Le jeu du marionnettiste (pt II)

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L'amour qu'il éprouva pour Hailey se mêla à sa haine, et ces sentiments resurgirent avec une force qu'il n'avait jamais connue. Comment pouvait-on mettre derrière soi ce qui n'était jamais totalement fini ? Il se résolut à tourner la page et si cela signifiait fuir leur passé, alors soit. Ce n'est que maintenant qu'il comprit que parfois, la seule manière d'avancer est de revenir en arrière. Déçu de constater qu'il s'était volontairement menti et encore sous le choc, il prit le temps d'apprécier cette haine qui remonta. Cela l'apaisa quelques minutes et sembla atténuer la douleur, mais ce ne fut qu'un mensonge de plus. Il répondit au message avec réticence :

À inconnu :

Qui es-tu ?

De +64478….

Tu n'as toujours pas deviné ?

À + 664478….

Il fallut y réfléchir avant. Tu fis ton choix ce jour-là.

L’expéditeur se décida à changer la donne et il lui faudrait une force psychologique importante pour affronter les évènements à venir. Les émotions simples étaient les plus difficiles à vivre. Elles nous emplissaient d’un perpétuel doute. Une secousse pour un serrement d’organe.

De +664478….

Certaines vérités mériteraient d'être emportées dans la tombe.

Pétrifié par le message, il eut à peine le temps de se remettre que son téléphone sonna. C'était un numéro inconnu, mais sans y penser, il décrocha.

— Lùca ?

Ce fut la voix de cette femme, très différente de celle qu'elle projetait sur la photo.

— Lùca c’est toi ?

Elle semblait paniquée maintenant.

— LÙCA !

Il l'appela alors qu'elle venait de raccrocher.

— Hailey ?

Bien entendu, il parlait dans le vide. Il tenta de la rappeler sans succès, le téléphone fut éteint. Il envoya message sur message, en vain. Tout ce qu’il récolta fut un message préenregistré lui expliquant que :

Le téléphone est inaccessible ou le numéro demandé n’est plus attribué.

Lùca se cassa la tête à démêler le peu d’informations à sa disposition. La personne responsable de son état joua la carte du mystère sur tous les tableaux. Le jeune homme n'obtint aucune réponse, ni dans les heures qui suivirent, ni même les jours après. Pas la moindre foutue réponse. Il ne put jurer qu’elle n’avait pas décidé de lui pourrir la vie, encore une fois. Le brun retourna brusquement dans la chambre et sortit de la petite commode en bois une enveloppe froissée. Il prit une grande inspiration et sortit la lettre qu’il relut bien qu’il la connaissait par cœur, à la virgule près.

... [La lettre de Hailey est lue par Lùca]

Le criminel tapa un message sur son second téléphone qu’il savait réservé à Lùca. Il envoya un ultime message, une série d'indices pour pimenter ce petit jeu.

De +663878….

N 45° 59' 3.259" - E 4° 43' 12.238"

Il reçut l’accusé de réception, prouvant que Lùca avait lu le message. Il savoura ce moment, imaginant le rythme de son cœur qui s'accéléra. Par la suite, il envoya un second message.

De +663878....

9 h 30

Il put presque prévoir la réaction de Lùca. Son prévisible étonnement et sa panique tombèrent pile dans ses attentes. Sans un mot, Lùca quitta l'appartement, claquant la porte derrière lui. Il se rua sur son appli de navigation pour entrer les coordonnées et découvrit qu'elles orientaient vers le parc. Jetant un œil à sa montre, Lùca s'alluma un joint. Il était 9 h 20. Il prit conscience du peu de temps qui lui restait, se mit à courir, esquivant de justesse les passants. Malgré la morsure du froid matinal, l'adrénaline atténua la moindre sensation. Ses baskets frappèrent férocement le bitume. Le criminel, voulant être aux premières loges, peina à suivre son allure frénétique tandis que Lùca traversait, ignorant les voitures qui klaxonnaient et tentaient de freiner pour l'éviter.

De +663878….

Pour continuer, envoie "DOULEUR" au +664478….

À +663878….

DOULEUR

De +663878….

Demande-lui sur quoi portait leur dernière conversation.

Lùca, à bout de nerfs et de patience, lança un violent coup de pied dans une poubelle du parc, gagnant un regard réprobateur d'un couple assis à proximité. Il se souvint de Charlie, la dernière personne qui l'avait vue. Elle gardait le silence sur leur dernière conversation.

À +663878….

DOULEUR

DOULEUR

DOULEUR

DOULEUR

DOULEUR

DOULEUR

De +663878….

