15 - Blessure

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De temps à autres, Ronan trouvait la force d’ouvrir les yeux, avant d’être emporté dans les ténèbres de l’inconscience. Il avait vu le visage inquiet de Lorelai penché sur lui. Il avait vu ses larmes couler le long de ses joues en cascade. Le jeune homme voulait lui dire que ce n’était pas grave, que ce n’était pas une blessure pareille qui allait lui faire la peau. Il avait ouvert la bouche pour parler, mais aucun son n’en était sorti. La nu-man continuait de hurler son nom, le serrant contre elle. Intérieurement, Ronan pesta. Elle allait salir sa jolie robe avec son sang. Pendant un instant, il se rappela du jour où il lui avait offert. C’était peu après son arrivée dans sa vie, pour fêter cela, il la lui avait donné avant de l’emmener manger ensemble dans un restaurant. Il avait beaucoup apprécié la soirée, malgré le fait que sa comparse n’ait aucune bonne manière.

Autour de lui, le brouhaha ambiant s’intensifiait, mais il avait l’impression qu’il s’éloignait. Et l’obscurité était venue le rattraper.

Lorelai n’aimait pas les hôpitaux. L’odeur des produits, le blanc des murs, la propreté presque irréelle… Non. Ne pas aimer était un terme bien trop faible pour ce qu’elle ressentait. Elle détestait ça. Peut-être parce qu’à chaque fois qu’elle avait foutue les pieds dans un hôpital, ça s’était mal passé ? Sans aucuns doutes.

Il y avait d’abord son propre passé, bien trop flou, qui lui montrait les couloirs d’un BioLab ou d’un hôpital. C’était peu, mais assez désagréable. Sans qu’elle ne sache réellement pourquoi, elle avait des frissons quand elle y repensait. Assise sur l’un des bancs dans la salle d’attente, elle se rongeait les sangs. Qu’est-ce qu’elle deviendrait si jamais Ronan… La nu-man secoua la tête. Non. Elle ne pouvait pas penser à cette éventualité. Il était coriace, bien plus qu’elle ne le pensait. Il s’en sortirait. Et peut-être qu’enfin il arrêterait ce travail dangereux. Car même si elle adorait l’accompagner sur le terrain, elle avait toujours peur qu’il arrive quelque chose de terrible.

Mais ce n’était pas au travail cette fois-ci. La jeune femme essayait de remettre les évènements dans l’ordre. Ils avaient été invités à la soirée du bicentenaire, et pendant le repas, ils avaient été attaqués par un groupe de terroristes. Ces derniers avaient rapidement été mis hors de nuire, mais ils avaient eu le temps de faire des dégâts. Et surtout, il y avait des blessés et des morts. Lorelai poussa un soupir à fendre l’âme, puis leva la tête vers l’horloge digitale murale. Il était presque une heure du matin. Elle avait l’impression que ça faisait des heures qu’elle attendait d’avoir des nouvelles de son compagnon. Elle prenait son mal en patience, car elle n’avait pas le choix.

Le grincement d’une porte proche la sortit de ses pensées inquiètes, et elle tourna la tête vers le nouveau venu. Il s’agissait du gouverneur. Ce dernier s’en était sorti avec quelques égratignures mais rien de grave. Il s’approcha de la jeune femme avant de s’installer non loin d’elle. Sa voix fatiguée demanda simplement :

  • Toujours pas de nouvelles ?

Lorelai secoua la tête.

  • Toujours pas.

Morgan poussa un soupir à la fois fatigué et énervé. Il essayait malgré tout de rassurer la nu-man comme il le pouvait, même si en vérité, c’était surtout lui-même qu’il essayait de rassurer.

  • Ronan est un dur à cuir. Ce ne sont pas quelques balles qui le mettront au tapis aussi facilement.

Lorelai hocha simplement la tête, essayant de s’accrocher à cet espoir. Elle avait du mal. Tout ce sang qui s’écoulait de la blessure de son compagnon, elle savait qu’il aurait du mal à s’en sortir.

