27 - Capture

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Lorelai avait couru à en perdre haleine, sans même se retourner. Elle avait descendu les escaliers quatre par quatre, manquant de se casser la figure plusieurs fois. Elle avait traversé plusieurs rues, fuyant le plus loin possible. Puis, au bout d’un moment qui lui avait semblé bien trop long, elle s’était arrêtée au milieu d’une rue qu’elle ne reconnaissait pas. Ce qui était sûr, c’est qu’elle n’était plus dans le quartier où se trouvait l’appartement. La nu-man reprit son souffle, doucement, son regard se posant sur les alentours. Equinox était bien plus grande que tout ce qu’elle avait pu imaginer. Mais ce n’était pas le moment de s’émerveiller sur la ville. Pour l’instant, la femme poisson se sentait désespérément seule. Et après tout ce qui venait de se passer, elle ne savait pas du tout où aller. Revenir à l’appartement était exclu pour le moment. Elle attendrait de recevoir un message de Ronan pour cela. Ronan…

Lorelai espérait qu’il ne lui arriverait rien de grave. Il se battait seul contre trois inconnus de la section quatre, et n’était pas encore tout à fait remis de sa blessure à l’épaule. Elle avait confiance en lui, en ces capacités, et la façon dont il avait corrigé deux des trois intrus l’avait rassurée. La jeune femme s’empara de son téléphone pour vérifier qu’il n’ait pas essayé de la contacter. Mais rien. Pas de message ou d’appel en absence. Elle soupira. Il fallait qu’elle attende, simplement. La jeune femme s’était mise à déambuler dans les rues sans but précis, comme à une époque lointaine qu’elle aurait préféré oublié. La seule chose qui changeait, c’est qu’elle avait l’impression désagréable d’être épiée. Elle parla à voix haute, comme si cela pouvait éloigner ceux qui l’observaient :

  • J’suis pas loin de la parano…

Surveillant du coin de l’œil tous ceux qui croisaient de près ou de loin sa route, elle continuait d’avancer. Une voix qu’elle ne connaissait pas la sortie de ses pensées.

  • Bonjour, vous cherchez quelque chose ?

La nu-man releva la tête pour voir qui était la personne qui lui adressait la parole. C’était un humain qu’elle ne connaissait pas. Tout en baissant la tête, elle lui répondit de façon claire et nette :

  • Rien du tout.
  • Alors ça ne vous dérange pas si je vous accompagne un bout de chemin ?

Lorelai n’avait rien dit, accélérant sa marche. Pourquoi fallait-il qu’un gêneur vienne l’emmerder maintenant ? Elle avait réfléchit quelques instants avant de comprendre. Ronan n’était pas là. Son propriétaire n’était pas avec elle. Ce qui faisait donc de la nu-man une proie facile. Comme si elle avait besoin de ça maintenant. Elle se demandait si cet homme finirait par se lasser… ou s’il continuerait. La voix de ce dernier se fit de nouveau entendre.

  • Y’a du mouvement dans le coin. C’est plus tranquille que ça comme quartier habituellement.

La femme poisson sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Du mouvement inhabituel dans un quartier tranquille d’habitude. Il n’y avait aucun doute, ils étaient là. Elle était suivie. Elle accéléra encore le pas. Si jamais il se passait quelque chose, elle était prête à courir.

Plus loin, alors qu’elle allait tourner dans une autre rue, une voiture était arrêtée en plein milieu. Un homme en sortit de façon tout à fait tranquille. Lorelai l’aurait reconnu entre mille. Richard Völker. Le chef de la section quatre. Elle détestait cet homme. Elle ne savait pas pourquoi, c’était viscéral, elle le haïssait de toute son âme. Le peu de fois qu’elle l’avait vu, il lui avait fait une impression bien trop désagréable. Et c’était encore le cas aujourd’hui. Ce dernier ajusta sa veste et s’avança calmement dans sa direction. Sa voix rauque se voulait rassurante.

  • Nous ne te voulons aucun mal.

Il marqua une courte pause avant de continuer sur le même ton.

  • Ne fais pas d’histoire. Suis-moi.

L’homme fit un geste indiquant qu’elle pouvait grimper à l’arrière de la voiture. Lorelai recula d’un pas. Tremblante, tentant de garder son calme, elle se contenta de secouer la tête pour signifier que non, elle ne le suivrait pas. Elle avait une boule d’angoisse dans la gorge et ses jambes tremblaient. Elle ne comprenait pas ce qu’il voulait, et ne chercherait pas à comprendre pour le moment. Tout ce qu’elle voulait, c’était filer le plus loin possible et attendre Ronan. Mais elle ne suivrait pas le chef de la section quatre. Pas cet homme. L’inconnu qui se trouvait avec elle préféra s’éloigner, se demandant ce qui se passait et ne voulant pas se retrouver au milieu d’histoires qui ne le concernaient pas. Si les choses dégénéraient, il appellerait la police. Peut-être. Mais la simple perspective d’oublier ce qui se passait actuellement était plus simple. Il disparut au détour de la rue, d’un pas rapide. Lorelai aurait voulu pouvoir faire de même, mais c’était bien plus compliqué pour elle. Richard haussa les épaules, ne se préoccupant même pas de l’insecte qui venait de se faire la malle. Il n’y avait qu’une seule chose qui l’intéressait pour le moment, et cette chose se tenait devant lui. Sa voix neutre résonna de nouveau.

  • Ne rend pas les choses plus compliquées qu’elles ne le sont déjà. Viens avec moi.

