Retour de flammes (pt I)

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Point de vue Simon

L'aube étirait ses premiers rayons, hésitants, comme s'ils étaient réticents à révéler le jour particulier qui s'annonçait. Dans mon modeste pavillon niché au cœur de la banlieue, une tension presque tangible saturait l'atmosphère. Ce matin-là, bien que le soleil lançât ses projecteurs à travers les rideaux de ma chambre, il ne parvenait pas à percer l'obscurité de mon esprit.

Quand je commençai ma descente de l'escalier, les voix provenant du salon me parvinrent. L'une d'elles, absente depuis une éternité, façonna mon visage en une grimace de surprise accablée. En bas, je trouvai cette silhouette spectrale qui avait déjà trop longtemps hanté mon existence. Ma mère, d'une fragilité déconcertante, se tenait devant le portrait familial, le regard perdu entre passé et présent. Le temps avait tracé sa route sur son visage, mais c’était bel et bien elle, ma mère.

J'avais passé des années à me demander pourquoi elle m'avait laissé. Elle était devenue un fantôme dans ma vie, une ombre qui planait toujours sur moi.

— Simon… Sa voix tremblante et incertaine, comme un vent errant dans une forêt maudite.

À dix-sept ans, je m'efforce de contenir la colère bouillonnante en moi. Après toutes ces années, ma génitrice réapparaissait. Une présence non désirée, non anticipée. Elle était là, tapie dans un coin du salon, anxieuse et consternée. Le temps n’avait pas effacé ces doux yeux de mon passé. Je me figeais, paralysé par un déluge soudain d'émotions refoulées. Je voulais la prendre dans mes bras, lui poser mille questions, comprendre. Mais la douleur et la colère me maintenaient à distance.

Lentement, elle prit une grande inspiration et, dans un murmure tremblant, elle commença à parler.

— Simon, je suis désolée.

Les larmes perlaient dans les yeux de ma mère. Elle semblait fragile, vulnérable, comme une plume perdue dans une tempête violente. Elle avait tout l'air de quelqu'un qui avait longtemps préparé ce moment, espérant retrouver son fils. La tension dans la pièce était palpable. Je restai assis en face d'elle, les bras croisés, le regard dur. Mon père, assis dans un coin, son cœur balloté entre réconciliation et loyauté envers son fils.

— Tu es désolée, craché-je, la voix pleine de ressentiments. Tu es désolée d'avoir disparu pendant toutes ces années ? Tu es désolée de nous avoir abandonnés ?

— Tant de choses se sont passées, et à cause de tant d'erreurs...

Les mots crépitent à travers la pièce, brûlants et coupants comme des lames de feu. Ma mère baissa les yeux, incapable de soutenir mon regard. Un rire aigre et cinglant s'échappa de mes lèvres.

— Des erreurs ? Tu te fous de ma gueule ? Tu es partie quand j'étais encore enfant ! Tu n'étais pas là quand j'avais le plus besoin de toi. Des erreurs, hein ? La bonne blague !

Ma mère, les larmes coulant de ses yeux comme des perles naufragées dans un océan de regrets, ne parvenait pas à répondre. L'atmosphère était électrique. Mon père, bouche bée, silencieusement englouti par son siège, semblait dépassé par les événements, impuissant face à cette réunion explosive.

Je secouai la tête, ma frustration transparaissant à travers chacun de mes traits.

— Tu n'en as pas besoin.

— Je suis prête à faire tout ce que tu voudras, Simon, tout. J'ai une autre famille maintenant, mais cela ne signifie pas que je ne t'aime pas.

L’ex-mari de ma mère posa une main réconfortante sur mon épaule, essayant de calmer la situation.

— Simon, nous voulons tous que cela fonctionne. Nous sommes ici pour toi aussi, tu sais. Ta mère a regretté sa décision chaque jour depuis qu'elle est partie.

Mais je ne voulais rien entendre. Subitement, je bondis de ma chaise, la renversant derrière moi.

— Tu n’as pas le droit de la défendre ! Pas après ce qu’elle a fait, lançai-je un regard plein de défi à ma mère. Je n'ai pas besoin de toi. Ne pense pas pouvoir revenir dans ma vie comme si de rien n'était. C'est trop tard.

