26 - Visite surprise

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Ronan sentit un long frisson lui parcourir l’échine. Habituellement, les membres de la section quatre ne se déplaçaient pas pour rien. Il se demandait bien pourquoi ils étaient là, à sa porte, surtout aussi tard. Alors qu’il était en train de réfléchir sur le pourquoi du comment, l’une des trois personnes, le chef du petit groupe, un homme qui le dépassait d’une bonne tête au moins, prit la parole d’un air neutre.

  • Ronan Laguna, membre de la section cinq, nous sommes ici concernant l’affaire Ishikawa.
  • Q… Pardon ?

L’affaire Ishikawa ? Ce nom lui parlait, car il s’agissait du chef de la section trois. Mais il ne comprenait pas ce qu’était cette fameuse affaire. Et puis, c’était étrange que ce soit la section quatre qui s’en occupe, et pas la cinq alors qu’elle était chargée d’enquêtes à la base. L’homme répéta un peu plus lentement, comme si son interlocuteur n’avait pas compris un traître mot de ce qu’il venait de dire :

  • L’affaire Ishikawa. Vous n’êtes pas au courant ? Le chef de la section trois a été assassiné. Bien que le coupable ait été arrêté, nous avons besoin d’informations à son sujet. Et d’après ce que nous savons, vous connaissiez le coupable.

Ronan n’y comprenait plus rien. Les yeux ronds, il ne broncha pas quand les trois personnes entrèrent dans l’appartement sans même lui demander son avis. Il digérait encore la nouvelle qu’il venait tout juste d’apprendre. Tel un pantin, il referma la porte, puis se tourna vers le petit groupe.

  • Assassiné ? Je connaitrais le coupable ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire bon sang ?

Tout se bousculait dans son esprit, et pendant que les inconnus se positionnaient dans le salon, Lorelai était sorti de la chambre. Elle s’était rhabillée à la hâte. Elle avait pensé qu’il s’agissait de Morgan et de son amie qui avaient débarqués, mais il n’en était rien. Restant à retrait dans le couloir, la nu-man n’osait pas s’approcher, écoutant attentivement ce qui pouvait se dire. Elle sentit un frisson désagréable remonter le long de sa colonne vertébrale. Quelque chose n’allait pas, mais elle était incapable de savoir quoi exactement.

Seul le chef du petit groupe prenait la parole, de façon neutre, à la limite du glacial. S’il pouvait s’en passer, il le ferait volontiers. Mais il avait des ordres. Les deux autres restaient là sans rien dire, attendant les ordres de leur supérieur.

  • Monsieur Ishikawa a été assassiné par son nu-man, un certain Gray. Ce nom doit forcément vous dire quelque chose.
  • Quoi ?

Ronan n’en croyait pas ses oreilles. Gray, l’homme loup qu’il côtoyait de temps en temps dans les bureaux, n’avait vraiment pas la tête à faire ce genre de choses extrêmes. Il ne portait pas vraiment son propriétaire dans son cœur, mais pas au point de vouloir mettre fin à sa vie. Le loup était bien plus malin de ce qu’il le connaissait. L’agent se racla la gorge, n’allant pas mentir à son interlocuteur.

  • Je… Oui, je le connais. Mais, ce n’est pas du tout le style de Gray d’en arriver à ce genre d’extrémité.
  • Pourtant toutes les preuves convergent vers ce nu-man.
  • Vous l’avez interrogé ?

Ronan manqua de s’étrangler. Bien sûr qu’il avait dû être interrogé. Et voir même pire vu qu’il s’agissait d’un nu-man. Les actes de tortures étaient interdits, mais seulement sur les êtres humains. L’homme haussa les épaules avant de répondre à sa question :

  • Bien entendu. Mais il continue de clamer son innocence haut et fort alors que tout le désigne.

L’homme marqua une pause, puis demanda d’un air détaché :

  • Vous êtes seul actuellement dans cet appartement ? Nous devons questionner votre « assistante ».
  • Elle… ne se sentait pas bien et… est partie se coucher… Je vais la réveiller.

Tout ceci ne plaisait pas du tout à Ronan. De plus, il attendait toujours son frère. Qu’est-ce que ce dernier allait penser quand il arriverait et qu’il se retrouverait avec des inconnus en train de faire leur enquête ? L’agent sortit son téléphone pour prévenir le jeune gouverneur de prendre son temps et qu’il avait la visite des membres de la section quatre, tout en se dirigeant vers le couloir pour rejoindre la chambre. Il tomba nez à nez avec Lorelai qui n’avait pas bougé, et qui semblait choquée par ce qu’elle venait d’apprendre. Son compagnon la mitrailla de questions d’une voix inquiète :

  • Tu ne dormais pas ? Tout va bien ? Tu as tout entendu ?
  • J’écoutais… Je ne peux pas croire que Gray ait fait une chose pareille.
  • Pareil. Ce n’est pas du tout son genre.

Il prit la main de sa comparse avant de l’accompagner dans le salon. La nu-man sentit à cet instants les regards des personnes présentes se posés sur elle. Quelque chose clochait. Elle voulait juste s’enfuir. Prendre la porte, et partir le plus loin possible. Elle serra la main de Ronan dans la sienne, alors que le petit groupe se rapprochait du couple.