Ronan était allongé dans une chambre. Il voyait des visages inconnus autour de lui, mais il s’en fichait. Il avait senti qu’on lui piquait rapidement le bras avec une seringue. Il poussa un petit grognement de douleur. Le jeune homme ferma lentement les yeux quand tout commença à nouveau à tourner autour de lui. Il sombrait dans les ténèbres. Il n’y avait plus de douleur. Il ne ressentait plus rien.

Il ne savait pas pendant combien d’heure Il avait dormit ainsi. Une voix familière l’appela, lui demandant de se réveiller, de se lever. Une voix suppliante. Une voix qu’il connaissait bien.

Alors il ouvrit les yeux. Lentement. Les premières sensations qu’il avait ressenties à son réveil, c’était une terrible nausée ainsi qu’une vive douleur au bras gauche. Ronan se rappelait de tout. La soirée de la veille, l’attaque surprise, la panique, et ce tir qui l’avait touché à l’épaule. Avec difficulté, il tourna la tête vers son bras qu’il souleva doucement. Ce n’était plus qu’un moignon entouré de bandages sanglants. On lui avait retiré sa prothèse pour lui prodiguer les soins nécessaires. Il le reposa délicatement sur le lit et soupira longuement. La douleur était insupportable.

  • Ronan…

Lorelai avait les larmes aux yeux en prononçant son nom. Elle murmura avec de lourds sanglots dans la voix.

  • Tu es enfin réveillé.

Il tourna la tête vers la nu-man qui se trouvait près de lui et qui le regardait tristement, les yeux cernés. La voix rauque de Ronan résonna dans la pièce.

  • J’ai dormi longtemps ?

Elle hocha la tête.

  • Depuis hier soir jusqu’à maintenant. Presque seize heures. T’avais une balle dans l’épaule. Les médecins ont dû enlever ta prothèse pour la retirer.
  • Une balle dans l’épaule…

Il secoua doucement la tête. La voix affaiblie, il avait eu du mal à articuler correctement.

  • Bah… Ce n’est pas grave. Toi tu es vivante. C’est tout ce qui compte.

Ronan lui ébouriffa les cheveux avec son bras valide en souriant. Il avait compris en voyant le visage de sa partenaire qu’il serait capable de tout pour la protéger. Même de donner sa vie. Après tout, il avait simplement reçu une balle dans l’épaule. Ce n’était pas cher payé pour revoir le sourire de Lorelai en bonne santé.

Un médecin entra dans la chambre à cet instant, fusillant presque la nu-man du regard. Il se racla la gorge pour indiquer sa présence avant de prendre la parole sur un ton neutre.

  • Votre blessure n’était pas « grave » à proprement parlé, mais vous avez perdu beaucoup de sang. Il va vous falloir beaucoup de repos dans les prochains jours monsieur Laguna.

Il continuait de parler, mais l’agent ne l’écoutait déjà plus. Son regard était rivé sur Lorelai. Il lui souriait, cherchant à la rassurer au maximum. Lorsqu’il raccrocha à la conversation du médecin, ce dernier lui parlait de sa prothèse et d’une opération bien plus légère que celle qu’il avait dû subir la veille. Ronan acquiesça rapidement. Après tout, il avait déjà vécu bien pire par le passé. Il demanda :

  • Combien de temps ça va durer cette opération bénigne ?
  • Une heure, pas plus. Le temps de remettre votre prothèse, de la relier à vos nerfs et de faire quelques ajustements qui ne gêneront pas votre guérison.
  • Très bien. Plus vite c’est fait, et plus vite je peux partir d’ici.

Le médecin lui lança un regard noir.

  • Partir ? Pas avant que je ne vous le dise monsieur Laguna. Pour le moment vous allez rester ici et vous reposer. Nous réaliserons l’opération demain après-midi. Au mieux, vous pourrez rentrer chez vous dans trois jours.

