Pourquoi il n’y a pas d’anciennes synagogues en France

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Il y a 500 ans

Pourquoi il n’y a pas d’anciennes synagogues en France

Une absence raconte aussi une histoire

La plus vieille église de France serait Saint-Pierre-aux-Nonnains, à Metz, construite à la toute fin du 4e. Elle fut suivie par bien d’autres. Les premiers temples protestants datent de la réforme, au 16e siècle, comme le temple Saint-Martin à Montbéliard. Cependant, il faut attendre la fin du 18e siècle pour voir construire la plus vieille synagogue de France, alors que la religion juive est bien antérieure à la religion chrétienne. C’est à partir de ce constat d’absence que l’on peut s’interroger sur l’histoire ancienne des juifs en France.

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En France, nous sommes fiers de l’émancipation des juifs dès le début de la Révolution. Si le 13 novembre 1791, Louis XVI ratifie la loi déclarant les juifs citoyens français, on occulte souvent que cette loi s’appliquait aux juifs alsaciens, espagnols, portugais et avignonnais uniquement. En effet, le reste de la France était complètement vide de juifs depuis bien longtemps, à cause des expulsions répétées de nos bons rois de France. Hormis l’Alsace qui dépendait du Saint-Empire romain germanique et des anciens territoires papaux autour d’Avignon, aucune synagogue ancienne ne peut se voir sur le territoire français. Dans ces régions, la plus ancienne synagogue est celle de Carpentras, dans le Comtat venaissin, avec des murs datant du 14e siècle. Ailleurs, les plus anciennes sont celles de Phalsbourg, 1772, reconstruite en 1857, Lunéville, 1786, et de Nancy, 1788, donc un peu avant la loi de 1791, par exception royale. C’étaient les premières synagogues reconstruites dans le Royaume depuis l’expulsion de 1394.

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Si les juifs sont arrivés en France avec les Romains, ils se sont installés surtout dans l’Est. Très tôt, des mesures contre ces populations sont prises. Le premier millénaire voit deux expulsions. La première en 533 par Childebert 1er, fils de Clovis, parce que les juifs refusaient de se convertir au christianisme, alors que les mariages mixtes avec des juifs étaient déjà interdits sous peine d’excommunication pour les chrétiens et de mort pour les juifs. La deuxième date de 633, par Dagobert, qui faute d’avoir pu convaincre les juifs de la rue de la Cité à Paris de se convertir, finit par les expulser.

Suit une période calme jusqu’au 11e siècle. Ces communautés sont plutôt bien intégrées et ce 11e siècle verra briller la communauté de Troyes, avec Rachi, qui devient la référence ashkénaze après que les Croisés ont détruit la communauté de Mayence.

L’expulsion de juillet 1182 par Philippe-Auguste, avec confiscation de leurs biens, est surtout une opération brutale pour ne pas avoir à rembourser ses créanciers.

Au passage, une synagogue très ancienne rue de la Juiverie (aujourd’hui rue de la Cité) devint l’église Sainte-Marie-Madeleine de la Cité (elle a été vendue en 1793 puis détruite ensuite).

En 1294, Philippe-le-Bel rend un édit d’expulsion définitif pour la poignée de juifs encore présents. Les bébés juifs sont enlevés pour être convertis de force. Le roi donne quarante-cinq jours aux juifs pour quitter les lieux, après avoir vendu leurs biens. Les Lombards, autre peuple de banquiers, feront, eux, l’objet de ponctions très rudes en 1291 et 1311. Les fils de Philippe-le-Bel poursuivront ces prélèvements en 1320 et 1330, affaiblissant fortement la banque lombarde qui ne se relèvera pas de la peste de 1348.

Il n’y a plus de juif dans le Royaume de France. Mais il est encore nécessaire de les expulser, comme en 1615, alors que le seul juif connu est le médecin à la cour de Marie de Médicis. Les juifs reviendront en France à partir de l’Alsace et de la Lorraine, après leur rattachement en 1648 par le traité de Westphalie. Il sera quand même encore procédé à l’expulsion des juifs des Antilles, en 1683 et 1724, par Louis XIV et Louis XV.

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Sur la période allant jusqu’à 1791, ce seront douze mesures d’expulsions qui auront été prises en France, ce qui place ce pays au premier rang d’un palmarès douteux.

Quand on regarde le reste de l’Europe, les synagogues médiévales encore existantes se comptent sur les doigts d’une main : en Espagne (Cordoue et Tolède), en Allemagne (Worms), en Hongrie (Sopron) et en République tchèque (Prague), témoignant ainsi de l’histoire faite aux communautés juives en Europe.

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