Le gouverneur n’était plus qu’à dix minutes de l’appartement de son frère quand il reçut un message de ce dernier. Morgan haussa un sourcil. C’était bizarre. Vraiment très bizarre. Il se demanda à voix haute :

  • Mais qu’est-ce que des membres de la section quatre peuvent venir faire chez lui à cette heure-ci ?

Eva frissonna. La section quatre. Karen lui avait dit que quelque chose clochait avec la section quatre, et que ces derniers étaient, d’une façon ou d’une autre, liés à Elegia. Et à entendre son compagnon de voyage, des membres de cette section se trouvaient actuellement chez l’agent Laguna. C’était effectivement bizarre. La jeune femme se doutait que cela ne pouvait être une coïncidence. Elle posa sa main sur le bras de Morgan, avant de planter son regard dans le sien et de lui dire, comme si il s’agissait d’un ordre :

  • Il faut vite qu’on aille là-bas. Ce n’est pas normal. Pas maintenant. Pas alors que nous allons y aller aussi. Comme s'ils étaient au courant de nos faits et gestes…

Morgan hocha la tête, puis se tourna vers son chauffeur :

  • Dépêchez-vous ! Quitte à prendre une autre route où la circulation est plus fluide. Je dois être chez mon frère le plus rapidement possible ! C’est une urgence !

Le gouverneur entendit alors une approbation et sentit que le véhicule accélérait dans la limite du raisonnable. Si les doutes d’Eva étaient fondés, alors Ronan et sa copine étaient en danger.

Lorelai sentit les mains glaciales se poser sur ses épaules. Elles appartenaient à l’un des hommes de la section quatre, qui ne s’était pas gênés et ne lui avait pas demandé l’autorisation ou quoi que ce soit. La nu-man sentit la poigne se resserrer sur elle, lui occasionnant un autre frisson désagréable. Elle se tourna vers celui qui les lui occasionnait, lui lançant un regard noir.

  • Si vous pouviez éviter de me toucher, cela m’arrangerait.

Elle avait prononcé ses paroles sur un ton qui se voulait le plus neutre possible, mais on pouvait y sentir un certain dégoût. La personne à qui ces mots étaient destinés ne répondit rien, se contentant simplement de la fixer. Ronan fronça les sourcils, lançant à son tour un regard noir à cette personne qui ne savait décidément pas ranger ses mains dans ses poches.

  • Elle vous demande de ne pas la toucher, alors ne la touchez pas. Sinon, c’est à moi que vous aurez à faire.

Le chef du groupe soupira, comme si il s’ennuyait. Il lança sur le même ton neutre qu’il employait depuis le début de la conversation.

  • Bien, ça suffit. Je déteste devoir jouer ce genre de rôle, et nous savons tous que ça ne se passera pas comme le veut le chef. Donc je vais y aller franco monsieur Laguna.

Il se rapprocha de l’intéressé qui s’était mis sur ses gardes. Mais son arme de service n’était pas à portée de main, pas plus que celle de Lorelai. Ronan poussa un juron silencieux, ne quittant pas son interlocuteur du regard. Interlocuteur qui continua sur sa lancée :

  • Si nous sommes ici ce soir, ce n’est évidemment pas pour cette affaire avec feu monsieur Ishikawa, paix à son âme. Si nous sommes ici, c’est pour elle.

Il montra Lorelai du doigt. Cette dernière ne comprenait pas. Elle avait fait quelque chose de mal pour attirer l’attention de la section quatre ? Peut-être par le passé, mais elle ne s’en rappelait pas du tout. Elle n’en avait aucun souvenir. La nu-man demanda à tout hasard :

  • Pourquoi ?
  • Pourquoi…

L’homme se racla la gorge avant de reprendre :

  • Cela fait un moment que notre chef vous recherche. Vous, et d’autres de votre espèce. Mais il vous expliquera ça mieux que moi. Donc…

Il se tourna de nouveau vers Ronan :

  • Nous emmenons la nu-man avec nous, que cela vous plaise ou non agent Laguna. Ne rendez pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont, et laissez-nous simplement repartir avec elle.
  • PAS QUESTION !

L’agent s’était emparé de la chaise qui se trouvait tout proche et l’avait lancée sans même attendre sur le salopard qui voulait lui enlever celle qu’il aimait. Profitant du fait que ce dernier soit déstabilisé, il se jeta sur celui qui avait touché Lorelai, lui balançant un magnifique crochet en pleine mâchoire. La nu-man l’avait regardé faire sans broncher, et son propriétaire se tourna vers elle, lui donnant un ordre qu’elle ne pouvait pas refuser cette fois-ci :

  • Fuis !

Lorelai ne le voulait pas. Elle voulait rester aux côtés de son amant pour l’aider, mais elle savait aussi qu’elle pouvait devenir une gêne pour ce dernier. Si elle fuyait, alors au moins il pourrait se battre sans remords et sans avoir peur de la blesser au passage. La nu-man hoche alors la tête, reprenant son sang-froid, puis couru à fond la caisse en direction de la sortie de l’appartement. Ronan s’était attaqué à la troisième personne, laissant le temps à Lorelai de prendre la poudre d’escampette.

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