Un jeu dangereux (pt II)

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C'est tellement mystérieux l'Amour. Il est maintenant quatre heures du matin et que c'est l'heure idéale pour te foutre la trouille. Soyons honnêtes. La séduction est meurtrière. Tu es épuisée, tu fantasmes sur le confort de ton lit. Mais crois-moi, ce soir, tu ne dormiras pas.

Une faible lueur de lune perce à travers les nuages, éclairant une ruelle sombre et étroite. L'atmosphère est oppressante, empreinte de tension. Les gouttes de pluie commencent à tomber. Tu te déplaces seule, serrant ton sac contre toi. Tes pas résonnent faiblement sur les pavés mouillés. Tu te crispes légèrement, sentant une présence derrière, tu presses le pas. Les échos de tes talons se font plus insistants. « Respire, il n’y a personne... » L'angoisse montante, tu te retournes et ton regard hésitant plonge dans l'obscurité. Soudain, j'émerge des ténèbres, masqué et je saisis son épaule. Tu pousses un cri étouffé, te débattant.

_ Chut. Ne crie pas, je t'ordonne.

Afin de t'effrayer davantage, je sors un couteau de ma poche, la lame se reflétant faiblement à la lumière de la lune. Tu es terrifiée.

_ Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?

_ Donne-moi ton sac, je réponds d'un ton menaçant.

_ S'il vous plaît, je n'ai pas d'argent …

Pétrifiée, tu tends ton sac à main. Je l'attrape brutalement, le fouille rapidement, trouve un porte-monnaie vide puis le jette au sol. Je te repousse violemment contre le mur de la ruelle. Les gouttes de pluie tombent en cascade, ajoutant à la sensation d'horreur. J'adore ça. Je mets la main dans ma poche, en sortant une flasque dégageant une étrange odeur.

_ L'argent n'est pas ce que je recherche, susurrais-je de manière tranchante.

_ Qu'est-ce que c'est ? demandes-tu, l'anxiété palpable.

Un sourire narquois se dessine sur mon visage en répondant :

_ Un moyen de t'endormir. Tu ne souffriras pas. Tu vas simplement t'évaporer.

Alors que je m'approche de ton doux visage avec la fiole et que tu résistes de toutes tes forces, des phares de voiture inondent la ruelle. Les moteurs résonnent de plus en plus près. Je rechigne.

_ Maudits flics, murmurais-je entre mes dents.

Soudain, une poussée d'adrénaline te pousse à me piétiner violemment le pied et un cri s'échappe de ta bouche. Alors que je laissais tomber la fiole et m'échappais en courant dans l'obscurité, une voiture de police émerge à toute vitesse, s'arrêtant à ta hauteur. Les policiers sortent, leurs lumières clignotantes sous la pluie, ils te rassurent tout en s'adressant à toi, tandis que je m’échappe dans la nuit noire. Le premier policier, d'un ton rassurant :

_ Vous allez bien mademoiselle ? Avez-vous vu l'homme ?

_ Il... Il allait me faire... Il avait une fiole... Parvins-tu à articuler, encore sous le choc.

Pendant que les policiers fouillaient la ruelle à la recherche du moindre indice pouvant les mener à l'homme mystérieux, Hailey était tourmentée par une vague d'horreur et de soulagement mêlés. L'agresseur, quant à lui, n'avait en réalité jamais quitté la proximité des lieux de l'attaque. Dissimulé dans l'encadrement d'une porte négligée à quelques mètres de là, il s'était fondu dans la pénombre, devenant partie intégrante de l'obscurité opprimante qui enveloppait la ruelle. Il retenait sa respiration à chaque pas des policiers, à chaque faisceau de lampe qui frôlait sa cachette. Il observait toute la scène se dérouler avec une obsession emplie d'effroi : l'expression bouleversée de sa victime, la rapidité avec laquelle les autorités étaient arrivées, et les silhouettes menaçantes que leur présence projetait sur les murs humides.