Je sortis de la maison en claquant la porte, laissant ma mère en larmes et mon père dans un état de confusion totale. Quand j'arrivai au lycée, j'étais toujours aussi furieux. Je simulai la normalité devant mes profs. Je refusais de parler de mes problèmes, de mon passé douloureux. Je préférais arborer un visage impassible, sourire quand il le fallait, et continuer de vivre ma vie. Le chaos grondait en moi.

Je me sentais désormais partagé entre mon rôle et ma réalité. La douleur et la colère que je ressentais se faisaient de plus en plus insupportables. J'étais distrait, perdu dans un bric-à-brac d’émotions. Mes amis remarquèrent mon manque flagrant de concentration, mais je balayai leurs préoccupations d'un revers de la main. Je ne voulais pas qu'ils sachent ce que je traversais réellement.

Après la visite impromptue de ma mère, j'étais submergé par un torrent d'émotions conflictuelles. Je ressentais une rancœur intense à l’égard de celle qui m'avait mis au monde, pour sa désertion et son absence persistante. Peut-être aurais-je pu excuser ces actes si elle avait maintenu un semblant de contact, un minimum de soutien. Mais elle m'avait abandonné, laissant un trou béant dans mon cœur, un vide qui exprimait mon désespoir même. Et mon père, qui semblait progressivement me rejeter, sans considérer les répercussions sur son fils qui était en plein naufrage existentiel, exacerbait ma détresse.

Hailey, mon amour perdu, avait aussi quitté le navire, me préférant Lùca, mon ami qui paraissait ne même plus m'accorder d'importance. Bien que j'aie pu passer outre sa tromperie avec Lùca, j'étais convaincu qu'Hailey avait fait une erreur et qu'elle reviendrait vers moi.

Me sentant écarté et à bout de forces, je cherchais désespérément un réconfort, une échappatoire à ma souffrance. Ma vie était devenue un cauchemar constant. Submergé par la tristesse que j’avais enfouie depuis longtemps, la colère qui s’était éveillée en moi depuis le départ de ma mère commençait à se métamorphoser en quelque chose de bien plus sombre. Une part de moi, véritablement terrifiante et jusque-là réprimée, refaisait surface.

Incapable de comprendre cet abandon répété, je fus poussé par une ironie cruelle à solliciter Hailey, mon dernier havre dans la tempête des émotions la nuit passée chez elle, empoisonnée par l'abus d'alcool, libéra la part la plus sombre de mon âme, m'engloutissant, j'ai perdu le contrôle et me suis vu transformer en prédateur envers Hailey, projetant sur elle ma rage et ma douleur intérieure. Horrifié par mes gestes, je prends la fuite, la laissant pétrifiée par l'effroi ébranlé, je peine à comprendre ma descente en cette abjection, aux yeux d'Hailey, l'amie qui m'accordait une confiance sans faille

Les larmes d’Hailey ne cessaient de couler, mélangeant tristesse, peur et dégoût. La réalité de l'horreur qu'elle venait de vivre se manifestait dans chacune de ses fibres. Les images de l'agression sont gravées dans sa mémoire, imprégnant chaque instant où elle ferme les yeux. Hailey se sentait coupable également, comme si elle avait provoqué cette réaction violente. Des questions sans réponse la laissaient seule avec ses démons intérieurs. Le choc passé, elle céda à la colère et à une rage incommensurable.

Auparavant forte et indépendante, elle se sent brisée, vulnérable. À partir de là, elle évite tout contact avec moi. Durant les jours qui ont suivi cette terrible nuit, ni elle ni moi n'avons trouvé le sommeil. Le souvenir de son visage terrifié quand j'ai tenté de l'agresser me hante sans répit. Je sens le poids de ma propre violence me submerger d'une force dévastatrice. La culpabilité engloutit mon âme, tandis que le remords me lacère le cœur.

Malgré cela, je sais que je ne peux pas simplement effacer ce qui s'est passé. J'ai mal agi, d'une manière impardonnable. Mais comment faire amende honorable après avoir commis un tel acte ? Je ressens une répugnance écœurante envers moi-même pour ce que j'ai fait. Pourtant, j'espère pouvoir présenter mes excuses à Hailey, essayer de rectifier mes erreurs du passé. Non seulement je l'ai maltraitée, mais j'ai également perdu l'amour d'Hailey, la seule que j'aie toujours aimée. Je suis anéanti.

