14 - L'attaque surprise

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Le dîner battait son plein, les gens discutaient, riaient, d’amusaient, mangeaient et buvaient. Rien ne pouvait déranger ce moment, surtout pas en ce jour si attendu. Le bicentenaire du projet Equinox. La surveillance habituelle du bâtiment avait été doublée, et même renforcée par la présence de policiers en civils. Armés bien entendus. Tout cela rendait l’Améthyste comme une forteresse imprenable.

Arthur Casey était en pleine discussion avec l’un de ses voisins de table au sujet des dernières avancées technologiques de sa société.

  • … et bientôt, il sera possible de commander son nu-man selon ses préférences. C’est un peu comme si on jouait à la poupée, choisir la couleur de ses yeux, de cheveux, sa corpulence, sa taille…
  • Vous n’y pensez pas monsieur Casey, ce serait complètement fou !
  • Fou mais pas impossible. Je suis sûr et certain qu’il y a un marché potentiel.

L’homme regarda autour de lui, remarquant que les serveurs commençaient à débarrasser les assiettes vides pour commencer à apporter les desserts. S’excusant auprès de son voisin, il se leva.

  • Quelque chose ne va pas monsieur Casey ?

La voix inquiète de Morgan l’interpella, ce à quoi il répondit avec un léger sourire.

  • J’ai mangé un peu trop vite. Ce n’est pas grand-chose, je reviens vite.

L’homme s’éloigna, alors que les desserts commençaient à être déposés à table.

Lorelai avait regardé l’assiette arriver, la bave presque aux lèvres. La part d’Opéra avait l’air délicieuse, et ce n’était pas parce qu’elle avait dévoré son entrée et son plat en moins de temps qu’il ne faut pour dire « ouf » qu’elle avait l’appétit dans les talons. A peine déposa-t-on l’assiette qu’elle se jeta dessus comme une mort de faim. Ronan regarda sa part, faisant l’effort d’en prendre quelques cuillères, mais n’ayant pas la force de la terminer. Il avait déjà bien trop mangé, et ce n’était pas une bonne nouvelle car il savait ce que sa compagne attendait de lui pour la suite de la soirée.

Eva regardait son dessert sans le voir, perdue dans ses pensées. Pour elle aussi, quelque chose n’allait pas. Mais impossible de mettre le petit doigt dessus. Elle leva la tête, son regard se dirigeant vers Karen. Cette dernière était ennuyée. Si personne ne pouvait le voir au premier abord, Eva ne la connaissait que trop bien. Cette façon de taper des doigts sur la table, le bout de son pied qui tapait en rythme sur le sol… Quelque chose n’allait pas. Elle aurait voulu se lever pour aller la voir, mais n’en fit rien. Après le repas, elle irait discuter avec elle. Pour le moment, c’était l’heure de manger… et surtout de glaner quelques informations qui pourraient lui être utile.

  • Tout va bien mademoiselle ?

Une voix qu’elle ne connaissait pas la tira de ses pensées. Elle se tourna alors vers la personne qui venait de lui adresser la parole. De ce qu’elle savait, il s’agissait de l’un des associés d’Arthur Casey. Feignant un petit sourire, elle rassura ce dernier.

  • Oui, je vais très bien. Merci de vous en inquiéter.
  • C’est assez rare de voir une nu-man à un poste aussi élevé, surtout en tant que secrétaire personnelle du gouverneur.
  • Ce fut d’autant plus compliqué qu’il m’a fallu prouver que j’étais bien plus compétente que les autres personnes qui se sont présentée. Et ce n’était pas gagné, vu mon faciès.
  • Ah… Je pensais que c’était autrement. C’est plus facile pour les femmes de trouver un travail, il leurs suffit de mettre leur supérieur dans leurs lit.

Intérieurement, Eva bouillonnait de rage. Qu’est-ce que cet homme tentait d’insinuer ? Qu’elle avait couché avec le gouverneur ou l’un de ses proches pour obtenir son poste actuel ? En tout cas, si c’était une tentative pour draguer, c’était clairement raté. La jeune femme gardait son sang-froid, comme on le lui avait appris. Elle arborait toujours un sourire à son interlocuteur.

  • Il y’a d’autres moyens pour avoir un job. Pourquoi les hommes ne pensent-ils qu’à ces façons-là ?
  • Quand la fille est jolie, c’est rare qu’elle ait grand-chose dans la cervelle…

Il lui fit un clin d’œil. Eva sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Maintenant, elle en était sûre et certaine, elle le trouvait vraiment insupportable et voulait qu’il la ferme. Elle allait ouvrir la bouche pour parler, mais quelqu’un la prit de vitesse.

  • Non, mademoiselle Eva n’est pas venue dans mon lit pour obtenir son poste. Elle a passé les concours comme tout le monde, et a eu les meilleurs résultats. Elle est loin d’être une tête de linotte même si elle est très attirante physiquement.

C’était la voix de Morgan, qui fixait l’homme avec un air légèrement inquiétant.

  • Si vous voulez bien cesser de l’importuner, je vous en remercierais d’avance.

