Chapitre 18 : La mort au tournant

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  Mes tympans agressés m’assenaient des larsens aigus au cerveau. Mes yeux inondés de larmes incontrôlés rendaient ma vision flou. Je ne pouvais plus que me concentrer sur les semelles de Fab qui me précédait. Le frottement de mon jean imbibé d’urine glacée commençait à m’irriter l’entre-jambe. Mes muscles se rigidifiaient au fur et mesure de notre fuite, ils devenaient douloureux. Ma mâchoire se serrait et se crispait toujours un peu plus à chaque déflagration. J’avais la sensation de me broyer les molaires, de me mordre l’intérieur des joues au sang. Le gout de l’hémoglobine et de l’acier dans ma gorge bouleversa mon transit intestinal. Je crois que je vomis à cet instant… Je ne sais pas… En tout cas, j’eu l’impression d’avoir reçu une tarte à la crème en plein visage. Larmes, vomissures, sueur, urine, je devenais un être liquide et dégoulinant de frayeur.

Je suivais tel un robot, comme hypnotisé, le rythme de course de mon ami tel la saccade régulière de la tête suivant un bon beat de rap en concert. Soudain, il y eu une fausse note, le sillon du vinyle était rayé et la musique de la course sauta. La pointe de chaussure droite de mon ami frotta mollement le sol, ses mollets se dérobèrent comme pris de crampes, ses genoux percutèrent durement la terre. Tout son corps s’écroula d’emblée comme si on avait coupé l’électricité. Surpris et emporté par mon élan je vins m’encastré et m’effondrer sur le dos de Fab.

— Putain Fab ! c’est pas le moment de se casser la gueule, relève-toi merde !

Je tirai le sweat de Fab au niveau des épaules pour l’aider à se relever, mais aucune réaction de Fab n’accompagnait mon mouvement. Autant porter un sac de patates. J’eu l’impression de soulever un poids… Mort… Ce contre-coup me fis reperdre l’équipe et je m’affalais à nouveau dans la poussière, mon visage cognant celui de Fab. Joue contre joue, je baignai dans une mélasse chaude et abondante. Elle recouvrit mon visage et pénétra mes orifices ; mes yeux se teintèrent de rouge, mon oreille droite se boucha de liquide gluant, et la cascade de sang dans ma bouche m’étouffa. Cela provenait d’un minuscule geyser d’hémoglobine jaillissant de la carotide de mon pote. Son œil visible, à la pupille immobile, était vide… Sans vie.

Le soldat de tête marqua une pose devant la porte d’un sas camouflé par de grand pans de béton ferraillés comme des dents pointues protégeant un palais.

— On y est ! baissez-vous, je vais ouvrir !

Vanessa et Fred bouchonnaient derrière l’éclaireur. Vanessa avait littéralement son nez dans le séant du militaire. Dans l’attente stressante, les deux compagnons se tournèrent pour voir arriver Fab et Mic. Ils découvrirent leur deux amis au sol à une vingtaine de mettre de distance. Une scène tragique se déroula devant leur yeux ; moi, recouvert de rouge luisant, baptisé par le sang de Fab de la tête aux genoux, tirant le corps inerte par le col en hurlant de toutes mes tripes. Ils répondirent à mon hurlement par d’autres mugissement comme des loups qui se répondent.

— Faaaaaaaaaaaaab !!

— Faaaab !

— Miiiiiiiiiiiiiiiiiiiiic !

Les sentiments mêlés de douleur, de tristesse, d’incompréhension, froide comme une lame de couteau, nous submergèrent comme un tsunami.

Les balles percutaient tout autour de moi dans une indifférence totale. Je commençais à distinguer les appels de Vanessa au loin devant moi.

— Miiiiiiiiiiic ! grouille toi ! ramène tes fesses ici !

Le soldat de queue associa le geste à la parole en me tapotant l’épaule avec la pointe brulante de son fusil. Mon regard perdu et désespéré pivotait hagard entre Fab, le militaire pressant et mes amis là-bas.

— Mais… Mais il faut aider mon ami !

— Putain de merde ! il est mort ton pote ! Bouge !

— Non, non, c’est pas possible ! Il doit y avoir encore moyen de…

— Et merde ! si tu ne bouges pas ton cul, je te laisse ici !

J’étais dans un état de tel de sidération que je me statufiais.

— Non… Je ne peux pas…

Le soldat cracha par-dessus son épaule et ne chercha pas à me forcer au mouvement.

— Va te faire foutre ! Moi je me casse !

Il m’enjamba et se précipita vers mes amis. Je fixais la scène comme si mon corps n’était plus là, tel un spectateur devant un blockbuster sur sa télévision 4K.

L’éclaireur avait ouvert la porte du sas. Cinq autres soldats sortir et arrosèrent les assaillants pour couvrir les nouveaux venus. Quand Vanessa s’aperçut que le soldat de queue m’avait laissé à mon triste sort, elle essaya de se précipiter pour me venir en aide. Elle fut retenue par le militaire qui m’avait abandonné. Elle hurlait de plus bel, mais je ne l’entendais plus. Le premier fantassin tira Fred à l’intérieur de ce qui devait être l’entrée d’un bunker. L’autre de nos guides demanda de l’aide à deux de ses camarades pour pouvoir trainer la furie Vanessa dans l’antre sécurisée. Elle s’agrippa au montant circulaire du sas.

Je devinais danser sur ses lèvres : « Je t’en supplies, vient Mic ! »

Enfin, mon corps réagit. Une information réussit à communiquer entre mon cerveau et ma jambe droite. Elle se redressa et avec un effort incommensurable, je me retrouvais debout. J’engagea quelques pas vers Vanessa butant contre le torse de Fab ce qui me paralysa à nouveau.

Soudain, mon cœur se souleva. Mon épaule brula, explosa et implosa me glaçant d’un trait le cerveau. Pourtant à regarder de plus près mon épaule était toujours intacte sauf son enveloppe transpercé de part en part marqué par une trace rouge imbibant mon sweat. Tout mon bras se sclérosa. Il pendait. Je n’avais plus aucun contrôle dessus. Tout le peu d’énergie qu’il me restait avait été aspiré instantanément. Ma vision se brouillait. Je sentais le vide sous mes pieds. Je défaillais. Mon corps m’échappait. Le seul son que je perçus, fut le déchirement de Vanessa.

Après de fortes tractions des trois militaires, son amie fut enfin aspirée dans les sous-sol de cette mer de désolation. La pression des assaillants était maintenant insoutenable. Les militaires venus en couverture se replièrent et après le claquement de la porte blindée du sas ils disparurent dans les entrailles de l’hexagone. Après la fermeture, un canon mitrailleur gros calibre automatique surgit des gravats pivotant et contrôlé à distance, arrosa la zone pour repousser les assaillants.

Ce fut la dernière chose que je pus distinguer.

Le noir, le néant m’envahirent.

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