29 - Maman

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Ronan était sorti de l’appartement. Il se dirigea vers sa voiture avant de s’y engouffrer, de tourner la clef et de faire chauffer le moteur. Et l’évidence lui sauta aux yeux : il ne savait pas du tout où aller pour chercher sa promise. Les mains crispées sur le volant du véhicule, il ne put s’empêcher de pousser de nombreux jurons.

  • Putain… Mais PUTAIN !

Lorelai avait disparu. Il ne savait pas du tout où la chercher. Aller directement dans les bureaux de la section quatre ? Mais si il ne s’agissait que d’une minorité de ses membres qui étaient dans le coup, cela serait compliqué d’agir.

  • Putain…

Il repensa un instant à Gray, qui devait croupir au fin fond d’une prison dans le meilleur des cas, si Elegia ne s’était pas déjà occupée de lui. Mais Ronan n’était qu’un simple agent de la section cinq et ne pouvait rien faire à son échelle. Il pouvait toujours en parler avec Morgan, mais il avait vite compris qu’être gouverneur ne signifiait pas avoir les pleins pouvoir sur Equinox. Le jeune homme poussa un grand soupir pour se calmer avant de fixer le plafond de l’habitacle. Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? Comment pouvait-il retrouver celle qu’il aimait ? Il commençait à se parler tout seul. Pour se donner du courage, et pour faire bouger les choses.

  • Réfléchis Ronan… Réfléchis bon sang ! Il doit bien y avoir un truc…

Le téléphone de Lorelai devait être hors service, et ce n’était donc plus possible de la suivre à la trace.

  • Merde…

Si seulement il y avait autre chose. Il n’avait jamais pensé à dire à la nu-man de prendre une puce de traçage avec lui, au cas où, car elle n’en avait jamais eu besoin.

  • Mais… Attends voir… Une puce…

Ronan était le propriétaire officiel de la jeune femme. Elle portait donc une puce en parfait état. Il était donc possible de la tracer jusqu’à l’endroit où elle se trouvait ! Le cœur gonflé d’espoir, l’agent de la section cinq s’empara de son téléphone, pianotant rapidement sur l’écran. Il avait installé l’application après leur visite au BioLab qui s’était occupé de Lorelai mais n’avait jamais eu le besoin de l’utiliser. Après tout, Lorelai était bien loin d’être un animal sauvage qui prenait la fuite dès que quelque chose n’allait pas. Aujourd’hui, cette application allait lui servir. Il allait la retrouver. Et il la ramènerait avec lui coute que coute. La barre de chargement fût bien trop longue à son goût, et enfin, le résultat apparu sur le petit écran. Ronan en fût plus que surpris.

  • L’Améthyste ? Mais qu’est-ce qu’elle fiche là-bas ?

Il secoua la tête pour se remettre les idées en place : ce n’était pas le moment de se poser des questions. Plus tard, peut-être.

Elle se sentait bien. Le son d’une chanson lointaine lui parvenait à l’oreille. Une chanson qu’elle connaissait, mais elle n’était pas capable de savoir pourquoi ou comment. Une chanson qui lui remplissait le cœur de nostalgie sans qu’elle ne comprenne pourquoi.

Lorelai ouvrit doucement les yeux, ces derniers s’habituant à la lumière ambiante de la pièce. Une fois que sa vue ne fut plus foule, elle détourna les yeux du plafond immaculé pour se tourner sur le côté, d’où provenait la chanson. Une nu-man était installée sur une chaise, ses longs cheveux rouges étalés sur ses épaules, retombant en mèches jusqu’à son ventre. Sa peau avait la même couleur que la sienne, et semblait écailleuse à première vue. Ses oreilles étaient remplacées par des nageoires. Elle portait une longue robe blanche qui cachait ses jambes. L’inconnue chantonnait toujours, n’ayant pas remarqué que Lorelai s’était réveillée et l’observait en silence. Lentement, elle se redressa sur son lit, sans la quitter des yeux. Elle lui rappelait quelqu’un, mais elle ne savait pas exactement qui. Puis, lorsque la chanson se termina, elle se contenta de dire simplement :

  • C’était joli.

L’inconnu se tourna vers elle, les yeux ronds. Puis sa voix, douce, résonna dans la pièce alors qu’un léger sourire se dessina sur son visage.

  • Tu es enfin réveillée. Ils ont finis de faire leurs tests et vont enfin te laisser tranquille.
  • Des tests ?

L’inconnue hocha la tête.

  • Oui, des tests. Pour vérifier que tu es en bonne santé. Pour vérifier que ton enfant est en bonne santé. C’est normal, non ?

Lorelai porta instinctivement la main à son ventre avant de répondre d’un ton hésitant :

  • Normal ? Je… crois ?

Puis sans attendre plus longtemps, elle enchaîna :

  • Où est-ce que nous sommes ? Pourquoi je suis là ? Et pourquoi cet abruti fait ce genre de choses ?

Elle souleva la couverture, ne sentant plus la douleur au niveau de la blessure à sa jambe, et constata qu’on l’avait soigné et bandé. Lorelai poussa un soupir à en fendre l’âme. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était ici, pourquoi Richard voulait absolument l'emmener avec lui. L’inconnue se leva de son siège avant de se rapprocher du lit, puis s’installa à ses côté. Elle souriait toujours, et ce sourire réchauffait le cœur inquiet de la nu-man sans qu’elle ne sache pourquoi.

