Commentaire
On se demande bien qui est cette Pudica, un personnage désormais récurrent...
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C'est toujours compliqué, une fois la rigor mortis plus raide que jamais, et la page à jamais marquée au fer noir, de procéder à l'examen du poème post mortem et — puisque c'est notre auteur lui-même qui se prête à l'exercice — à l'autopsie d'un de ses enfants morts.
Chacun de mes poèmes est tout à la fois le cadavre et son épitaphe. Mais je n'ose guère profaner la tombe ; car tout est inscrit dans le marbre, désormais. La mort, ça n'est pas l'affaire des hommes vivants. Ce ne sont pas nos propres forces qui la vainquent. On a beau secouer les membres éteints, le réanimateur n'est bon qu'à créer le monstre dissemblable et je veux la vérité.
Je n'ai donc qu'un épitaphe seul pour ressusciter mes poèmes — ou plutôt, le souvenir de mes poèmes. Par exemple, si je me promène dans mon cimetière, et que je tombe sur
La nudité s'empare humblement de mon corps
je me demande ce qu'à pu être la vie de ce poème : avant toute chose, sa conception ; puis ses parents, ses frères et soeurs et son entourage ; ses goûts, ses mouvements, ses passions ; ses traits, son déhanché, sa bouche ; son enfance, sa maturité, et l'heure de sa mort.
J'invite mes pensées à la cérémonie, dans l'espoir que l'éloge funèbre suscite, en son temps, des émules exemplaires. Il est clair que la mort a touché chaque branche de ma poésie, et elle touchera fatalement celles à venir. Mais elle ne touchera jamais à la tradition, répétée, répétée, proclamée.
Et pour l'entendre, il faut arrêter de lire.
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