Je prends donc la décision d'écrire une lettre à Hailey, où j'y décris tout mon ressenti et mon profond regret, exprimant la douleur abyssale qui m'habite. C'est la première étape vers ce qui semble être un long chemin de rédemption. Je sais que j'aurai besoin de temps pour guérir de mes blessures, mais je fais le serment de devenir une meilleure version de moi-même, pour elle et, surtout, pour moi-même.

À chaque fois qu'elle me croise dans les couloirs de l'école, un frisson d'angoisse parcourt sa colonne vertébrale. Me fuyant de manière instinctive, elle évite mon regard, le croiser pourrait déclencher une avalanche de souvenirs douloureux qui la submergeraient. Hailey se sent salie de l'intérieur, une crasse intérieure impalpable malgré les litres d'eau qu'elle ingurgite dans l'espoir de se purifier. Une part d'elle commence à croire qu'elle mérite toute cette humiliation. Elle égrène ses pensées, s'interroge sur sa stabilité mentale avant de prendre conscience de la monstruosité de la situation, de comprendre qu'aucun être humain ne devrait être traité ainsi. Pour pouvoir aimer vraiment, elle doit d'abord apprendre à s'aimer elle-même.

Quelques jours passent, jours rythmés par la terreur et l'insomnie, quand Hailey décide de me confronter. Les larmes qu'elle a si longtemps retenues menacent maintenant de déborder, tandis que son cœur tambourine dans sa poitrine. Elle m’invite à la rencontrer. Hailey se tient là, immobile, son cœur bat à tout rompre alors qu'elle se prépare à la confrontation. Elle a répété ses mots minutieusement, mais à présent que je suis là, devant elle, tous ses mots échappent à son esprit.

Son expression à mon arrivée reflète une myriade de sentiments déconcertants, de la confusion à la culpabilité, intensifiant encore le malaise qui remplit la pièce. Je suis prêt à ouvrir la bouche, à parler, mais c’est elle qui prend la parole en premier.

— Il faut qu'on parle, dit-elle, sa voix trahissant une tremblante faiblesse malgré elle.

Je hoche la tête, les yeux rivés au sol.

— Je… Je suis désolé, Hailey, je trouve la force de dire, ma voix noyée dans le regret.

Je suis pris au piège de ma propre erreur, balbutiant des excuses, tentant de justifier mon acte, mais à chaque mot, je sens la vague d'indignation d'Hailey grandir. Mes excuses semblent raviver sa colère plutôt que de soulager sa douleur.

— Des excuses ? Elle demande avec indignation. Tu penses qu'une simple excuse va effacer ce que tu as fait ?

Elle rejette mes explications vagues et creuses. Mes mots, une mélodie triste, résonnent dans le vide. Elle ne veut pas de mes excuses, elle n'a pas besoin d'entendre des justifications banales. Pris de surprise, je lève les yeux pour la première fois depuis notre dernière rencontre tragique.

— Ce n'est pas ce que je... Je commence, mais Hailey m’interrompt.

— Non, Simon. Ça ne marche pas comme ça. Tu m'as fait du mal. Tu m'as trahie de la pire manière qui soit. Et tout ce que tu as à dire c'est... 'Je suis désolé' ?

Elle secoue la tête en laissant les larmes couler librement.

— Tu m'as fait sentir sale. Dégoûtée de moi-même. J'ai cru que je méritais ce que tu m'as fait. J’ai ressenti cette culpabilité pour tes erreurs.

Hailey prend une profonde inspiration, essayant de maîtriser sa respiration. Je reste silencieux, le regard fixé sur elle, sans oser la couper. Tout ce qu'elle souhaite, c'est que je comprenne le poids dévastateur de mes actions. Elle sait que rien de ce que je pourrais dire maintenant ne réparera la blessure que j’ai causée.