Ronan poussa un grognement ennuyé, mais il n’avait pas le pouvoir de contredire le médecin. Ce dernier s’excusa de ne pas pouvoir rester plus longtemps et sortit de la pièce pour s’occuper d’autres patients, laissant le duo seul à seul.

  • Moi qui pensais que je pouvais rentrer rapidement à la maison, je crois que c’est raté.

Lorelai étouffa un petit rire en entendant son comparse se plaindre.

  • T’as b’soin d’repos. Pas sûre que tu puisses en avoir à la maison.

La nu-man se leva et s’étira pendant quelques instants, avant de reprendre sur un ton un peu plus joyeux.

  • J’ai pas dormi d’la nuit. J’vais rentrer à la maison et me reposer un peu. Je repasserai te voir demain.

Elle se pencha sur son compagnon et déposa un tendre baiser sur son front. Ronan allait dire quelque chose mais Lorelai enchaîna directement :

  • Oh, et avant que j’oublie, ton frère à dit qu’il passerait plus tard. Il avait plein de truc à faire et ne pouvait pas rester.

Le jeune homme hocha la tête. Il savait que son frangin allait devoir rassurer la population après l’horreur de la veille. Mais s’il s’était déjà remis à bosser, c’est qu’il n’était pas blessé. Cela soulagea Ronan d’un poids.

  • Très bien… Repose-toi bien Lore.
  • Toi aussi. T’en as b’soin, plus que moi.

Elle lui fit un clin d’œil avant de refermer la porte derrière elle.

Il faisait déjà nuit quand Morgan pu enfin se rendre à nouveau à l’hôpital où se trouvait son frère. Il n’avait pas pris le temps de passer chez lui pour se changer et s’était rendu directement sur place. Sa journée avait été épuisante, entre les journalistes qui voulaient tous les détails de la soirée, les ordres qu’il avait dû donner pour garantir la sécurité de la population, le déploiement de groupe de sécurité dans la cité... Il avait fait réquisitionner les sections une et deux pour pallier au manque de personnel. La sécurité des habitants de la ville passait avant tout le reste selon son point de vue.

Sans attendre plus longtemps, il laissa ses gardes du corps dans le couloir avant de pénétrer dans la chambre où se trouvait Ronan. Ce dernier regardait les infos qui tournaient en boucle sur le petit écran de la télévision, et se tourna vers son frangin quand ce dernier passa la porte.

  • Ca a été le boulot ? Pas trop difficile d’apaiser les craintes des gens ?
  • Difficile ? Non. Pas avec les effectifs déployés.
  • C’est vrai que tu n’y as pas été de main morte. De là à réquisitionner les deux premières sections…
  • Il faut bien montrer aux gens qu’on s’occupe de leur sécurité et qu’ils peuvent continuer à vivre tranquillement, que ce qui s’est passé hier ne recommencera pas de sitôt.

Morgan avait un sourire amer aux lèvres en repensant à la soirée de la veille.

  • Je ne sais pas ce que ceux qui ont fait ça avait exactement en tête, et ça va être compliqué de le savoir.
  • Ils sont tous morts, c’est ça ?

Le gouverneur hocha la tête.

  • Tous sans exceptions. D’après l’enquête en cours, il s’agit d’un petit groupe d’extrémistes nu-man du secteur quatorze.

Ronan se gratta l’arrière du crâne tout en réfléchissant. Il avait vaguement entendu parler de ce groupe, mais l’avait pris à la légère. Son petit frère poussa un soupir avant de reprendre sur un air un peu plus détendu :

  • Mais bon, on ne va pas parler de ça toute la soirée. Et toi, ça va mieux ?

L’agent fit un signe de tête pour signifier que oui avant d’expliquer :

  • Demain on me remet ma prothèse, et si tout se passe bien, dans trois jour je suis dehors en train de gambader comme si de rien n’était.

Morgan s’était retenu de rire. Mais ça lui faisait du bien de discuter ainsi avec son frère. Il était vivant, et c’était tout ce qu’il demandait.

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