La nu-man recula à nouveau d’un pas, avant de se retourner et de se mettre à courir aussi vite qu’elle le pouvait. Elle devait fuir. Fuir le plus loin possible de cet homme glacial. Fuir parce qu’elle savait que si elle tombait entre ses griffes, elle ne s’en sortirait pas indemne. C’était une certitude. Quelque chose qui était gravée en elle sans qu’elle ne comprenne réellement pourquoi.

Dégainant rapidement son arme, le chef de la section quatre tira une fois. Le coup fut net et précis. Lorelai tomba, gémissant tant la douleur était forte. Ce salopard lui avait tiré dans la jambe. Pas de quoi l’estropier gravement, mais assez pour qu’elle ne puisse plus courir sans souffrir. La nu-man se mordait les lèvres pour ne pas hurler, alors que son adversaire s’avançait tranquillement jusqu’à elle. Sa voix rauque put de nouveau se faire entendre.

  • Maintenant tu n’as plus le choix. Tu vas me suivre, que tu le veuille ou non.

Effectivement, elle n’avait plus le choix. De ses lèvres sortit une prière silencieuse pour Ronan.

Le duo était enfin arrivé à destination. Laissant ces gardes du corps à la voiture, comme d’habitude, Morgan pénétra dans le hall de l’immeuble, Eva sur les talons. Quand le gouverneur arriva à l’étage où se trouvait l’appartement de son frère, il fut surpris de trouver la porte grande ouverte. Et encore plus surpris quand il passa la tête dans l’encadrement de la porte.

  • Mais bon sang Ronan, qu’est-ce que c’est que ce bazar ?

Les trois intrus étaient au sol, assommés par les différentes techniques de combat de l’agent. Des chaises en morceaux et des meubles cassés mirent le cadet sur la voie. Ronan, essoufflé et couvert de bleus, se tourna vers son petit frère, expliquant rapidement :

  • C’est des gars de la section quatre. Ils sont venus pour récupérer Lorelai, mais je n’ai aucune idée du pourquoi.

Eva s’avança dans la pièce, ne lançant pas un regard au désordre ambiant. Elle fixait Ronan, lui demandant simplement :

  • Où est votre petite amie ? Nous devons parler toute les deux… de ce sujet.
  • Je lui ai dit de fuir avant la baston. Je n’avais pas envie qu’elle soit blessée. Pas dans son état.
  • Dites-lui de revenir, maintenant que le danger est écarté.
  • Oui oui, c’est ce que j’allais faire.

Ronan s’était saisi de son téléphone, et Morgan fit de même. Le premier envoya un message à Lorelai, pour lui indiquer qu’elle pouvait revenir à la maison, et qu’ils allaient s’occuper de cette histoire. Le second demanda les renforts de la section un pour s’occuper des trois intrus qui gisaient toujours sur le sol du salon. Si la section quatre pensait vraiment pouvoir faire ce genre de chose impunément, alors elle se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

  • Et pourquoi vous vouliez voir Lorelai sans indiscrétions ?

L’agent avait posé la question à la nu-man, tout en la dévisageant. Il avait entendu parler de cette jeune femme. Eva, nu-man, secrétaire du gouverneur. Rien, que ça. Cette dernière, un peu gêné, avoua :

  • Eh bien, je pense que votre amie et moi nous venons du même BioLab. Elle doit faire partie de la nouvelle génération de Nu-man, vu qu’elle est capable de procréer.
  • La nouvelle génération de… Mais qu’est-ce que ‘est que cette histoire ?

Il ne comprenait pas du tout. La seule chose qu’il avait capté, c’était que cette femme avait un lien avec le passé de Lorelai. Cette dernière allait enfin avoir les réponses à toutes les questions qu’elle se posait depuis des années. Enfin. Depuis le temps qu’elle en rêvait. Ou en cauchemardait plutôt. Eva fut plus que surprise quand Ronan prit ses mains dans les siennes tout en la fixant intensément :

  • Vous la connaissiez avant ? Vous allez pouvoir lui rendre la mémoire ? C’est tellement…
  • Je…
  • Ca fait tellement longtemps qu’elle attend de pouvoir se rappeler.

Eva ne savait pas comment réagir. Son cœur se serra quand elle repensa à son propre passé. Et l’idée de devoir faire remonter ce genre de souvenir dans l’esprit de Lorelai ne l’enchantait pas plus que ça. Elle secoua doucement la tête.

  • C’est peut être une mauvaise idée de lui rendre la mémoire.
  • Pourquoi ça ? Elle souffre de ne pas savoir ! Elle en fait des cauchemars qu’elle ne comprend pas !
  • Si votre amie, si… Lorelai a un passé semblable au mien, alors il vaut peut-être mieux pour elle qu’elle ne s’en rappelle pas du tout.
  • Comment ça ?

Ronan venait de lâcher les mains de son interlocutrice, prêt à entendre les arguments de cette dernière. Il voulait comprendre pourquoi il ne devait pas rendre son passé à Lorelai. Eva prit une grande inspiration, avant de mettre l’agent en garde.

  • Je vais vous raconter ce que j’ai vécu. Si elle et moi venons du même BioLab, ce qui est sûr et certain, alors… vous comprendrez pourquoi il ne faut pas qu’elle se souvienne.

D’une voix morne et tremblante, la jeune femme raconta tout ce qu’elle pouvait, tout ce dont elle se souvenait. Et à chaque parole, elle revivait les scènes passées.

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