Pourquoi les hommes portent-ils des cravates

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Il y a 350 ans

Pourquoi les hommes portent-ils des cravates

La tyrannie de la mode est une vieille histoire

Des écoliers indiens aux businessmen de la City, des centaines de millions d’hommes portent des cravates à travers le monde. Tous les hommes d’affaires et les hommes politiques portent le même uniforme, le costume-cravate. Il faut des traditions fortes ou s’afficher révolutionnaire pour ne pas s’afficher dans cette tenue. En contrepartie, la mode nous impose chaque année de changer de garde-robe et même le costume-cravate se démode petit à petit.

Le port du jean ou du sweat à capuche relève de la même tradition. Le vêtement que nous enfilons par habitude chaque matin a lui aussi son histoire. Commençons donc par ce bout de tissu noué autour du cou.

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Le plus ancien témoignage du port par les hommes d’une pièce d’étoffe autour du cou nous vient de Chine, avec les statues en terre cuite de soldats de Xian qui portent un nœud de soie autour du cou. Les historiens pensent que ces cravates ont pu tenir lieu de médailles honorifiques pour l’armée de l’empereur Qin Shi Huangdi (3e siècle avant J.-C.), puisque aucun autre témoignage n’a été retrouvé en Chine, en dehors de ce cas précis, à cette époque donnée.

Les orateurs et légionnaires romains portaient le focalium (du latin fauces, la « gorge »), sorte d’écharpe en laine ou en soie autour du cou pour se protéger du froid.

Tournons rapidement les pages de l’histoire pour admirer la fraise, une collerette, composée de volants de mousseline ou de dentelle, portée par les hommes et les femmes, de la seconde moitié du 16e siècle au début du 17e siècle. Il sera suivi par le jabot de dentelle, un ornement vestimentaire, en dentelle ou en mousseline, attaché à la base du col d’une chemise, et qui s’étalait sur la poitrine.

L’uniforme d’un régiment de hussards croates, créé sous Louis XIII, comprenait une écharpe blanche en signe de reconnaissance. Cette mode gagnera la cour de France sous la forme d’une large bande de coton ou de lin, décorée de dentelles. Louis XIV, en 1666, leur donnera le nom de Royal-Cravate. Ce serait là l’origine de notre cravate moderne et de son nom.

Cette cravate aurait pu subir le sort de la lavallière, cravate large au nœud flottant et souple, qui doit son nom à la duchesse de La Vallière (par ailleurs maitresse de Louis XIV). Affectionnée au 19e siècle, elle est rarement portée aujourd’hui, sauf à être un mathématicien réputé.

La révolution industrielle, du dix-huitième au dix-neuvième siècle, favorisa le passage à la cravate telle qu’on la connait de nos jours. Les cols blancs de cette époque recherchaient confort et simplicité, en réaction aux atours de jadis excessivement recherchés. Les cravates rigides, raffinées et difficiles à nouer n’avaient pas leur place en usine ou au bureau.

Les hommes ont donc choisi de faire un nœud simple à leur cravate sous leur gorge, laissant deux extrémités de tissu ballantes. Beaucoup plus facile à faire et restant en place, ce nœud de cravate reste aujourd’hui l’un des plus courants.

C’est également à cette époque que le port de la cravate pour affirmer son appartenance à un groupe se répandit. En 1880, la première cravate scolaire vit le jour lorsqu’un membre du club d’aviron de l’université d’Oxford retira les rubans de son canotier et les noua à son cou. Cette tendance du port de la cravate comme appartenance à un groupe se répandit alors, essentiellement dans le monde anglo-saxon.