SPAM ! ERREUR 406

— Putain !

Il décida alors d'aider Lùca un peu plus.

De +663878….

Eliott

Sans plus réfléchir, Lùca se précipita vers le poste de police. À son arrivée, un homme à l'allure pour le moins excentrique s'était présenté à Eliott, le policier derrière le comptoir. L'homme, pas si grand mais plutôt rondouillard, avait l'air d'une figure plus amusante que séduisante. Derrière son regard coquin se cachait une expression de douleur. Malgré sa maladresse évidente, il arborait des vêtements impeccablement propres.

— J'aurais besoin d'une ordonnance restrictive, articula-t-il d'une voix confuse.

Eliott, en service derrière le guichet ce jour-là, ne cacha pas son étonnement.

— Contre qui pourrait-elle être cette ordonnance, monsieur ?

— Mon chat, répondit-il sans hésitation.

Eliott, retenant son rire, se renseigna davantage. L'homme lui raconta une série d'anecdotes plutôt improbables et hilarantes à propos de son chat, qui démontraient que son chat gouvernait sa maison avec une main de fer. Finalement, Eliott ne put retenir son rire.

— Contre votre chat, vous dites ?

— Oui, mon chat.

— Eh bien, vraiment désolé, monsieur, mais nos services sont principalement dédiés aux affaires impliquant des êtres humains.

— Ne désirez-vous pas être au courant de ce qu'il a perpétré ?

— Je ne préférerais pas, réellement. L’invitant à abandonner le lieu : Passez une excellente journée.

Eliott décida malgré tout de rentrer dans son jeu, intrigué par le personnage qu'il avait en face de lui.

... [Le dialogue entre l'homme et Eliott se poursuit]

Consulte des dictionnaires anciens en rapport avec le sujet de la discussion.

Eliott, à ce stade, ne put contenir son hilarité.

... [Le dialogue entre l'homme et Eliott se poursuit]

À peine la porte se referma derrière lui, Eliott fut interrompu par un bruit soudain. Il se retourna vivement pour voir Lùca qui venait d'entrer dans son bureau, posant une photo mystérieuse sur son bureau. Eliott fronça les sourcils en voyant les visages familiers sur la photo. Il commença à se demander où Lùca avait pu l'obtenir lorsque ce dernier l'interrompit :

— On arrête les mensonges, Eliott. Il est temps que tu me dises ce que tu sais.

Face à Lùca, l'attitude enjouée d'Eliott se dissipa brusquement. Il inspira profondément, conscient des conséquences que sa révélation pourrait engendrer.

— Lùca, je... Je ne peux pas... Commença Eliott, clairement mal à l'aise.

Lùca, ignorant les règles, insista :

— Hailey était ma petite amie, Eliott. Je veux savoir.


