Prologue : Dix ans auparavant

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Hik Hik ...

Je ne peux pas retenir les hoquets causés par mes pleurs, j'ai mal, terriblement mal. Je n'arrive pas à respirer dans ces vestiaires étroits et humides, mon ventre me fait atrocement mal malgré mes pitoyables efforts pour contenir la douleur de mon flanc en appuyant dessus de ma main valide. Les larmes coulent le long de ma peau froide, mais je ne les sens presque plus.

Marqué par les coups reçus, mon corps me fait atrocement mal. Seule mon visage a été épargné par pure précaution, ils veulent que je le cache, que personne de l'extérieur ne le découvre. Ils le savent pourtant, je ne dirai jamais rien. Jamais je ne pourrais avouer ce qu'ils me font et puis à qui ? À qui pourrais-je me confier ? Je me sens si misérable.

Faites que personne ne me voit comme ça, par pitié...

Le fait que mes deux grands-frères me haïssent n'a jamais été un secret pour moi et encore moins depuis que nos parents les ont inscrit à la boxe. C'est à partir de là que tout a véritablement commencé. La boule au ventre, j'avais tellement peur à chaque fois qu'ils me prenaient en chasse pour se servir de moi comme d'un punching-ball, mais je tenais bon, après tout, je ne suis qu'une faible. Ils me le font comprendre aujourd'hui encore. C'est un jeu pour eux, s'amusant de me voir fuir, de me faire pleurer. Ils jouent au chat et à la souris avec moi !

Papa rentre toujours très tard de son travail, car il est chef d'une petite entreprise en pleine croissance et donc je ne le vois pas souvent et de moins en moins. Et il ne sait rien de ce qu'il se passe sous son propre toit, il ne l'a jamais su car son travailles passe toujours en premier lieu. Une fois j'ai essayé de le dire à maman. Ce jour-là, j'étais tombée dans les pommes après m'être fait tabassée et quand je me suis réveillée à l'hôpital, ma mère expliquait au médecin comment j'étais tombée dans les escaliers. J'ai alors compris que maman préférerai se voiler la face qu'accepter que sa famille n'en est une que sur papier. Elle voulait croire en ses fils, sa seule fierté puisqu'ils ramenaient de bonnes notes à la maison, tous les profs le disaient :

<< Ce sont des élèves exemplaires, sages, studieux, calmes, ... Dommage que votre fille ne prenne pas exemple sur eux, qu'elle ne soit pas plus attentive en cours au lieu de rester toujours en retraite. Si elle ne comprend pas, elle devrait plutôt poser des questions en classe et en cas de problème, quel qu'il soit, venir en parler à un professeur. >> Si seulement la vie se déroulait ainsi...

Mais aujourd'hui je suis à bout, je n'en peux plus, je ne sais pas me défendre, je suis faible, timide, renfermée et ça, mes camarades de classe l'ont bien enregistré.

Un jour, lorsque je suis entrée en troisième primaire, j'ai vu mes grands-frères rire avec les garçons de ma classe pour ensuite me lancer des regarde moqueurs. C'est ce qui a déclenché mon cauchemar à m'école également alors qu'avant ça, j'étais seulement la fille invisible, celle un peu bizarre, toujours avec ses pulls rose et mauve à qui l'on ne voulait pas parler. La situation est devenu incontrôlable, je ne cesse de pleurer malgré le fait que personne n'aiment les pleurnicheuses, c'est pourtant la seule chose que je sais faire. Je ne supporte plus leurs moqueries, leur mépris, leurs regards et leurs coups à eux non plus. Je me sens comme une bête de foire encerclée, punie pour une faute que j'aurai commise sans m'en rendre compte. Mais que leurs ai-je fait ?!

D'humiliations en humiliations, je me bats tous les jours pour continuer à encaisser. Chaque jours un peu plus alors que tout ce que je veux c'est m'enfuir. Qu'on me laisse tranquille... Par pitié... Je vous en supplie... Que tout s'arrête... Je n'en peux plus...

Sans que je ne puisse la retenir, une autre larme roule le long de ma joue et je l'essuie mollement à l'aide de ma main valide. Mon poignet gauche me fait trop souffrir. Est-elle cassée ? Je ne peux pas rester ici, il faut que je rentre, maman va encore me hurler dessus et me punir, il est déjà 22h30. Cependant, lorsque j'essaie de me relever, mes muscles me lâchent et je retombe au sol. J'ai peur.

Mais pourquoi ?!