Nouer sa cravate serait un geste trop simple si on n’y avait pas ajouté le code des rayures : la vraie cravate est bien sûr à rayures. Mais les rayures doivent-elles descendre de gauche à droite, comme les Européens, Britanniques inclus, ou de droite à gauche comme les Américains ? Encore une histoire de gauchers ? Il faut savoir que les soldats européens portent le fusil sur l’épaule gauche, alors que leurs homologues américains le portent sur l’épaule droite. La vérité est plus simple : en 1920, la mode des cravates club, c’est-à-dire rayées, est en plein boum au Royaume-Uni et un cravatier new-yorkais importera l’idée et la mode, en apportant sa touche personnelle par l’inversion du sens des rayures. La dernière intervention sera également apportée par un new-yorkais, le cravatier Langdorf, qui aura l’idée en 1924 de la couper en diagonale et de l’assembler en trois parties pour en simplifier l’usage. Cela lui donnera son aspect actuel.

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L’origine du mot cravate, déformation du mot hravt (croate en langue croate) en krvat puis cravate est contestée par l’attestation du mot dans l’édit du maitre-échevin de Metz en 1322, donc 345 ans avant la formation du Régiment Royal-Cravates, où l’on trouve le mot crawate. Ce terme viendrait de l’arabe rabqat, lien passé autour du cou.

Les Croates revendiquent cependant haut et fort la paternité de cet accessoire vestimentaire, puisque la cravate est devenue un symbole essentiel de leur culture. Ainsi, après avoir noué en 2003 la plus grande cravate du monde, 808 mètres de long et 25 mètres de large, autour de l’arène romaine de la ville de Pula, les Croates instaurèrent en 2008 une journée nationale de la cravate. Celle-ci est célébrée tous les 18 octobre.

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Avant de nouer la cravate, normalement, nous passons un pantalon. L’origine semble remonter à nos ancêtres les Gaulois, car les Celtes portaient des braies (bracca ou braga), l’équivalent de notre pantalon. Au nord, les braies étaient larges, flottantes et à plis multiples, au sud elles étaient étroites et collantes. Elles descendaient en général jusqu’à la cheville où elles étaient attachées. Cet attirail, plus commode que la robe ou la toge, a fait le tour du monde. Le pantalon était le vêtement du peuple. Le nom vient de celui d’un personnage de la Commedia dell’arte, un vieux barbon amoureux d’une jeune fille, Pantalone, qui porte une culotte longue.

L’aristocratie était adepte de la culotte qui se portait de la ceinture au-dessous du genou, la jambe étant gainée d’un bas. Les radicaux révolutionnaires de 1789 se feront appeler les sans-culottes.

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En revanche, la veste est beaucoup plus récente, ne devenant un vêtement de mode qu’au 18e siècle. À cette époque, la veste, longue et lourde, est avant tout représentative du rang de celui qui la porte, en plus, bien sûr, de son rôle de tenir chaud. Le tissu se faisant plus léger avec le développement de l’industrie textile, apparait la redingote, mi-veste, mi-manteau long. La veste en queue-de-pie, issue de la chasse, date également de cette période.

Avec le 19e siècle apparait enfin la veste de costume telle qu’on la connait aujourd’hui. En fait, la queue de pie… a perdu sa queue ! Et le nombre de boutons a encore diminué pour n’en laisser substituer plus que deux ou trois. Le premier costume complet (taillé dans un même tissu pour la veste et le pantalon) est porté par le futur roi Edouard VII en 1860, sans basque pour pouvoir s’asseoir plus facilement, notamment aux tables de jeu.

Et si vous voulez respecter les règles, ne fermez jamais le dernier bouton d’une veste de costume, en mémoire à ce que fut autrefois la veste : jamais boutonnée jusqu’au bas pour apporter un peu d’aisance.

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Pour ceux qui trouvent que la mode homme manque d’imagination et en ont assez du costume-cravate, rappelons que la simple veste pour homme peut se décliner en une quarantaine de formes. On trouve ainsi le blazer, le boléro, le cardigan, le dolman, le frac, la jaquette, la saharienne, la queue-de-pie, la redingote, la veste chinoise, ou encore la veste de cow-boy ou la veste d’intérieur, pour ne pas toutes les nommer ! Sans compter les matières qui peuvent la composer. L’essentiel étant de porter sa veste du bon côté, sans la retourner.

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