— Je ne veux pas entendre tes justifications, Simon. Je ne veux pas savoir comment tu étais perdu ou comment tu as ‘cédé à tes démons'. Tout ce que je veux que tu comprennes, c'est comment tu m'as brisée. Comment tu as détruit ma confiance non seulement en toi, mais en tout.

Hailey respire lourdement, lâchant finalement les mots qui lui brûlent la langue. Panique envahissant mes pensées, je réalise pour la première fois l’ampleur de mon acte.

— Je... Je ne savais pas, Hailey. Je ne savais pas… Je murmure, les larmes envahissant mes yeux. Je m’en veux tellement…

Je m’arrête, incapable de continuer.

— Et bien Simon, murmure-t-elle avant de se tourner pour partir, me laissant seul avec mes pensées. "Il est temps pour toi de t’en rendre responsable."

Notre conversation s'achève sur une note amère. Hailey m’extirpe la promesse d’essayer de changer, de devenir une meilleure personne. Mais dans son cœur abîmé, elle doute de cette promesse, incarnant une confiance déjà fracturée.

Comme si la situation ne pouvait être plus sombre, le harceleur d'Hailey surprend notre conversation. Voyant une opportunité, il intensifie son harcèlement, poussant Hailey à se sentir plus traquée et plus vulnérable.

(Souvenirs) Point de vue Hailey

Avec le temps qui passe, je m'isole de plus en plus, me cloîtrant dans ma propre réalité torturée. Une réalité dans laquelle la confiance est un objet brisé, la peur un compagnon constant et les promesses de simples mots vides. Déchirée entre l'envie de fuir et la peur de ce que mon harceleur pourrait faire, je me sens prise au piège dans un cauchemar sans fin, une spirale descendante qui me ronge de l'intérieur.

Ma résilience a ses limites, et je me demande si je suis prête à affronter une autre bataille. Une bataille pour ma propre survie, pour ma propre liberté. Mais quelque part au fond de moi, une étincelle d'espoir subsiste, cette émotion qui vient du plus profond de mon être et qui me rappelle que je peux rester forte face à ces épreuves, que ma résilience peut me permettre de les surmonter. Car comme le disait Albus Dumbledore dans l'une de mes sagas préférées : « On peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres… il suffit de se souvenir d'allumer la lumière. »

Dans la grande salle du studio de photographie, les éclats de rire de Sami et Lara, la jeune photographe, résonnent. La scène est baignée d'une lumière douce et chaleureuse qui caresse la peau teintée de Sami, assis sur un tabouret, torse nu. Il sourit, plongé dans une ambiance insouciante. Le cours vient de se terminer et je regarde la scène avec un sentiment amer en gorge. Je me sens à la fois dégoûtée et en colère face à la réalité grise qui se dévoile devant eux.

J'attends un moment, la colère torsadant ma poitrine, avant d'intervenir.

— Sam ? Je lance depuis le seuil du studio.

Sami se retourne et voit mon visage passer d'un sourire à une mine confuse. Lara, sentant la tension, décide de s'excuser et part, me laissant seule avec Sami. Celui-ci, bien que surpris, hocha la tête avec hésitation.

— Qu'est-ce qui se passe, ma belle ? Tu sembles bouleversée.

Je prends une grande inspiration, essayant de retenir mes émotions. Il faut que je lui dise.

— C'est... C'est à propos de Simon, je commence, ma voix trahissant mon trouble. Je ne savais pas à qui d'autre en parler, Sami.

La mention de notre ami commun parait perturber Sami et son sourire s'efface rapidement.

— Simon ? Il répète, confus et préoccupé. Il va bien ?

Un silence s'installe avant que je ne réponde, m'éclaircissant la voix pour rassembler mes pensées.

— Il... Il m'a agressée, Sam.

Les mots sont lourds, et Sami en est abasourdi, l'esprit bouillonnant face à cette annonce.

— Qu’est-ce que tu veux dire, Hailey ? Il articule finalement, incrédulité perçant sa voix.

— Il a essayé de... de me forcer, murmuré-je, ma voix à peine audible.

La révélation frappe Sami comme un coup de poing au ventre. Il respire difficilement, cherchant comment assimiler cette nouvelle. La dure réalité s'écrase dans l'atmosphère apaisante du studio comme une explosion. Sami, bouche bée, semble incapable de parler.

