Un jeu dangereux (pt III)

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Quelques minutes plus tôt, au lycée

Valentin s'appuyait nonchalamment contre le mur froid des toilettes du lycée. Il observait discrètement Lily, assise sur le bord du lavabo. Ses sourcils légèrement froncés. Il y avait une allégresse magique qui dansait sur ses lèvres.

— Lily, commence-t-il d'un ton qui tente vainement de masquer son arrogance naturelle, c'était cool, vraiment.

La jeune fille se retourna vers lui, un sourire innocent se dessinait encore sur son visage. Valentin répondit par un sourire rassurant, tout en observant le reflet écarlate de Lily dans le miroir, ses cheveux désordonnés et sa mine confuse.

_ On s'est bien amusés, n'est-ce pas ?

Valentin s'efforçait de lui donner de l'assurance à travers ces paroles. La rousse hoche la tête, reconnaissant à contrecœur ce qu'il venait d'insinuer. Toutefois, un sentiment de malaise commençait doucement à se dessiner.

_ Pourquoi tu me dis ça maintenant ? Demande-t-elle avec une légère crainte dans la voix.

— Parce que, mon petit ange, poursuit-il avec un sourire aussi désolé qu'une publicité mensongère, aujourd'hui, c'était toi. Demain... Ce sera quelqu'un d'autre.

Le sourire sordide qu'il arbore ensuite est le coup de grâce. À cet instant, Valentin incarne tout ce qui est détestable dans l'adolescence arrogante et impulsive, plus soucieuse du plaisir immédiat que du cœur brisé laissé sur son passage. L'attitude désinvolte de Valentin fit s'effondrer les derniers espoirs de Lily. Son geste arrogant, passant sa main dans ses cheveux impeccables suivi de son sourire calculé lui renvoya la dure vérité. Puis, il s'approche d'elle, laissant ses doigts toucher brièvement la joue de Lily avant de murmurer :

_ C'était bien, c'était... Excitant. Juste... De l’amusement, quoi.

Un silence glacial s'installe alors que Lily met du temps à traiter ce qu'il vient de lui dire. Valentin l'observe quelques secondes, sa vérité cruelle ancrée dans ses paroles, avant de se diriger vers la porte.

_ Je vais devoir y aller...

Et c'est ainsi qu'il la laisse là, seule dans les toilettes du lycée. Lily regarde Valentin partir, les larmes commencent à déborder de ses yeux tandis qu'elle réalise soudainement la cruelle vérité de tout ce qui vient de se passer. Terrifiée et blessée, elle se barricade dans les toilettes, refusant de faire face au monde à l'extérieur.

Moment présent

— Valentin !

Oh, seigneur, voilà le phénomène local, Valentin Vier. L'incarnation en chair et en os du playboy lycéen. Son sourire rappelle tant une publicité pour dentifrice que ça en devient presque osidique, prêt à se déployer dès que le moindre tissu féminin effleure son regard. Et quand il s'agite, ses abdominaux définis à l'extrême sont si ostensibles qu'on pourrait se demander où poser la planche à laver. Le tout moulé dans un débardeur noir si ajusté, on dirait qu'il l'a cousu lui-même.

Rose s’était élancée à la sortie des toilettes du lycée, les yeux flamboyants de colère. Elle avait abandonné Lili, prostrée dans un coin de la salle d'eau, pleurant à chaudes larmes. Leur échange verbal était une routine quotidienne, autant pour moi que pour le reste du lycée.

— Rose ! J'ignore si c'est l'éclairage, mais tu es plus ravissante à chaque seconde, débite-t-il avec un aplomb quasi comique.

Alors voici Rosita Bispo, cette petite tornade portugaise fière et insoumise, appelée affectueusement Rose. Le petit ballon poilu, comme la surnomment ses proches, est une vraie geek plus habile aux combats de karaté qu'à l'épilation. Ses poils de barbe étant une égide de rébellion contre les diktats de la beauté.

— Ta gueule ! T’es allé baiser Lily dans les chiottes. Résultat, elle chiale comme une conne et veux plus en sortir.

Lily et Valentin, une relation à sens unique enterrée dans une toilette de lycée.

— Ah, mon p’tit cœur, elles sont insatiables ces filles, grommelle Valentin tout en débordant d'auto-satisfaction. Elles ne peuvent pas résister à mon arc et mes flèches, si tu vois ce que je veux dire.

Un rire unilatéral, aussi déplaisant que prévisible, suit cette cinglante réplique. Parfois, je me demande ce qui me retient de lui coller une beigne. Ah, oui, sa performance au basket, c'est bien ça. Rose, dédaigneuse, riposte :

— Et dans ton monde imaginaire, tu possèdes un fan club secret qui inonde ta boîte aux lettres de déclarations enflammées ?

Valentin haussa les épaules, regardant Rose comme si elle était une équation compliquée qu’il n’arrivait pas à résoudre :

— On a juste joué à un petit jeu qu’elle n’a pas su gagner. Chaque jour un autre plan. Et aujourd'hui, c'était elle.

Un sourire insolent étire ses lèvres tandis qu’il parle. Elle lui claque une gifle, aussi brutale que surprenante, qui laisse une marque rouge sur sa peau pâle. Rose est si théâtral qu'elle mériterait un Oscar. Sans un mot de plus, elle tourne les talons et se dirige en direction inverse, bousculant au passage les figurants malchanceux sur son chemin. Laissant Valentin seul au milieu du couloir, décontenancé. Leur relation, si on peut appeler ça ainsi, est aussi stable qu'une voiture sans freins sur une pente raide.

Au même moment, dans les toilettes du lycée, Lily, avec ses yeux gonflés et son cœur brisé, se lève pour finalement décider de prendre les choses en main. Un regard déterminé collé à son visage.