Lùca persista, lui demandant si Hailey avait mentionné quelque chose avant de disparaître. Eliott, malgré son hésitation initiale, lui dit finalement qu'ils avaient discuté de Charlie. Ce fut dans les moments incisifs que les vérités les plus dures tombèrent, là où les plaies s'ouvrirent aux forts mal-aimés qui nous entourent : ces êtres que nous croyons connaître mieux que nous-mêmes, engendrant ainsi les blessures les plus profondes. Une fois obtenu ce qu'il voulut, Lùca quitta le poste de police, Eliott le regarda partir. Le cœur de l’agent de police battit doucement dans sa poitrine, car en lui, un sentiment de culpabilité s’enracina. Il avait trébuché sur la ligne étroite entre ses obligations professionnelles et sa loyauté envers son ami. Lùca fit de son mieux pour digérer l'information qu’Eliott venait de lui fournir. Charlie. Bien sûr. Le frisson du doute traversa sa colonne vertébrale. Dès le début, il y avait eu quelque chose d'étrange à propos de Charlie, quelque chose sur lequel il ne pouvait pas mettre le doigt. Un sentiment d'incommodité qui n'avait fait que grandir au fil des jours. Son regard, son sourire ressemblant plus à une grimace. Et tant de questions qu'elle posait, des questions qui n'avaient pas lieu d'être. Une sensation de froid et de malaise s'installa en lui alors qu'il se mit à marcher sans réelle destination. Les jours passés sans Hailey prirent un nouvel éclairage, remplis d'indices qu'il n'avait pas réussi à prendre en compte. Des pièces du puzzle commencèrent à s’imbriquer les unes aux autres, peignant un tableau qu’il préférerait ne pas voir. Charlie. Sa frange brune encadrant ses yeux sournois. Ses rires trop forts pour des blagues démodées. La manière dont elle avait insinué son chemin dans la vie de Lùca sous le couvert d'une amie attentionnée. Faire face à Charlie directement n'était pas une option. Pas encore. Trop de questions restaient sans réponse, tissant un filet de suspicion et de peur. Lùca décida de suivre les signes, de se dire qu’une piste mènerait à un indice, cet indice à une vérité et cette vérité à Hailey. Un mouvement désemparé gonfla son cœur à la pensée de toutes les possibilités. Il observa chaque visage dans la rue, chaque voiture, chaque ombre, chaque rire, chaque chuchotement. Pour la première fois, il ne se sentit pas perdu. Plutôt, c’était un sentiment de détermination qui l'envahit. La voix de Charlie résonnait dans son esprit et, malgré tout, il n’arriva pas à la haïr. Pas encore. En fin de compte, Lùca dut admettre une chose qu'il avait si longtemps niée ; il était la seule personne qui pût réellement sauver Hailey. Le monde de Lùca était en lambeaux, déchiré par les révélations d'Eliott. Toutes ces années de confiance en sa compagne s'effritèrent sous le poids du doute. Les avertissements qu'il avait négligés et qui avaient plané sur leur relation depuis si longtemps résonnèrent maintenant comme des oracles sinistres. Les mises en garde qui lui avaient été lancées à plusieurs reprises se matérialisèrent en ombres menaçantes. Il ne put se résoudre à admettre que Charlie, son amie la plus chère, pût être impliquée dans une telle énigme, une énigme qui avait balayé sa vie comme une tempête dévastatrice. Les souvenirs d'elles ensemble, des années d'amitié et de complicité, vinrent heurter la réalité de manière brutale. Il eut désespérément besoin de partager ce fardeau écrasant qui pesait sur son cœur, mais il était perdu, ne sachant pas vers qui se tourner. Eliott, malgré toutes ses bonnes intentions, ne put rien faire de plus pour lui, même avec les informations fraîchement révélées. Le dossier Bennet, comme ils l'avaient baptisé, semblait fermé, mais Lùca n'était pas prêt à l'accepter. La lettre d'Hailey, soigneusement examinée par des experts, ne laissa que des conclusions amères : elle avait simplement disparu, effaçant son existence sous une nouvelle identité, une identité forgée dans l'obscurité des circonstances mystérieuses. Il ne restait plus que Sami, son ami de longue date, celui avec qui il avait rompu tout lien. Leurs retrouvailles s'annoncèrent difficiles, car il savait qu'il avait franchi des limites, blessé son ami. Cependant, il n'avait plus le luxe de la fierté. Il dut présenter ses excuses, un geste qui lui coûta, même s'il reconnaissait ses erreurs. Lùca se sentit comme un funambule sur un fil tendu, oscillant entre espoir et désespoir, peur et détermination. L'échange de messages avec Sami, le cliché de la photo d'Hailey envoyé en désespoir de cause, résonna comme un cri silencieux de son âme tourmentée.

À +33644293541 :

[Envoie d’une photo]

La réponse ne se fit pas attendre longtemps.

De +33644293541 :

Il faut qu’on parle !

Ainsi, ils se donnèrent rendez-vous au McDonald's, l'endroit désertique qui ne dormait jamais, le seul témoin de leur réunion tardive. Le fast-food ne fut que le cadre, presque insignifiant, pour la rencontre cruciale qui allait suivre. Ils allaient tenter de dénouer l'écheveau mystérieux qui avait enveloppé leurs vies depuis si longtemps. Ce fut une nuit d'intense émotion et de décisions fondamentales.

Lùca poussa brusquement la porte teintée, surpris de s'apercevoir qu’il n'était pas le seul à avoir un petit creux à une heure et demie du matin passé. Alors qu'il se précipita pour passer sa commande, ses gestes étaient mécaniques, comme s'il était ailleurs préoccupé par les mystères qui enveloppaient la disparition d'Hailey. Il jeta des coups d'œil anxieux à sa montre, marquant chaque seconde qui s'écoulait, comme si le temps lui échappait. En s'installant à quelques tables de distance d’une joyeuse bande de garçons, son impatience grandit. Le bruit de leurs rires et de leurs conversations fut comme un grondement qui résonnait en lui, renforçant son sentiment d'urgence. Il se sentit isolé dans cette foule joyeuse, ses préoccupations le séparant du monde extérieur.