— Je... Il lutte pour trouver les mots appropriés. Je ne peux pas croire que Simon... que Simon ait fait ça. Je suis désolé, Hailey. Je suis tellement désolé.

Les larmes coulent sur mes joues alors que mon meilleur ami est en état de choc. Sami est horrifié. Certes, il connaissait le Simon ordinaire, aux gestes maladroits et au regard perdu, mais il n'aurait jamais pu imaginer que son ami soit capable d'une telle action.

— Ce n'est pas ta faute, Sami, je murmure, mon ton triste et résigné. Je... J'avais besoin de t'en parler. Mais promets-moi de garder ça pour toi.

Sami refuse d'abord. Il veut m'aider, faire en sorte que Simon réponde de ses actes.

— Hailey, ma chérie, tu mérites la justice, tu...

Je l'interromps doucement.

— Je ne suis pas prête, Sami. Je ne suis pas prête à... À affronter ça. Juste... Promets-le-moi.

Sa réticence rend son silence encore plus lourd, mais il accepte finalement.

— Je... Bien sûr, Hailey. Si c'est ce que tu veux, je promets de garder ça pour moi.

Il espère seulement que son silence n'entraînera pas d'autres injustices semblables à celle que j'ai dû endurer. C'est alors que Charlie nous interrompt, ayant entendu des bribes de notre conversation et exigeant d'être mise au courant. Au début, je résiste à dévoiler mon traumatisme, mais face à son insistance, je finis par lui confier la vérité brutale de l'incident. Son visage exprime le choc, mais comme Sami, elle promet de ne rien dire. Charlie quitte la pièce aussi rapidement qu'elle est arrivée.

(Souvenirs) Point de vue Simon

Je me suis réfugié dans les toilettes du lycée, me retrouvant seul avec ma vulnérabilité. Tout ce que j'avais refoulé depuis des années, chaque once de ressentiment, avait convergé me submergeant sous son poids écrasant. L'oppression incessante du quotidien, l'absence de ma mère, la frustration de me sentir incompris – tout cela s'était amoncelé, me poussant au bord du précipice vers un choix fatal. Cet espace confiné est devenu mon havre, le sanctuaire solitaire où je pouvais fuir la douleur qui me consumait. J'ai sorti de ma poche la boîte, mon échappatoire secret, contenant de la cocaïne.

La poudre blanche scintillait, me promettant un refuge illusoire, un retrait de la réalité trop dure à affronter. Sans penser aux conséquences, j'ai tracé de fines lignes et, avec une impulsion autodestructrice, j'ai inspiré la substance coupante. La cocaïne a envahi mon système, anesthésiant mes émotions, me conférant une euphorie trompeuse. L'impact a été immédiat, dépourvu de toute pitié.

L'effet m'a submergé en un instant. Une chaleur suffocante a enveloppé mon corps suivi d'une vague d'excitation presque trop intense pour être supportée. Mes pupilles se sont dilatées, me donnant l'illusion passagère d'être invincible. J'ai éclaté d'un rire nerveux, haletant, les pensées en désarroi. Espaces et murs semblaient se comprimer autour de moi, tandis que le monde extérieur se muait en un bourdonnement distrayant. L'air s'est fait plus pesant, une sensation d'étouffement s'est insinuée en moi.

Alors que la drogue continuait d'asservir mon corps, une douleur atroce m'a déchiré la poitrine. Tout tournait autour de moi, jusqu'à ce que je m'effondre, lourd comme une ancre, sur le carrelage froid. La transpiration recouvrait mon front tandis que le martèlement de mon cœur emplissait mes oreilles à un rythme alarmant. Mon champ de vision s'est embrumé, tandis que je me débattais pour rester conscient. Les nausées m’envahirent, menaçant de me faire céder.

C'est alors que j'ai pris conscience des fers dans lesquels je m'étais moi-même enchaîné. Caché ici, dans la quiétude feinte des toilettes du lycée, le faux refuge promis par la cocaïne s'est évanoui, révélant une réalité bien plus sombre. Le poison a pris le contrôle de mon être, me dévorant de l'intérieur, conduisant à une surdose mortellement possible.

