

— C’est… C’est un monstre ! … crachais-je sans craindre les représailles de cette fille.

Elle gloussa à cette remarque.

« Je suis bien d’accord avec toi, confirma-t-elle.

L’expression de mon visage endolori et fatigué ne le montra pas, mais j’étais surpris de cette réaction. Elle était assise en tailleur à côté de moi. Elle mouilla à nouveau un torchon plié en quatre dans de l’eau fraiche et me l’appliqua sur le front pour lutter contre la fièvre.

« Comment tu t’appelles ?

— Marina. Et toi ?

— Micaël. Où sommes-nous ?

— Au 56ème étage de la Tour Montparnasse.

— Quoi ?

— Une prison pour toi et moi, mais aussi la vue la plus belle de Paris. Je suis enfermé ici, mais je m’évade en observant le magnifique spectacle du chaos.

— Pourquoi es-tu prisonnière ?

— Divergence d’opinion. Ce n’est que grâce à ma sœur que je suis encore vivante, mais enfermée entre trois murs et le vide de deux cents mètres.

— Et moi, pourquoi suis-je encore en vie ? Alors qu’ils nous ont canardé… Et tué… mon meilleur ami.

Ce souvenir récent ressurgit et mes yeux s’embuèrent. Une goutte lacrymale creva au coin de l’œil et s’évada le long de ma joue.

« Je n’en sais rien. Tu dois avoir un certain intérêt pour eux. En tout cas, ils ont bien insisté pour que je m’occupe bien de toi.

— C’est qui eux ?

— Les Ultra Défense. Un merveilleux mouvement surgit de l’apocalypse. Un groupe ultra nationaliste révolutionnaire. Tu captes la dichotomie du concept. Il se revendique comme le nouveau pouvoir en place à Paris. On ne change pas les bonnes habitudes, pour eux c’est une attaque des islamistes d’un pays de bougnoulie ou du partie afro-américain clandestin au pouvoir aux Etats Unis. Trop inculte pour penser à la majorité des musulmans qui sont asiatiques, ou aux latinos envahisseur de l’Amérique sudiste. Asiatiques qui sont tous des Chinois pour eux, et eux ça peut passer par qu’ils ne font pas de bruit et qui sont travailleurs, même si ce sont de putains de communistes. Tout comme les Russes, mais avec eux, on ne veut pas se fâcher. Bref tous les poncifs d’une pensée raciste, homophobe, complotiste et nationaliste.

— Et toi que viens-tu faire là-dedans ?

— Ma sœur, partageant ces idées et surtout très conne avec un grain à moudre à la place du cerveau, a été embrigadé par le grand gourou A.H. Nemours. Et moi, je faisais parti du package. J’ai voulu ouvrir ma gueule, m’opposer et fuir. Et me voilà à tes côtés.

— Bizarre, ce n’est jamais un mouvement humaniste qui émerge du chaos.

— C’est la nature de l’homme, pire qu’un animal, grâce à ses facultés de penser.

— Pourquoi sommes-nous ici ?

— Le symbole ! la Tour Montparnasse, leur château duquel ils dominent le reste de la population survivante. A.H. en est le seigneur. A.H. comme Adolf Hitler au cas où tu n’aurais pas capté. Plus c’est gros, plus ça marche sur les esprits débiles et fragiles.

— Comme c’est original !

— N’est-ce pas ? Mais la conséquence non imaginée à la base de surplomber la ville, c’est que nous avons pu définir les contours de l’attaque, ou plutôt du phénomène naturel ou extranaturel comme je le disais aux autres.

— C’est-à-dire ?

— Je te le montrerais quand tu pourras de déplacer jusqu’au surplomb.

— Montre-le-moi maintenant.

— Arrête Micaël, tu peux à peine garder les yeux ouverts.

J’essayai de me redresser, trop vite surement. Avant que mon bras soit en extension, le feu m’électrisa les nerfs et me foudroya le cerveau, m’éteignant aussitôt dans l’obscurité de l’inconscience.

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