Pourquoi tous les immeubles ont la même hauteur à Paris

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Il y a 400 ans

Pourquoi tous les immeubles ont la même hauteur à Paris

Un souci permanent d’urbanisme à Paris

Du haut du cinquante-troisième étage de la tour Montparnasse, située à peu près sur l’ancienne limite de Paris, le mur des Fermiers généraux, le spectacle est saisissant. Si au sud les immeubles apparaissent dans un désordre apparent, avec des hauteurs différentes, au nord s’étend le velum, cette surface uniforme des toits avec les églises et autres monuments surgissant comme des iles au milieu de cette mer grise. Cette uniformité n’a pu être atteinte que par l’édiction et le respect de règles très strictes depuis des temps anciens.

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La plus vieille maison du Paris d’aujourd’hui a été construite en 1407 par Nicolas Flamel, le fameux alchimiste, et son épouse Pernelle (au 51 de l’actuelle rue de Montmorency). Tous les immeubles résidentiels actuels de Paris sont donc postérieurs à cette date.

Si la construction des maisons à pan de bois est interdite par Catherine de Médicis dès 1560, il en reste assez dans les villes pour que, en 1607, Henri IV promulgue un édit obligeant les enduits sur ce type de maisons, pour diminuer les risques de propagation des incendies. Toujours dans le même souci, les saillies et les surplombs sont interdits. Si ce sont les premiers règlements d’urbanisme, il faut attendre une ordonnance en 1667 pour avoir une règle qui fixe la hauteur maximale des immeubles. Cette hauteur limite est de 8 toises, soit 15,6 mètres, et elle ne variera guère par la suite. À la fin du 18e siècle (1783 et 1784), cette hauteur sera déclinée en fonction de la largeur de la rue. Ces textes réglementent aussi la hauteur des combles, qui n’était pas traitée par l’ordonnance de 1667, qui laissait la possibilité de construire des étages supérieurs peu esthétiques et dangereux. Les combles doivent désormais s’inscrire en dessous d’une diagonale à quarante-cinq degrés partant de l’égout du toit, avec une hauteur maximale. Cette règle du retrait des combles avec cet angle allège fortement le resserrement des étages supérieurs en ouvrant les rues sur le ciel.

Au milieu du 19e siècle, la ville de Paris connait une importante croissance démographique. Sa population double en cinquante ans pour dépasser le million d’habitants. Le préfet du département de la Seine, Haussmann, sous l’égide de Napoléon III, lance les grands percements de Paris. Un règlement de 1859 complète ceux de 1783-1784 pour les nouvelles voies de grande largeur que l’on est en train de percer dans Paris. Dans les rues de plus de vingt mètres de largeur, les façades peuvent désormais atteindre vingt mètres de hauteur. Les combles restent limités par une diagonale à quarante-cinq degrés, mais peuvent être construits en retrait sur les voies de grande largeur. Il fixa la hauteur des étages à deux mètres soixante, pour des raisons d’hygiène. Il recommande également l’utilisation de la pierre de taille pour les façades et l’alignement des balcons d’un même ilot. Ce sont les boulevards haussmanniens, si typiques de Paris et qui seront repris dans beaucoup de grandes villes françaises, voire européennes ou plus lointains.

Les toits sont surélevés avec une charpente à deux pentes, l’une verticale en prolongement de la façade et une quasi horizontale, à la mansarde. Cette technique est moins gourmande en poutres et permet l’aménagement de chambres par le percement de lucarnes. Ce seront les chambres de bonnes, puis des étudiants, des artistes et maintenant des bobos. Cette toiture est rendue possible par l’utilisation du zinc, en complément de l’ardoise. Le zinc, alors à la pointe du progrès, est simple d’utilisation. Facile à couper, il peut de plus être aisément plié. Il se patine rapidement et dure plus longtemps que les autres matériaux de couverture. Ce métal est recommandé par Haussmann, soucieux de l’uniformité architecturale. L’ardoise ou le plomb, peint en noir, restent les matériaux nobles pour les bâtiments publics.

Un nouveau règlement en 1902 permet aux architectes de donner plus de fantaisie aux toits parisiens. Ils ont pu ajouter des corniches et des combles aux formes les plus diverses au sommet des immeubles, en accord avec les conceptions esthétiques de l’époque et en particulier celles de l’Art nouveau, ce qui nous permet de voir ces magnifiques incrustations dans les façades des rues de Paris.

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Voilà pourquoi la canopée du centre de Paris a cette uniformité et ce charme avec ces gris bleus et ces formes toutes pareilles et toutes différentes. On comprend que cinéastes, photographes ou simplement amoureux des toits de Paris soient fascinés par cette mer qui évolue sous les lumières changeantes de l’Île-de-France.

Et depuis 2015, on attend leur inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.

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