La terreur s'est accrochée à ma gorge, et dans un effort désespéré, j'ai rassemblé mes derniers vestiges de force pour me redresser, pour appeler à l'aide. Mais ma voix n'était qu'un murmure inaudible, submergé par le chaos de mon pouls. Le temps s'est distendu en un supplice interminable où je bataillais contre l'assaut mortel de la drogue. Mon corps tremblant, la réalité se dissolvait en une menace d'obscurité terrifiante.

Puis, un chuchotement insouciant de conversations estudiantines a percé mon isolement. Les autres élèves, initialement inconscients de ma présence, ont vite compris l'urgence. On m'a trouvé, effondré, pâle comme une ombre, les yeux éteints. Des cris de panique ont fusé, avertissant les secours. Les pompiers sont arrivés rapidement, me procurant les premiers soins. On m'a emporté sur une civière, sous les regards horrifiés de mes camarades témoins de cette scène choquante.

À l'hôpital, je me suis retrouvé entouré de médecins luttant pour libérer mon corps de l'emprise de la drogue. Mon corps avait cruellement souffert de cette expérience proche de la mort et c'est dans un état critique, suspendu entre la vie et l'agonie, que j'ai perdu conscience. Durant les jours suivants, ma famille et mes amis se sont relayés, se tenant impuissants à mon chevet.

Quand j'ai rouvert les yeux, c'est une lumière blanche qui m'a accueilli, les bips réguliers formant une symphonie d'hôpital. Faible, avec une gorge desséchée et une douleur lancinante, j'ai à peine perçu les voix des soignants évoquant mon état. J'ai alors vu mon père à mes côtés, les yeux rougis par l'inquiétude et l'épuisement. En bougeant légèrement, j'ai été accueilli par son sourire soulagé.

— Mon fils ! Tu m'as tellement fait peur…, m'a-t-il soufflé d'une voix tremblante.

À peine audible, j'ai murmuré :

— Papa, que s'est-il passé ?

Il m'a expliqué que des élèves m'avaient trouvé inconscient dans les toilettes. J'avais fait une overdose, et même si les médecins étaient parvenus à me sauver, j'avais dû être plongé dans un coma médicalement induit.

— Simon, je ne peux pas imaginer te perdre, a-t-il pleuré.

Confronté à l'affection inconditionnelle que me portait mon père, j'ai regretté de lui avoir infligé cela, à la seule personne qui s'était toujours souciée de moi sans réserve. Avec le temps, l'amertume envers ma mère n'a fait que renforcer mon sentiment de regret et ma colère.

Le jour où je quittais l'hôpital, bien que ce soit un moment de soulagement pour eux, mon avenir restait incertain. J'avais survécu à la mort, mais ma guérison serait un long chemin. Je fus reconnaissant lorsque les parents de Lùca m'ont proposé de venir chez eux pour poursuivre ma convalescence. J'ai accepté avec soulagement l'opportunité de m'éloigner de ma famille toxique qui m'avait mené à un tel acte de désespoir.

En allant récupérer des affaires chez moi, ma mère était là. J'ai délibérément détourné le regard, refuse en étant de lui offrir l'assentiment qu'elle cherchait avec ses excuses incessantes.

— Simon, je suis désolée, a-t-elle murmuré, la voix lourde d'émotion. Je ne voulais pas que les choses se passent ainsi. Simon, je t'aime, tu sais ça, n'est-ce pas ?

Mais je suis resté silencieux, mon regard disant clairement l'indifférence que je ressentais face à ses remords tardifs. Malgré ses tentatives pour réparer les années de négligence, c'était trop tard. La souffrance endurée m'avait transformé, je n'étais plus le fils qu'elle avait connus. Elle a pris l'initiative de se reculer, respectant mon espace. Elle a laissé une lettre d'adieu, acceptant qu'elle ne pouvait pas forcer l'amour ou la compréhension.

Avec le soutien de Lùca et de ses parents, je me suis confronté aux tempêtes émotionnelles du passé et je me reconstruisais peu à peu. Oui, ma mère m'avait abandonné, mais je ne laisserais pas cet abandon me définir. Je possédais maintenant une famille aimante et des amis à mes côtés, et finalement, c'était tout ce qui importait réellement.


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