Il était comme une araignée au coeur de sa toile, patiente et invisible. Certains diraient que son habileté à se camoufler relevait de la prédation naturelle, tandis que d'autres soutiendraient qu'il avait étudié et planifié méticuleusement son évasion, connaissant le dédale de passages et de recoins sombres à la perfection. Pour lui, cette proximité avec la police, la possibilité de sentir le frisson de l'invisible à la portée de sa main, n'était qu'une autre forme de pouvoir. La peur qu'il avait imprimée dans l'esprit de Hailey et le désarroi viscéral qu'elle ressentait maintenant, c'était l'image troublante qu'il peignait dans sa mémoire dérangée, qui l'emplissait d'une exaltation sombre et perverse. Même alors que les lumières bleues et rouges clignotaient et que les radios crépitaient, il notait chaque détail, l'enregistrait dans l'encre noire de son esprit. Il écoutait les conversations entrecoupées, anticipant les démarches futures de l'enquête, et apprenait à travers la frayeur et la confusion. Il se délectait du savoir que malgré leur recherche minutieuse, il était là : un fantôme au milieu d'eux, le monstre qu'ils cherchaient à la portée de leur bras mais hors de portée de leur regard.

Les policiers se séparèrent finalement, escortant Hailey en sécurité sans jamais soupçonner la présence du prédateur qui les avait observés, apprenant d'eux, et qui continuait maintenant à suivre chaque battement de cœur de sa proie choisie. Son départ de la ruelle n'était qu'un mouvement élégant dans sa danse macabre, un pas de plus dans son jeu cruel, un jeu où Hailey était involontairement devenue le centre de son univers tordu. Avec une précision chirurgicale, il suivait leur trajet, toujours caché, toujours proche, fraudant l'amenuisement des derniers échos des voix de l'autorité dans la nuit. Il était le spectre sur leur piste, la menace non vue mais toujours crainte, la promesse sinistre d'un retour effrayant à la réalité que Hailey espérait jamais affronter à nouveau.

Les policiers sont préoccupés, leurs regards scrutent chaque recoin de la ruelle sombre à la recherche de l'homme mystérieux, mais il semble s'être évanoui dans les ténèbres, ne laissant aucune empreinte ni indice derrière lui. L'absence de signes évidents renforce le sentiment d'angoisse qui règne. Les lumières clignotantes de leur patrouille jouent sur les murs mouillés, créant des ombres menaçantes qui semblent se refermer sur vous.

Les policiers, compatissants face à ta peur palpable, t'aidèrent à te relever, te soutenant alors que tu étais sur le point de chanceler. Ils ne savent pas grand-chose de l'homme qui t'avait attaquée, mais leur priorité était de te protéger. Leur présence rassurante te permit de reprendre lentement ton calme, bien que la peur brillait toujours dans tes yeux. La deuxième policière, une jeune femme aux traits déterminés, prit son téléphone pour appeler une ambulance. Le son du bip-bip rapide du combiné accentuait la tension ambiante.

Tes esprits reprenaient lentement le dessus, tandis que tu attendais, anxieuse et frissonnante, les secours. Pendant que les secours se dirigeaient vers vous, le premier policier, un homme d'une quarantaine d'années au regard réconfortant, t'expliqua qu'il serait préférable de déposer une déclaration officielle au poste de police. Cette déclaration aiderait à démêler cette affaire troublante et contribuerait à garantir ta sécurité. Ta tête hochant faiblement, tu sembles donner ton accord, mais l'inquiétude rongeait toujours ton esprit, te laissant dans la crainte constante que l'homme mystérieux puisse réapparaître à tout moment.

Les agents de police t'escortèrent chez toi, s'assurant que tu arrives sans encombre à l'intérieur de ta demeure. Ils s'en allèrent après t'avoir rassuré une fois encore et t'avoir garanti qu'ils resteraient joignables si besoin. Ta gratitude à leur égard était sincère, mais la terreur restait ton unique compagne. Une fois seule, tu luttas pour retrouver ta contenance, mais le visage de l'homme inconnu et la fiole persistaient dans ton esprit. L'obligation de faire une déclaration au poste de police le lendemain pesait lourdement sur toi, chaque silhouette dans la rue te semblait menaçante.

Finalement, tu te résolus à aller te coucher, espérant que le sommeil chasserait les cauchemars de cette soirée. Cependant, à peine avais-tu fermé les yeux que ton esprit fut assailli par des visions troublantes. Le reste de la nuit, interminable, fut peuplé par des rêves troublants. Alors que tu étais aux prises avec un cauchemar où l'homme inconnu te poursuivait implacablement, un bruit soudain te réveilla en sursaut. Un écho de coups frappés à ta porte déchira le silence nocturne. Ton cœur prit un rythme effréné, la pensée que l'inconnu était revenu te tourmenter te terrifia.

