Pourquoi les routes françaises sont bordées de platanes

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Il y a 470 ans

Pourquoi les routes françaises sont bordées de platanes

Le charme des platanes le long des routes est très ancien

Rouler en été sous ces longues enfilades d’arbres est un ravissement, comme est splendide l’ambiance du canal du Midi sous ses platanes (malheureusement victimes d’un champignon microscopique, l’anthracnose, qui fragilise les arbres, obligeant à les abattre). Nous rencontrons ces routes ombragées non seulement dans le Midi, mais un peu partout en France. Ce n’est donc pas un usage local et ces arbres, que l’on devine plus que centenaires, ne sont pas là par hasard. Déjà, en 1895, on estimait à trois millions le nombre des arbres plantés le long de routes nationales.

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L’entretien d’un réseau de communication est un enjeu primordial pour le pouvoir d’État. Si leur numérotation est assez récente, nous pouvons continuer notre approche du réseau routier par les bordures de ces routes, souvent plantées d’arbres magnifiques, notamment des platanes. L’attribution à Napoléon de ces plantations pour faire marcher ces hommes à l’ombre est un peu simplificatrice.

Il semblerait que ce soit la pénurie de bois qui est à l’origine des premières plantations alignements d’arbres au bord des voies. C’est cette préoccupation qui aurait conduit Henri II à ordonner par lettres patentes, en 1552. Il demande « de planter et de faire planter, le long des voiries et des grands chemins publics, en si bonne et si grande quantité, desdits ormes que, avec le temps, notre royaume s’en puisse avoir bien et suffisamment peuplé ». L’objectif est d’assurer la fourniture du royaume en bois de qualité pour les affuts de canons, les bateaux, la construction et, accessoirement, des revenus.

Henri III continua l’œuvre de son père en signant un édit en 1583 ordonnant de planter des ormeaux, noyers et autres arbres en bordure des chemins publics pour protéger l’emprise des chemins contre le grignotage par les cultivateurs riverains. Au demeurant, ceux-ci avaient la charge de l’entretien de la voie bordant leur propriété. Ces plantations, de plus, délimitaient espace privé et espace public tout en stabilisant la chaussée.

Sully encouragea aussi ces plantations, comme Colbert. Par arrêt du 3 mai 1720, Louis XV ordonna de creuser des fossés latéraux pour préserver une largeur de soixante pieds. Il obligea les propriétaires riverains à les entretenir et à planter, une toise (environ deux mètres) plus loin, des ormes, hêtres, châtaigniers et arbres fruitiers. Parfois, ces plantations étaient faites aux frais du Roi, par le seigneur-voyer, avec alors une fleur de lys gravée sur le tronc, quand le propriétaire manquait à ses obligations. Notons qu’en 1774 un édit prévoit une amende de cinquante livres pour ceux qui mettent leur linge à sécher sur des cordes tendues entre ces arbres.

Les arbres des grandes routes, par le décret impérial du 16 décembre 1811, furent donnés aux propriétaires du sol sur lequel ils étaient plantés. L’État devint donc propriétaire des arbres plantés sur le terrain des routes qui dépendaient de lui. La loi du 25 mai 1825 met les plantations à la charge de l’État. Au début du 19e siècle, dans le but de réduire la poussière soulevée par les véhicules, l’État intensifia les plantations d’arbres en bord des routes. Cette nécessité disparut au début du 20e siècle par l’apparition du goudronnage des chaussées.

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Tous ces arbres d’alignements sont aussi victimes de la sécurité routière puisqu’on leur attribue un dixième des morts sur la route. À l’inverse, certains défendent l’arbre, certes un facteur aggravant, mais non une cause directe d’accidents, comme l’alcool, la vitesse ou le comportement des automobilistes. Ils ajoutent qu’une route bordée d’arbres peut même influencer positivement le comportement du conducteur en le forçant à augmenter sa vigilance. C’est l’avis des autorités britanniques, qui commencent même à replanter des arbres au bord de leurs routes.

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