Chapitre 19 / 02 : La Tour Infernale

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     Mes rêves étaient plus apaisés. Les cheveux de Syvanna dansaient au vent, me chatouillant le front et le bout du nez. Ses yeux pénétraient en moi pour me voler mon cœur. Puis elle pleura, découvrant cet organe meurtri, flottant dans une mare de larme. Dedans se baignait Fab, riant, éclaboussant mon cœur. Lentement Syvanna entra dans l’eau de tristesse pour jouer avec mon ami. Soudain elle fut dépassée dans une grande gerbe par tous ses compagnons ; Fred, Vanessa, Karl, et les autres dont le visage me paraissait plus flou. Ils se regroupèrent en cercle autour du cœur, se tenant la main. Fab s’extirpa de la ronde pour se hisser et s’assoir sur l’organe vital comme sur une bouée flottant au centre d’une piscine. Il ne lui manquait plus que le cocktail à boire à la paille et les lunettes de soleil. Il me salua et tapota mon cœur amicalement.

Le cliquetis du déverrouillage de la porte suivi de la rotation de la clenche me réveilla. Marina se posta en protection devant ma litière. Un géant barbu au crâne rasé exagérément musculeux, accompagné de Irine, le démon blond entrèrent. La différence de gabarit était telle que Irine semblait être la poupée, le jouet du géant. Le frisson, la peur parcoururent mon corps quand nos regards se croisèrent à nouveau. Paradoxalement la carrure imposante de l’homme à la Dave Bautista* m’effrayait moins que ces yeux perçants tel un Marcheur Blanc**. Comment les yeux si semblables des jumelles pouvaient-ils exprimer une telle différence de sentiments.

« Alors ça y est, la belle au bois dormant est de retour parmi nous, persiffla Irine au contact de sa sœur.

Le garde du corps d’Irine repoussa Marina sur le côté. La jeune femme aux cheveux oxygénées s’accroupit à mon chevet.

« Comment va-t-on aujourd’hui mon jeune ami ?

Elle s’exprimait à mon égard comme si elle avait vingt ans de plus que moi, alors qu’à y regarder de plus près elle avait un visage d’enfant, si blanc, si lisse. La comparaison avec une poupée de porcelaine était parfaite. Ses poupées du XIXème siècle que ma grand-mère collectionnait et qui me terrifiaient la nuit.

« Bien mieux que mon ami Fabrice, dis-je sur un ton outrancier qui me surprit.

— Oh oui, ton ami. Un malheureux dommage collatéral. Toutes mes condoléances !

— Ah oui ? Et la tête de Kylian est tombée malencontreusement sous une lame tranchante. Et mon épaule transpercée sous une pluie de balles collatérales.

— Pour toi mon cher, estime toi heureux d’être tombé sous le tir de notre tireur d’élite. On te voulait vivant. Et c’est grâce à moi !

— Je devrais te remercier ?

— Oui, je pense. Mais trêve d’amabilité, lors de notre première rencontre à la mairie, je t’ai trouvé très mignon…

— Va chier !

— Non je rigole ! c’est vrai que tu es mignon, mais tu as l’air d’un puceau à sa maman. Non pour être sérieux, j’ai trouvé vos conversations très intéressantes et que cela pourrait titiller la curiosité de Monsieur Nemours. Comme tu avais l’air d’être le chef et le plus intelligent, j’ai décidé de d’épargner.

— T’es complètement conne ma pauv’fille !

— Merde alors ! j’arrête pas de te faire des compliments ; mignon, intelligent, et tu me chies dessus !

— Tu t’es fait bernée ! Je ne sais r…

— Ola, ola ! intervint Marina.

— Qu’est ce que t’as, toi ? Cracha sa sœur.

— Pendant ses phases de conscience, il ma révélé plein de trucs de ouf. Il en connait un paquet sur les origines du chaos.

— Mais ta gueule ! c’est n’importe quoi ! criais-je.

