28 - La retrouver

7 minutes de lecture

Blessée, Lorelai avait dû monter, sous la contrainte, dans le véhicule du chef de la section quatre. Serrant les dents, elle lança un regard noir à Richard. A cet instant, elle le haïssait de toute son âme. Ce dernier, bien installé sur le siège arrière, s’était contenté de s’allumer un cigare sans même tourner la tête vers sa prisonnière. Cette dernière cracha dans sa direction, tel un fauve aux abois :

  • Qu’est-ce que vous m’voulez exactement ?

Richard recracha la fumée qui envahissait l’habitacle du véhicule, puis daigna enfin répondre à la nu-man.

  • D’un point de vue général, ton gosse. Les nu-man capable d’engendrer des mouchards ça ne court pas les rues. Et d’un point de vue plus personnel, toi.

Lorelai ne comprenait pas où il voulait en venir. Un long frisson lui parcouru l’échine. Elle commençait à trembler de tous ses membres. La fatigue, sa blessure, la peur et le stress. Tout cela mêlé ne lui faisait pas du bien, ni à elle, ni à l’enfant qu’elle portait. Instinctivement, elle posa ses mains sur son ventre. La voix rauque de Richard résonna de nouveau, la sortant de sa torpeur :

  • C’est Lolithia qui va être contente de te revoir. Ça fait combien de temps, deux ans ? Trois peut être ? Ça passe si vite…
  • Lolithia ?

Ce prénom ne lui disait rien du tout à première vue. Mais quelque chose au fond d’elle lui faisait comprendre qu’elle connaissait cette Lolithia, même si pour l’instant, elle n’avait aucune idée de ce à quoi cette dernière ressemblait. Le chef de la section quatre poussa un long soupir alors que la voiture continuait son petit bonhomme de chemin à travers les rues d’Equinox.

  • Tu l’as oublié aussi ? Elle va être triste… Et je n’aime pas la voir triste.

Lorelai se racla la gorge, fixant toujours son interlocuteur.

  • Qui est Lolithia ?

Richard ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire à cette question. Se tournant vers la jeune femme, il lui répondit avec un sourire qui lui fit froid dans le dos :

  • Tu t’en rappelleras sûrement quand tu la verras. Mais pour faire simple, je suis son propriétaire.

Lorelai se demandait comment un être vivant pouvait supporter cet homme sans avoir envie de le fuir. Elle lança un regard au décor qui défilait derrière la vitre. Puis elle comprit que la voiture se dirigeait vers l’Améthyste. Mais elle ne savait pas encore pourquoi.

Dans l’appartement de Ronan, c’était le bazar complet. Une équipe de la section un avait débarqué, mettant aux arrêts les intrus de la section quatre. Pour l’instant, l’agent était assis sur le canapé, la tête entre ses mains après les révélations d’Eva. Il avait du mal à y croire. Mais cela ne l’étonnait qu’à moitié. Après tout, une grande partie des sociétés avaient une face cachée, comme les hommes qui les dirigeaient.

  • C’est horrible… Même les animaux ne sont pas traités de la sorte… Et Lorelai…

Le jeune homme se releva d’un coup, serrant les poings. Il se tourna vers son frère qui était en train de discuter avec des membres de la section un et posa sa main sur son bras pour attirer son attention. Sa voix tremblait sous l’émotion :

  • Je dois la récupérer avant eux… Avant qu’il ne lui fasse du mal.

Morgan soupira doucement.

  • Tu lui as envoyé un message non ? Elle ne devrait pas tarder…
  • Oui mais…
  • Au pire, appelle là directement. Au moins tu seras rassuré de savoir qu’elle va bien.

Ronan hocha la tête avant de prendre son téléphone. Il dû s’y reprendre à deux fois pour composer le numéro de sa dulcinée. Fébrile, il attendait sa réponse avec impatience.

Alors que la voiture se garait dans l’immense parking souterrain de l’Améthyste, Lorelai sentit son téléphone vibrer et sonner dans la poche de son pantalon. A peine l’eut-elle sortit de sa cachette que Richard lui arracha des mains. Son regard se posa sur l’écran sur lequel il put lire que c’était un appel de Ronan. L’homme poussa un autre soupir, lâchant comme si de rien n’était.

  • L’agent Laguna hein… Je suppose que c’est lui qui t’as pondu un gosse.

La nu-man allait répliquer quelques insultes, mais le chef de la section quatre ne lui en laissa pas le temps.

  • Après tout, ça aurait pu être pire. Ça n’a pas l’air d’être un mauvais gars à première vue.

A peine termina-t-il sa phrase qu’il laissa le téléphone tomber sur le sol du véhicule avant de l’écraser d’un coup de pied, le rendant inutilisable. Lorelai explosa de colère :

  • Mais t’es malade ou quoi ? Mon téléphone ! Je fais comment maintenant pour…
  • LA FERME !

Une gifle magistrale vint claquer la joue de la jeune femme qui se tût instantanément. Les yeux ronds, la joue rougie par la douleur, Lorelai dévisageait son agresseur qui avait perdu son calme. A cet instant, il ressemblait à un prédateur et elle à une proie qui allait passer un sale quart d’heure. Richard souffla un grand coup pour reprendre son calme.

  • Bon. Puisque tu n’es pas très sage, il va falloir que j’emploie les grands moyens.

L’homme fouilla dans la poche intérieure de sa veste avant d’en sortir une petite seringue à utilisation unique.

  • C’est juste un petit somnifère. Au moins, avec ça, tu te tiendras tranquille.

