Pourquoi le drapeau français est bleu blanc rouge

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Il y a 230 ans

Pourquoi le drapeau français est bleu blanc rouge

Un drapeau républicain bien royaliste



À la différence des Américains qui plantent leur bannière étoilée dès qu’ils le peuvent, les Français sont moins attachés à leur étendard national. Le regroupement autour de leur drapeau suite aux attentats du 13 novembre 2015 n’a finalement été que faiblement suivi. Quel est ce pavillon tricolore, emblème national de la République française, pavillon officiel de la marine de guerre depuis le 7 février 1794, drapeau officiel des armées depuis 1812, drapeau de la France sans interruption depuis 1830 et qui se décline aussi en une cocarde ? (Rappelons que le drapeau est cloué sur une hampe en bois alors que le pavillon est hissé sur un mât par une drisse.)

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Le site internet de l’Élysée cite les mémoires de Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, dit La Fayette. Selon ce dernier, il « obligea Louis XVI se rendant à l’hôtel de ville de Paris, à porter la cocarde tricolore, le blanc représentant la monarchie, le bleu et le rouge, la ville de Paris, signe de l’alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple ».

L’histoire ne retient pas la même chose. En 1789, une milice bourgeoise (la future Garde nationale) est mise en place par la Ville de Paris. Pour s’identifier, ses membres portent une cocarde aux couleurs de Paris, bleu et rouge. Quand Louis XVI est reçu à l’Hôtel de Ville le 17 juillet 1789 par Bailly et La Fayette, Bailly demandera au Roi d’accepter la cocarde aux couleurs de Paris qui l’accrochera à son chapeau à côté de sa cocarde blanche. Le 31 juillet suivant, La Fayette présente aux représentants de la Commune la cocarde tricolore qui sera arborée ensuite par tous les révolutionnaires. « Je vous apporte, Messieurs, une cocarde qui fera le tour du monde et une institution civique et militaire qui doit triompher des vieilles tactiques de l’Europe. Elle réduira les gouvernements arbitraires à l’alternative d’être battus s’ils ne l’imitent pas et renversés s’ils osent l’imiter. ».

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Parmi toutes les couleurs possibles, ce sont ces trois couleurs qui ont été retenues, alors qu’elles étaient utilisées par les dynasties royales de France. Le rouge était la couleur de l’étendard de soie rouge orangé, l’oriflamme, que les rois de France adoptèrent comme bannière royale du 12e au 15e siècle. Le bleu est la couleur de fond du blason fleur de lissé des rois de France (D’azur semé de fleurs de lys d’or). Le blanc était la couleur de bataille des rois de France depuis le 14e siècle (« Ralliez-vous à mon panache blanc ! »), puis le symbole de la monarchie.

Le bleu a été choisi par la Couronne de France au 12e siècle en prenant un des attributs de la Vierge Marie. Le Royaume avait été placé sous sa protection après la mort accidentelle du fils aîné de Louis VI en 1131, tombé de son cheval à cause d’un cochon qui baguenaudait dans Paris. Il fallait au moins cette référence pour effacer la souillure de la cause de cette mort.

Un peu plus tard, Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, profitant de la captivité du roi Jean le Bon, cherche à imposer au dauphin, futur Charles V, une monarchie contrôlée. Nous sommes en pleine guerre de Cent Ans, en 1357. À titre de symbole, ses partisans portent un chaperon reprenant les deux couleurs de la royauté, le bleu et le rouge. Elles deviendront les couleurs de Paris.

Quand La Fayette, en déférence envers le Roi, ajoute le blanc, il ne fait donc qu’ajouter la troisième couleur royale pour ce qui deviendra le symbole de la République française.

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Retenons cependant l’avertissement du site de l’Élysée : « Le drapeau tricolore n’a pas encore son historien. Son origine reste de ce fait encore largement méconnue, mais cela laisse la place à de multiples récits et anecdotes… ».

En effet, d’une part l’origine des couleurs de Paris est obscure et daterait d’avant Étienne Marcel (le bleu pour Sainte Geneviève et le rouge pour Saint Denis). Ces deux couleurs étaient rarement utilisées pour représenter la ville de Paris, pour laquelle on utilisait beaucoup plus le rouge et le tanné (rouge-marron).

Quant à la cocarde de La Fayette, si sa participation à la construction de la légende nationale est réelle, son récit dans ses mémoires est controversé : il semblerait que plusieurs propositions existaient pour les couleurs de la jeune république et les traces du choix n’ont pas été conservées.

Il n’empêche que depuis plus de mille ans, les trois couleurs de la France demeurent les mêmes, indépendamment des régimes.

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Ces trois couleurs ont aussi eu une vie individuelle après leur réunion sur notre drapeau. À commencer par les affrontements sanglants et terribles entre les Blancs, royalistes se réclamant de la couleur royale, et les Bleus, couleur de l’uniforme des républicains, en Vendée entre 1793 et 1796. Le rouge, évoquant le sang des ouvriers, fut revendiqué et devint la couleur des révolutionnaires socialistes et communistes après la Commune de Paris de 1871, avant de s’étendre aux autres révolutions du monde.

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