Pourquoi prennent-ils autant de plaisir à me voir souffrir, à me voir pleurer ou à me voir gémir de douleur ? Mon cœur se serre à cette pensée et le froid commence à m'envahir, je tente de bouger mes doigts mais abandonne dans un gémissement de douleur. Il fait si froid. J'ai peur.

J'aimerais tellement que quelqu'un vienne m'ouvrir la porte, j'ai cessé de hurler dès que j'ai compris qu'il est trop tard pour que quelqu'un m'entende. Ma gorge me brûle et les picotements de mon nez reviennent de plus belles. Ce harcèlement dure depuis deux ans, mais jamais je n'ai compris pourquoi c'est moi qu'ils ont choisi pour victime ; pourquoi ils se sont alliés avec mes frères, pourquoi on me hait à ce point. Ce que je sais, c'est que c'est horrible, mon corps me fait mal et mon cœur aussi souffre, il saigne. C'est douloureux de se sentir rejeté, insulté sans cesse, poussé, bousculé, menacé. Ma douleur ne peut pas être comprise, ni par maman qui soutient aveuglement mes grands-frères et pour qui elle ferait n'importer quoi, ni par papa qui est constamment au bureau et qui ne voit rien. Je me sens terriblement seul. Si seule... J'ai peur.

De l'autre côté de la porte, un bruit métallique résonne dans le couloir. Une clef tourne dans la serrure et la vieille porte du gymnase s'ouvre avec un grincement sinistre. Madame Constance, la nouvelle professeure de gymnastique passe le seuil de la porte, allume la lumière grâce à l'interrupteur qui se trouve à l'extérieur de la salle et me fait une scène dès qu'elle remarque ma silhouette recroquevillée à travers la porte ouverte du vestiaire.

− Encore toi ?! Mais t'en as pas marre de te foutre du monde ? Tu n'as que ça à faire que de te cacher à l'école ?!

− Ma... Madame..., dis-je d'une voix rendue rauque par les litres de larmes versées.

− Il n'y a pas de "mais" c'est déjà la troisième fois cette semaine ! Ça devient de plus en plus fréquent chez toi cette manie de te croire au-dessus des règles de l'établissement et je ne vois d'ailleurs pas ce qu'il y a d'amusant là-dedans !

Moi non plus, et ça me brise encore plus.

− Madame...

− Je ne veux rien savoir. Maintenant, rentre chez toi ! Nous en reparlerons demain avec le directeur puisque ta dernière convocation ne t'a pas remis les idées en place.

Je baisse la tête, écrasée par le poids de la lassitude. Je me lève sans dire un mot en essayant d'ignorer tant bien que mal les plaintes de mon corps. Je sais qu'elle s'en fiche royalement de mes blessures, à quoi bon se plaindre dans ce cas. J'en ai marre de me plaindre intérieurement, de tout supporter sans dire un mot, mais je n'ai pas le choix.

Sur le chemin du retour, je remarque une affiche collée sur un poteau que j'ai failli me prendre en pleine face puisque je n'ai cessé de marcher tête baissé. C'est l'affiche du nouveau club de combat qui vient de s'installer dans la ville, ils proposent pour ceux qui le veulent, des premiers cours gratuits de self défense...

Une sensation nouvelle nait dans ma poitrine. Je n'ose y croire. Se pourrait-il ?

OUI, C'EST ÇA ! C'est ce qu'il me faut !

Mon cœur fait un bon dans ma poitrine et cette révélation me semble être la plus belle chose qui me soit arrivé depuis longtemps. Une nouvelle vague de larme dévale mes joues, mais celles-ci sont différentes de toutes celles que j'ai versées dans ma vie. Ce sont des larmes de colère et de joie mêlées qui soulage d'un coup le poids que je porte sur mes épaules. Je me sens subitement bien mieux, c'est comme recommencer à respirer après être restée trop longtemps en apnée.

Si je veux que tout cela cesse, il faut que j'apprenne à me défendre. Il faut que je devienne plus forte qu'eux !

Mon cœur s'emballe, il bat de plus en plus vite. Si je réussis à devenir plus forte, ils ne pourront plus rien contre moi, plus personne n'osera me faire du mal.

J'arrache l'affiche pour l'emporter avec moi, plus rien d'autre n'a d'importance à présent. Ni la douleur de mes blessures qui me font souffrir à chaque pas, ni la colère de maman, ni même les moqueries de mes frères lorsqu'ils verront les blessures. Plus rien de tout ça n'a d'importance, car j'ai pris ma décision. Je vais apprendre à me battre, ils verront alors qui est vraiment Éloïse Malli !

Je pourrai avancer sans craindre personne...Plus jamais

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