Lorsque Sami fit enfin son entrée, le soulagement envahit Lùca, mais son inquiétude persista. Leurs regards se croisèrent, et un silence pesant s'installa. Lùca ne sut pas par où commencer, et son cœur battait la chamade. Il sentait le poids des mots qu'il devait dire, les excuses qu'il devait présenter, mais il craignait aussi les réactions de son ami. La tension était palpable, et chaque minute semblait s'étirer à l'infini. Sami, de son côté, était aussi anxieux, bien qu'il l'exprimât différemment. Il ne voulait pas perdre de temps en reproches, conscient que leur temps était précieux. Son regard trahissait une pointe de soulagement de revoir son ami après une si longue période de froid entre eux. Finalement, Sami brisa le silence, optant pour une approche directe. Leurs émotions mêlées, l'attente et le stress, firent de cet instant un moment crucial, où des vérités minutieusement enfouies allaient enfin éclater au grand jour.

_ Tu m’expliques ? Qu'est-ce que cette photo, tu l’as revu, elle va bien ?

Lùca fixa Sami de son regard empli de tourments, les yeux embués d'émotions qu'il avait contenues trop longtemps. Les mots semblèrent se coincer dans sa gorge, prêts à exploser. Sa respiration saccadée, le stress s'empara de lui. Il serra les poings pour tenter de maîtriser la montée d'anxiété qui menaçait de le submerger. Il se sentit comme au bord d'un précipice, le cœur battant à tout rompre. Le suspense pesa lourdement dans l'air, comme une épée de Damoclès prête à s'abattre. Le temps suspendu, chaque seconde de silence s’étira en une éternité insoutenable. La pièce devint plus sombre, plus étouffante, tandis que Lùca se préparait à révéler ce qu'il avait gardé caché si longtemps.

— J’espère que t’as le cœur bien accroché mon pote car tu ne me croiras pas…

— Accouche ! insista Sami, sa voix empreinte d'inquiétude.

C'est dans les moments incisifs que les vérités les plus dures tombent, là où les plaies s'ouvrent aux forts mal-aimés qui nous entourent : ces êtres que nous croyons connaître mieux que nous-mêmes, engendrant ainsi les lésions les plus profondes.

Lùca prit une profonde inspiration, son souffle trembla, tandis que les émotions déferlèrent en lui comme une tempête. Il détailla chaque pan de la situation à Sami, les mots coulant de sa bouche avec une intensité palpable. Chaque phrase frappa leur réalité, une plongée plus profonde dans les méandres du mystère qui hantait leur existence. L'habitude qu'il avait prise annuellement, le pèlerinage solennel vers l'ancien appartement d'Hailey, le rituel intime qu'il n'avait jamais partagé, tout cela se dévoila avec une émotion vive. Ces dates annuelles, méticuleusement choisies, correspondaient toujours à la semaine de la disparition d'Hailey, un acte de foi en la continuité de leur relation passée que le temps n'aurait jamais le pouvoir de briser.

Les mots eurent une signification profonde. Sami écouta attentivement, son visage se crispant au fur et à mesure que les informations s'accumulèrent. Il perçut la conviction de Lùca quant à la survie d'Hailey, les cinq années de danger permanent qu'elle avait traversées. La détresse de son ami se manifesta, et Sami ressenti le poids de son besoin pressant d'en apprendre davantage, de la retrouver. Une angoisse s'insinua en lui, une angoisse partagée avec Lùca. Lùca continua en partageant les détails de sa récente visite au poste de police, sa conversation avec Eliott, les allusions sur le rôle potentiel de Charlie dans cette affaire. Sami ne fit aucune remarque, même si l'idée de l'implication de Charlie ne le surprit guère. Ce n'était pas le moment de dire « Je te l'avais bien dit » ; Lùca était déjà assez déprimé. Sami sut que le moment était venu de faire preuve de soutien inébranlable envers son ami, de se tenir à ses côtés dans cette quête périlleuse.

Les deux hommes surent qu'ils devaient se serrer les coudes, s'unir pour démêler les mystères entourant la disparition d'Hailey. Ils avaient attendu trop longtemps, et le besoin d'obtenir des réponses s'était mué en une quête. Cette histoire, qui hantait leur vie depuis cinq ans, ne pouvait plus être écartée. Déterminés, ils avancèrent résolus à dénouer le nœud complexe de vérités cachées afin d'honorer la mémoire de leur amie et de lui rendre justice. Après toutes ces années, il était temps de mettre fin à l'incertitude et de faire face à la dure réalité, quelles qu'en soient les conséquences.

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