Lorelai allait rétorquer quelque chose, mais en fut incapable. En moins de temps qu’il ne faut pour dire ouf, elle sentit la légère piqure de l’aiguille de plantant dans son bras. Et sans qu’elle ne s’en aperçoive, elle partit aux pays des songes, la dernière qu’elle voyait étant les deux yeux de Richard. Froids. Glacial.

Ronan poussa un grognement entre ses dents, faisant les cent pas dans la pièce.

  • Elle ne répond pas… Ça sonne dans le vide… C’est pas normal.

Le gouverneur essayait de rassurer son frère comme il pouvait.

  • Peut être qu’elle n’a pas fait attention, que son téléphone est en silencieux. Je pense qu’elle va bien, et que dès qu’elle mettra le nez sur son téléphone elle te rappellera.

L’agent secoua la tête, visiblement énervé.

  • Elle ne met JAMAIS son téléphone en silencieux. Même quand on sort au ciné ou au restau. Jamais. Elle a trop peur de rater quelque chose.

Ronan se rongeait les sangs comme pas permis. Plus loin dans la pièce, près de la fenêtre, Eva communiquait par messages écrits avec Karen. Tout allait trop vite ces dernières heures. Il fallait qu’elles se préparent. Car le grand final allait bientôt avoir lieu selon la chef de la section cinq. La voix de Ronan qui hurlait presque fit sursauter la Nu-man.

  • Je suis sûr et certain qu’il lui est arrivé quelque chose ! Elle a dû tomber sur des connards ou je ne sais quoi ! Ou pire encore ! Je dois sortir !
  • Mais tu ne sais même pas où elle est !
  • JE DOIS SORTIR !

Ronan avait bousculé son frère avant de se diriger vers la porte d’entrée. Il claqua la porte derrière lui, laissant tout le monde en plan. Il ne savait pas du tout où il allait commencer ses recherches, mais il était sûr d’une chose : il ne laisserait pas tomber avant d’avoir remis la main sur celle qu’il considérait comme sa femme.

Lorelai ouvrit lentement les yeux sur un plafond blanc, immaculé. Elle se rappelait vaguement ce qui s’était passé, mais… Tout était confus. Elle se sentait fatiguée. Tellement fatiguée. Elle essayait de bouger, mais son corps refusait de répondre. Et quand elle il parvenait, ce n’était pas sans douleurs. Elle tourna la tête et vit qu’elle n’était pas toute seule.

Des gars en blouses blanche. Scientifiques ? Médecins ? Tortionnaires ? Elle n’en savait rien du tout. La nu-man tenta de remettre de l’ordre dans son esprit embrumé. Ronan, l’appartement attaqué par trois intrus de la section quatre, la fuite, Richard, la voiture… Peu à peu, tout lui revint. On l’avait endormie, et elle s’était réveillée ici. Le nom de Lolithia lui traversa l’esprit, mais elle ne savait toujours pas qui était cette personne. Et elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle était ici. Dans un BioLab à première vue. Mais il n’y avait pas de BioLab du côté de l’Améthyste, c’était extrêmement bizarre tout ça. La jeune femme soupira. Elle espérait qu’on viendrait l’aider, mais d’un autre côté, elle avait peur pour Ronan. Il s’était déjà blessé en la protégeant récemment, et ne voulait absolument pas que ce genre de chose ne se reproduise de sitôt. Allez le voir à l’hôpital avait été un calvaire. Elle détestait les hôpitaux. Et l’endroit où elle se trouvait actuellement ressemblait vaguement à un laboratoire, ou un hôpital. Pour elle, il n’y avait pas de grande différence entre les deux. Elle fit un effort surhumain pour surélever légèrement la tête et observer les vas et viens des personnes qui étaient ici. Intérieurement, elle bouillonnait de rage. Elle entendit alors le bip bip stressant d’une machine qui se trouvait à ses côtés. Un des hommes s’approcha d’elle et lui injecta à nouveau de quoi la calmer. Lorelai entendit alors de façon distincte ce dernier parler à l’un de ses collègues présent dans la pièce.

  • Elle stresse facilement, c’est dangereux pour l’enfant qu’elle porte. Je ne sais pas s’il ne vaut pas mieux l’endormir complètement pendant quelques heures.
  • Il faudra faire attention aux dosages, sinon ce ne sera pas que pour son gosse que ce sera dangereux. Et je n’ai pas très envie que monsieur Volkër nous passe un savon.

Le premier déglutit tout en préparant la seringue.

  • Passer un savon si nous avons de la chance. Je pense surtout que ce serait une bonne occasion pour lui d’utiliser la table de torture.
  • C’est vrai qu’il adore ça. On ne dirait pourtant pas à première vue.
  • Ah, si tu savais…

Lorelai écoutait attentivement, enregistrant toutes les informations susceptibles d’être intéressantes. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale lorsqu’ils parlèrent de Richard. Déjà que cet homme lui donnait froid dans le dos, maintenant elle était sûre et certaine que c’était un détraqué. Elle ne broncha pas lorsque l’aiguille pénétra à nouveau la chair de son bras. Mais malgré le sédatif qu’on venait de lui injecter, la machine recommença ses bips bips incessants. La nu-man avait peur. Pour elle. Pour l’enfant qu’elle portait. Pour Ronan car elle savait qu’il ne resterait pas sans rien faire. Et ce fut sur cette pensée qu’elle ferma de nouveau les yeux.

Annotations

Vous aimez lire Elizabeth Fendel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0