— Tait-toi Micaël ! c’est pour ton bien que je te dis ça ! insista Marina me lançant un regard adjurant.

Irine se tapa les genoux et se releva.

« Ok, ok ! Robert, relève-le. On l’amène à A.H.

— Non, non, attends Irine ! je t’en supplie, laisse-lui encore une journée de repos. Il n’est pas en état de se déplacer. En plus de sa blessure par balle, il est très anémié et déshydraté.

— Il m’avait l’air bien nourri et hydraté quand je l’ai vu la première fois.

— S’il te plait ! Il sera plus précis dans ses explications et plus intéressant pour A.H. s’il est plus reposé.

Irine renifla.

— Tu ne voudrais pas décevoir A.H. ? Appuya Marina.

— D’accord ! demain à la même heure. Et je te préviens, faudra pas pleurnicher. Je le trainerais dans la grande salle quoi qu’il arrive !

Irine fit un geste du pouce vers la porte à l’attention de Robert lui intimant de sortir. Elle le suivit sans une autre parole. La porte renforcée claqua libérant un souffle de soulagement de Marina. J’étais hors de moi.

« Putain mais qu’est ce que tu as dit ? Je ne sais rien du tout !

— Doucement, parle plus bas.

— J’ai dit au militaire au téléphone que je savais des choses pour l’amadouer, pour qu’ils acceptent de nous recevoir.

— Je le sais tout ça. Mais je viens de te sauver la vie. Si tu avais dit que tu ne savais rien, quel sort t’aurait-il réservé à ton avis ? Et puis, même à moi, tu n’aurais pas dû le dire. Après tout, je suis peut-être une espionne infiltrée dans cette cellule pour te tirer les vers du nez. Pour survivre, tu dois utiliser toutes les cartes que tu as en mains, même su c’est du bluff. Tu ne dois pas être bon au poker. On lit en toi comme dans un livre ouvert.

Je voulus répondre mais elle avait raison, je n’avais plus rien à objecter. Un long silence s’installa et je pivotai la tête vers l’immensité, contemplant l’horizon de l’Ile de France. Je m’aperçus que je n’avais pas encore pu observer le cœur de Paris. Je me redressai plus lentement que la dernière fois, craignant le coup de foudre de la douleur. Je m’assis et recula légèrement sur mes fesses jusqu’au pylône de béton derrière moi pour m’y adosser. Je respirai un grand coup.

« C’est le moment ! amène-moi au bord pour que je vois l’ampleur de la catastrophe.

— Tu es sûr ?

— Oui, il faut bien que je voie de quoi il en retourne pour que je puisse imaginer un mensonge crédible à sortir au fils prodigue d’Hitler.

— T’as pas tort.

Marine se baissa, passa son bras sous l’aisselle de mon bras droit et me tracta vers le haut. Je fis le maximum avec mes capacités physiques actuelle pour l’aider à me relever. J’étais debout. Mon corps semblait pesé une tonne. Avait-on augmenté la gravité ? Mes jambes flageolaient. Mes os semblaient être composés de coton, alors que mes muscles de béton. Je passai mon bras sain autour du coup de Marina et pris appui de ma main sur son épaule. Elle me stabilisa en enroulant son bras autour de ma taille. Puis nous nous trainions péniblement jusqu’à l’abime. Mes pieds glissaient lamentablement sur le sol, plus qu’ils ne se levaient, entrainant avec eux des petits morceaux de gravât concasser, laissant deux trainées parallèles sur le carrelage poussiéreux. Le courant d’air ne facilitait pas notre progression. L’afflux d’air puissant me fit suffoquer. Le vent brouilla ma vision.

Nous étions sur le bord du promontoire fragile. Je plissais les yeux pour recalibrer correctement ma vue. Le fond. Le profond. Le vertige me prit, mais je restai sur mes appuis, bouche bée.

Et je découvris le spectacle du chaos, le puzzle de l’extraordinaire destruction.

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* Célèbre catcheur américain

** Personnage dans la série Game Of Thrones

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