CHAPITRE 3

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“Tu n’aurais pas dû appeler à l’aide, petite écervelée… Tu viens de faire une grosse bêtise...” siffla Sang-Peur en appuyant plus fort sur le tête de la jeune fille.

Clouée au lit, Bréanne se débattit, tenta de donner des coups de pieds, des coups de poing, en vain : le dragon était trop fort et elle, trop faible.

“Comme tu as été naïve, mon trésor ! ”

La princesse renonça à se battre et ferma les paupières. Les images du petit dragon lui revinrent en mémoire. L’oeuf, d’abord, puis l’éclosion brutale. La violence de sa naissance aurait dû lui mettre la puce à l’oreille sur le danger qui se tramait. Mais elle avait fondu devant le mignon dragonneau, qui portait un bout de coquille sur la tête comme un petit poussin qui vient de naître… Les souvenirs affluèrent encore, par vagues… ses yeux humides et fidèles comme ceux d’un chien, sa petite voix perchée, ses pattes jointes comme à la prière lorsqu’elle avait évoqué de le présenter à ses parents, les déguisements dont elle l’avait affublé lorsqu’il se prêtait encore à ses jeux de petite fille, sans rechigner.

Bréanne s’était laissée endormir pendant tout ce temps, à coup de jolies histoires, de parties de rigolades, de fausse complicité. Tout ça, c’était une stratégie pour l’embobiner et l’affaiblir sans qu’elle s’en rende compte. Sang Peur avait joué la comédie tout du long et voilà qu’il montrait son vrai visage. Elle qui pensait avoir dressé ce monstre… C’était tout le contraire ! Elle avait accueilli le traître dans sa maison, elle avait nourri son bourreau !

Maintenant, il était trop tard pour revenir en arrière… Elle étouffa un sanglot et se demanda si elle allait mourir, là, dans ce lit, loin de ceux qu’elle aime.

Elle pria le petit Jésus de lui venir en aide, comme sa mère lui avait appris. A l’évocation de sa maman, un torrent de larmes inonda l’oreiller...

Soudain, la porte s’ouvrit sur le Roi, figé dans l’encadrement, les yeux écarquillés et les bras ballants, tandis que son épouse, en retrait, s’évanouit et s’affala sur le sol.

“Un dra-dra, un dra-dra...” bredouilla le Roi en posant la main sur sa couronne, comme pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.

Le Roi était un petit homme au ventre rebondi, mais il ne manquait pas de courage. Il se rua vers le dragon, les poings en avant et la bave aux lèvres, mais un jet de flammes frappa le sol juste devant ses pieds, le stoppant dans son élan.

“Encore un pas et je vous grille comme une saucisse !” gronda le dragon.

“Libère ma fille immédiatement !” insista le Roi avec fermeté, avant d’ajouter, à l’adresse de sa fille :

“Ne t’inquiète pas, je vais te sauver, ma princesse !”. Le Roi appelait sa fille ainsi, parce qu’il l’aimait beaucoup et qu’il manquait un peu d’imagination.

“J’ai peur, père !” souffla Bréanne, entre deux sanglots.

“Oh, comme c’est touchant, j’en ai les larmes aux yeux ! “intervint le dragon d’une voix fondante, avant de reprendre en ricanant “Elle est à moi ! Partez d’ici et que je ne vous revoie plus !”

Le Roi comprit qu’il n’était pas de taille à affronter le monstre. Il aida son épouse à se relever et repartit en brandissant le poing en guise de menace bien dérisoire.

Le lendemain, une trompette résonna dans le jardin du château. Sang Peur mit le museau à la fenêtre et observa au-dehors, tandis que Bréanne demeurait allongée sur le lit, immobile. Au milieu d’un parterre de fleurs se dressait un chevalier en armure. L’homme souleva son heaume et hurla en direction du dragon en haut de la tour :

“Je te défie en combat singulier, créature maléfique !”

Le Roi sortit de derrière un buisson, la trompette à la main, et annonça à son tour :

“Tu croyais que j’allais renoncer, misérable vermine ? J’ai fait appel au meilleur chevalier de la contrée, tu n’as aucune chance ! Il a plusieurs dragons à son actif !“

“Après tout, ça me fera un peu d’exercice, je m’empâte un peu ici ”, gloussa Sang Peur.

Il s’assura que la porte était bien fermée à clé puis s’envola par la fenêtre non sans quelques contorsions. Après quelques battements d’ailes, il survola le chevalier en tournoyant, tel un oiseau de proie, puis, dans un silence de mort, fondit vers lui en crachant des flammes rouges. Dans un réflexe de survie, le chevalier brandit son bouclier qui se liquéfia sur-le-champ comme du fromage au soleil, laissant le pauvre homme ahuri au milieu des fleurs grillées.

Sang-Peur se posa avec souplesse à quelques mètres du chevalier qui ne se démonta pas. Il avait reçu une mission du roi, il allait l’accomplir ! Il saisit son épée à deux mains, courut vers le dragon avec un bruit de casseroles et planta son épée dans le ventre de la bête.

Clong ! L’épée se plia en deux, le chevalier s’écroula, le nez dans le gazon.

Sang Peur se tordit de rire :

“Arrête, tu me chatouilles !”

“Tu… tu n’es pas un dragon comme les autres !” cria le chevalier, avant de s’enfuir en courant dans les bois, sous les regards hébétés du Roi et de la Reine.

“Merci, mon Roi, pour ce moment de détente, se moqua Sang Peur. Je retourne voir votre fille, elle a besoin de moi.”

Le Roi égrena une volée de jurons qui se perdirent dans le vent. Il n’avait pas dit son dernier mot. Jamais il n’abandonnerait sa fille.

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