En comprenant que tu ne réagirais pas, je décidai de prolonger la sonnerie, marquant avec insistance que ce n'était pas une coïncidence. Tout en maintenant cet environnement effrayant, je laissais une rose noire maculée de sang devant ta porte, un symbole morose de ma présence et de mon omniscience. Tu te précipites chez ton voisin, Valentin. Invitée à entrer, tu refuses, ne voulant pas mêler quiconque à cette situation perturbante.

— C'est toi qui as laissé ça devant chez moi ?

Tu entends un "non" pour réponse, mais avec une pointe d'amusement, il ajoute :

— Non, mais si personne se dénonce, je le ferai volontiers.

Valentin semble presque amusé par la situation, mais son ton change en découvrant l'inquiétude sur ton visage.

— Qu'est-ce qui se passe ? Toutes les femmes aiment les fleurs, tenta-t-il de minimiser.

Ta réponse est rapide, empreinte de peur :

— Pas celles couvertes de sang, lui répondis-tu en secouant la tête.

Il parut surpris :

— Quoi ?

— Regarde c'est du sang j'te dis.

Il essaie alors de minimiser la situation, soucieux de ne pas t'effrayer davantage :

— C'est surement un accident, regarde, les roses ont des épines. Peut-être que ton admirateur secret est maladroit.

Mais la question persiste dans ton esprit :

— Un admirateur secret, à sept heures du mat' ?

Soucieux, il essaye de prendre cela à la légère. Il ne veut pas te faire peur.

— Faisons le simple ! Qui d'autre offrirait des roses sans se faire connaître ? Répond-il pour te rassurer.

Puis, il t'encourage à ne plus y penser, garde la rose et te conseille d'aller te coucher. Cependant, ton inquiétude ne s'apaise pas et tu te montres réceptive tout en gardant une part de scepticisme. Alors que tu te glisses à nouveau dans ton lit, tes pensées vacillent entre les événements choquants de la journée. Finalement, tu parviens à t'endormir, mais ton sommeil est agité.

Quelques heures plus tard, tu te retrouves face à un choix déchirant. Devoir te rendre ou non au poste de police pour effectuer ta déclaration dans l'espoir de résoudre ce mystère et d'assurer davantage ta protection, ou choisir de garder le silence sur cette rencontre terrifiante dans l'espoir qu'elle ne se reproduit pas. Ton cœur battait la chamade à chaque pensée de quitter ta maison, et l'angoisse t'étreignait à l'idée de t'aventurer à l'extérieur. Mon fantôme semble encore rôder autour de toi, et l'éventualité d'une nouvelle confrontation te plonge dans une peur glaciale.

Quelques heures plus tard, enveloppée dans une couverture comme si tu cherchais à te protéger du monde extérieur, tu réfléchis intensément. Ta respiration est saccadée, ton esprit agité. Chaque son, chaque bruit semble annoncer le retour de cette présence malveillante. Un choix difficile s'étale devant toi comme un chemin semé de ronces et de cailloux tranchants : faire face à la réalité au poste de police ou te terrer dans un silence tourmenté qui pourrait se transformer en tombe. Mais si, par ton silence, tu devenais complice d'une suite d'événements tout aussi terrifiants ?

Malgré la peur envahissante et armée d'un courage fragile mais déterminé, tu te lèves. Les minutes paraissent des heures alors que tu te prépares, chaque mouvement une conquête sur ta paralysie. Arrivée à la porte, tu hésites un court instant, les mains tremblantes sur la poignée. Une bouffée d'air frais te saisit lorsque tu t'aventure dehors et dans la lumière crue du jour. Les rues normalement familières te semblent étrangères et menaçantes. Tu te lances avec une détermination teintée d'appréhension.

À peine arrivée au poste, une voix, neutre et professionnelle, retentit :

— Bonjour, comment puis-je vous aider ?

La conversation qui suit semble surréelle. Tu retraces les événements, ta voix tremble parfois mais reste claire. Chaque mot prononcé est un pas de plus loin de l'estran mortel où se perdent les âmes. Tu pars finalement avec la promesse d'une protection, d'une vigilance accrue autour de toi. La peur ne disparaîtra pas instantanément, mais un poids semble se lever de tes épaules.

Tu quittes le poste de police avec un poids en moins sur la conscience, mais le souvenir glacial de cette nuit te colle à la peau. Alors que le lycée apparaît au détour d'une rue, tu inspires profondément et tente de remettre de l'ordre dans tes pensées. C'est le moment de la pause de 10h, une parenthèse bruyante et frénétique dans la journée des lycéens.

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