Le gêneur se tût, ne sachant pas où se mettre. Si cela avait été possible, il serait partit se cacher dans un trou de souris le plus vite possible. Mais ce n’était pas envisageable alors il se contenta de rester là sans rien dire, son regard se perdant sur son dessert qui avait commencé à couler dans son assiette. Eva s’était tournée vers le gouverneur, ne sachant pas quoi dire non plus. Elle était simplement gênée de ne pas avoir réussi à battre le caquet de cet importun toute seule. La nu-man se contenta simplement de bredouiller quelques remerciements envers son « sauveur ». Ce dernier lui lança un sourire.

  • Il n’y a aucun mal à dire la vérité. Je n’ai encore rien eu à redire sur la qualité de votre travail. Et ce serait mentir de dire que vous n’êtes pas ravissante.

Eva s’était mise à rougir comme une tomate bien mûre. Elle n’avait pas l’habitude de ce genre de compliments, surtout venant de son supérieur direct. Habituellement, quand ils discutaient, c’était toujours du travail. Elle faisait ce qu’il lui demandait sans faire d’histoire, et cela s’arrêtait là. Il n’y avait rien de plus entre eux. Mais là, savoir qu’il la trouvait plutôt jolie lui avait fait bizarre. Elle allait dire quelque chose, quand un brouhaha inintelligible commença à se rapprocher rapidement.

Lorelai n’était pas loin de terminer son dessert. Il ne lui restait que quelques cuillères à avaler. Et le reste de la soirée allait être amusant, c’est ce qu’elle pensait. Elle pourrait faire ce qu’elle voulait de son amant et se voyait déjà lui demander des choses inhabituelles…

Un énorme bruit en provenance de l’entrée de la salle se fit entendre. Ronan pensa à une bombe, et sans attendre qu’on le lui dise, força sa compagne à plonger sous la table avec lui. En quelques secondes, le dîner tranquille s’était transformé en guerre civile. Des explosions plus ou moins importantes, des bruits de tirs, des hurlements et des pleurs.

  • Qu’est ce qui se passe ?

La nu-man tenait le bras de son compagnon, tremblant de tous ses membres. Elle n’avait pas compris, comme beaucoup de personnes. Tout s’était passé si vite.

  • J’en sais rien. Faut qu’on sorte de là avant de se prendre une balle perdue.
  • Ronan, j’ai peur.
  • Je m’en doute, mais il ne faut pas rester ici. Allez viens !

Eva avait vu celui qui l’importunait quelques instants plus tôt tomber sur le sol, le crâne éclaté par une balle. La jeune femme sentit qu’on lui attrapa le bras avec force, et elle se tourna vers le gouverneur.

  • A terre !

Il la força à se baisser, la serrant contre elle pour ne pas qu’elle soit blessée. Il essayait de trouver des paroles rassurantes.

  • Ca va aller. Ces terroristes ne tiendront pas longtemps. Il y a beaucoup d’agents pour nous protéger.

La nu-man n’avait rien dit, son regard se posant sur le cadavre encore chaud qui se vidait de son sang non loin d’elle. Elle gardait son sang-froid de toutes ses forces, ne voulant pas faire de choses insensées qui signerait son arrêt de mort. Ce n’était pas le moment. Il fallait d’abord qu’elle termine ce qu’elle avait commencé. Ensuite, ce qu’elle deviendrait lui importait peu. Morgan sentit les mains de sa secrétaire serrer sa chemise au milieu de son dos.

Karen et ses collègues s’étaient baissés dès les premiers coups de feu. Malheureusement, ils s’étaient pas armés, et devaient donc attendre qu’on leur vienne en aide. La femme aux cheveux blancs pesta, ce qui n’était clairement pas dans ses habitudes. Si elle avait su, elle aurait pris son arme de service. Mais c’était un peu tard pour ça.

  • Votre pressentiment s’est avéré juste madame Weiss.

La voix d’Ishikawa avait sorti Karen de son énervement.

  • C’est bien trop souvent juste à mon goût et je n’aime pas ça.
  • Moi, ce que je n’aime pas, ce ne pas pouvoir prendre part à la fête avec mon pétard.

Au moins, ils étaient deux dans ce cas-là.

Ronan tenait toujours le bras de sa compagne, cherchant à atteindre la sortie la plus proche. Le bruit des tirs était bien plus intense, et le chaos qui régnait dans la pièce était sans précédent. De temps à autre, un corps tombait lourdement sur le sol.

  • Ne regarde pas.

C’était un ordre. Lorelai ne pouvait qu’obéir. Elle était bien trop perdue pour le moment avec cette peur qui lui tenaillait les entrailles. Plus loin, derrière un lourd nuage de poussière et de fumée, se trouvait une sortie de secours.

  • On y est presque.

L’agent essayait toujours de rassurer sa compagne, alors qu’il avait peur lui aussi. Peur pour la vie de cette dernière. Si jamais elle était touchée, ou pire, tuée, il ne se le pardonnerait jamais. Il ne restait plus que quelques mètres entre le duo et la sortie de secours. Instinctivement, il serra Lorelai contre lui, alors que les tirs pleuvaient autour d’eux. Sa main libre se posa sur la poignée qu’il tourna. En vain. La porte était verrouillée.

  • MERDE !

Il cria presque, mais au milieu du boucan de la salle, cela passa inaperçu. Puis une douleur vive, brûlante, le frappa à l’épaule en un instant. La nu-man qui se trouvait à ses côté s’était mise à hurler son nom, encore et encore.

  • RONAN ! RONAN ! RONAN !

Il suffisait d’une balle perdue. Et Ronan sombra dans les ténèbres.

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