Quant à moi, je prends note de l'événement et je me prépare à affronter la fin de semaine. Je déteste les vendredis — ces jours infâmes préfigurations de la débauche du weekend. L'humanité entière semble sortir de ses grottes, libérée de ses contraintes, dans une débauche ayant le goût amer de l'alcool qui les consume, conduisant à des actions absurdes dont le lendemain matin ne sera marqué que par des souvenirs flous, prêts à jurer sur tous les dieux qu'ils ont les meilleurs amis du monde. Ces mêmes personnes, aussi naïves qu'insouciantes, garantissent malgré elles mes moments opportuns.

Tu te prépares, épuisée par cette longue journée, à retrouver l'apaisante solitude de ton foyer. C'est à l'instant précis où je me résous à décliner poliment l'offre persistante de ma compagne que Valentin, opportun, s’immisce dans ta soirée. Il suggère un dîner, une invitation amicale jetée comme un manteau sur la froideur du soir. Lui, grand seigneur, promet de se muer en parfait gentleman, de ne point entacher l'atmosphère de maladresse. Un masque d'amitié dissimulant le sourire du prédateur, tandis que je suis là, impuissant.

— Hey Hailey, je... commença-t-il, ses yeux cherchant les siens, je suis désolé pour ce matin. Je me suis comporté comme un idiot, et je voudrais me faire pardonner. Accepterais-tu de venir dîner avec moi ce soir ?

La question de Valentin te prend au dépourvu.

— Je ne sais pas, Valentin... tu murmures, hésitante.

— Il faut bien que tu manges quelque part, non ?

—Je suppose, et un peu de compagnie me serait bien agréable.

— Il y a un nouveau restaurant du côté de la rue Thizy.

Dans un éclair de lucidité, tu réalises peut-être que la réalité est moins sombre que tes frayeurs nocturnes, et peut-être que ce dîner est une étape nécessaire pour retourner à une normalité tant désirée. Et ma préoccupation s’intensifie davantage. Valentin, semble être dans son élément, balançant ses cheveux et affichant son sourire de tombeur. Ses yeux te fixe avec une intensité qui dévoile clairement son intention. De ton côté, tu sembles un peu mal à l'aise face à son assurance. Néanmoins, en pleine conversation, comme pour affirmer son autosuffisance, Valentin égratigne ton amour pour la musique.

— Te voilà à écouter de la musique alors que nous échangeons en personne, quel affront !

Prise en flagrant délit, tu as rougi, sur le point de t'excuser. Lui, un ami ! En dépit de mon irritation face à sa remarque offensante et à la tournure des événements, j'ai décidé de vous suivre, en guise de sécurité. On pense connaître les gens, mais d'après mon expérience, la vigilance est souvent nécessaire. Vous voilà donc dans ce restaurant médiocre, du moins à mon goût. Vous êtes accueillis par la mélodie des conversations, le claquement répété des couverts sur les assiettes. L'éclairage tamisé des lustres en cristal plonge ce décor naturellement élégant dans une ambiance romantique. C’est alors qu’un serveur s’approche de votre table pour prendre votre commande. Tu t'autorises un verre de vin rouge, tandis que Valentin opte pour une bière artisanale. Il échange quelques plaisanteries avec le serveur.

La conversation s'engage alors, le sujet de celle-ci se perd dans les détours de mes pensées, mais mes yeux demeurent fixés sur vous. En spectateur discret, je me mêle à l'ombre, observant cette tragi-comédie, dressant mentalement l'acte de chaque échange. La soirée s'écoule entre trivialités et échanges futiles. De temps à autre, Valentin laisse échapper un rire bruyant, attirant l'attention des autres clients. Tu l'écoutes attentivement, répondant par un hochement de tête tout en sirotant ton verre. Puis, Valentin se penche pour te murmurer quelque chose à l'oreille, tu te retires instantanément, l'air légèrement choqué. Valentin sourit et lève les mains en signe d'apaisement. Malgré cette interaction abrupte, votre soirée se poursuit dans un ballet de discussions et de rires.

Finalement, l'heure de la séparation sonne. Il est temps pour moi aussi de quitter l'arène lorsque votre dîner touche à sa fin. Je vous observe du coin de l'œil, tandis que vous réglez l'addition et quittez le restaurant. Valentin propose de te raccompagner, mais tu refuses poliment. Je ressens un soulagement à peine camouflé lorsque vous finissez par vous séparer.

— À la prochaine, te lance-t-il avec un sourire serein.

— À demain.

Toi, tu te diriges vers ton habitation pour quelques heures de récupération avant de replonger dans la tumultueuse arène sociale. Mais tandis que Valentin s'évanouit dans un autre coin de la nuit, je me lève silencieusement pour suivre ta trace, mon rôle de protecteur secret me portant dans ton sillage. Ce soir-là, pris entre la lueur des lampadaires et l’ombre des ruelles, je me suis promis de veiller sur ton bien-être, d’éloigner cette menace insaisissable qui plane comme un spectre.

Arrivant au bas de l’immeuble, tu récupères ton courrier et tu remarques une lettre à mon nom parmi eux. Tu envisages de frapper à ma porte lorsque je passe devant toi, affichant un sourire.

— Hé !

— Salut, à quoi dois-je ce plaisir ?

— J’ai une lettre pour toi.

— Rappelle-moi de remercier mon facteur.

Et voilà l'Amour, un mystère se dissimulant entre les sourires et les silences. Et c'est ainsi que finit ta soirée, sur une note légère et souriante. À ce moment, tu ne sais pas encore que tout va basculer dans les jours à venir. Mais pour le moment, tu t'allonges dans ton lit en repensant à ta soirée, tu souris bêtement dans l'obscurité et t'endors.

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