  • Nous sommes dans le BioLab de l’Améthyste. Ici, nous sommes protégées du monde extérieur, le temps que les scientifiques d’Elegia s’occupent de régler les soucis avec les nu-man mâles.
  • Mais… Quoi ?
  • Tu n’es pas au courant ? Si les nu-man femelles de la nouvelle génération sont une parfaite réussite, ce n’est pas le cas pour les mâles. Ils… mutent, pour devenir des monstres assoiffés de sang. Il y’en a eu un dans le BioLab du secteur quatorze dernièrement. C’est Richard qui m’a dit que les recherches avaient dégénérées là-bas. Mais tout va mieux maintenant.

Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale de Lorelai. Elle se souvenait parfaitement de ce monstre dans le BioLab du secteur quatorze. Ce monstre qui avait failli la tuer en l’étouffant. Heureusement que Ronan avait été là pour la protéger. Elle passa doucement ses doigts le long de son cou, alors que les traces avaient disparues depuis longtemps, puis demanda :

  • Richard ? Tu connais Richard ? Le chef de la section quatre ?

L’inconnue hocha la tête.

  • Oui. Richard est mon propriétaire, ça fait des années maintenant.

Lorelai se sentait désolée pour elle. Vu le caractère du personnage, cela ne devait pas être une partie de plaisir d’être à la botte de ce dernier. Elle frissonna à cette pensée. Puis, sans qu’elle ne comprenne immédiatement pourquoi, l’inconnue la serra tendrement dans ses bras, lui caressant le dos comme si il s’agissait d’une enfant. Lorelai sentit son cœur se serrer dans sa poitrine suite à cette étreinte qu’elle n’attendait pas. Une étreinte qui faisait monter en elle une nostalgie qu’elle ne reconnaissait pas. Elle agrippa le cou de cette femme avant d’enfouir sa tête dans son épaule. Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues, et elle sentit qu’elle ne pourrait pas contenir très longtemps. La douce voix résonna près de son oreille.

  • Chut, chut… Tout va bien, je suis là…

La nu-man se mit alors à pleurer pour de bon. Elle se surprit à aimer cette étreinte. Elle la réconfortait, comme une mère le ferait avec son enfant. Lui rappelant les doux instants qu’elle passait, lové dans les bras de sa mère, il y a des années. Elle ne voulait pas quitter cette étreinte remplie de tendresse. Elle ne voulait pas quitter ses bras. Elle ne voulait pas s’éloigner de sa chaleur réconfortante. Sa voix brisée par l’émotion murmura doucement, comme si tout était rentré dans l’ordre, comme si elle était revenue quelques années en arrière :

  • Maman…

Morgan ne savait pas quoi faire. Assis dans le canapé, la tête entre ses mains, il réfléchissait à la suite des évènements. Il souhaitait de toute son âme que son grand frère attende gentiment sans se jeter dans la gueule du loup, mais le connaissant, ce serait difficile. Il fallait qu’il fasse vite. Eva s’installa à ses côtés, tentant de rassurer le gouverneur comme elle le pouvait.

  • J’ai prévenu Karen. Elle dit qu’elle s’occupe de tout. Tout va bien se passer.
  • J’espère… Je n’ai pas envie d’apprendre que mon frère s’est fait tirer dessus encore une fois. Et pire encore, qu’il se soit fait tuer bêtement.
  • Il n’a aucun moyen de retrouver Lorelai pour l’instant. Il finira par revenir et nous trouverons une meilleure stratégie pour la retrouver.

La nu-man posa sa main sur celle de son interlocuteur, lui offrant un sourire teinté de tristesse. Elle aussi espérait que tout se passe bien dans cette affaire. Elle savait que c’était difficile et très douloureux de perdre un proche. Eva répéta doucement, comme pour essayer de se convaincre elle-même :

  • Tout va bien se passer.

Le duo resta ainsi quelques instants, jusqu’à ce qu’une sonnerie de téléphone se mit à retentir dans la pièce. Éloignant à contre cœur sa main de celle de la jeune femme, Morgan sortit son téléphone de sa poche pour décrocher quand il vit qu’il s’agissait d’un appel de son frère. Il ne prit même pas la peine de le saluer ou quoi que ce soit, hurlant presque à l’intéressé :

  • Mais bon sang Ronan ! Où est-ce que t’es bordel ?
  • Je vais chercher Lorelai. Je sais où elle est.

Le visage du gouverneur blêmit en un instant, sa voix répétant bêtement :

  • Tu sais où elle est ?
  • A l’Améthyste. Je ne sais pas exactement ce que veut Elegia à ma petite amie, mais ils vont avoir de mes nouvelles.
  • RONAN ! REVIENT A L’APPART AVANT DE FAIRE UNE CONNERIE !

Morgan avait hurlé dans l’appareil, mais son grand frère n’en démordait pas.

  • Pas tant que je ne l’ai pas retrouvée.

Il raccrocha au nez de Morgan, son regard sur la route qui s’étendait devant lui. Il serait à destination dans peu de temps. Et il la retrouverait, il s’en faisait la promesse.

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