Coup de semonce

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Il avait fallu que Mark m’aide à ramener Emily dans ma chambre. Nous l’avions mise au lit sans prendre la peine de la déshabiller avant de redescendre boire quelques bières sur la plage. Mark m’avait confié le Beretta avec quatre chargeurs pleins et une boîte de cartouches. Je pris le temps de lui expliquer la situation. Je ne m’attendais pas à ce que le maque de Vegas abandonne la traque aussi rapidement et je voulais être prêt à nous défendre, voire contre-attaquer. Je n’envisageais pas une approche directe genre guerre des gangs, mais plutôt une cyber-riposte en frappant sur le seul point universellement sensible, les finances. C’est pour cela que j’avais besoin de Long John.

Mark me confirma que ce dernier allait me contacter dès le lendemain matin.

La nuit était bien avancée quand Mark me quitta en m’assurant de son soutien immédiat à la moindre alerte. Rassuré par la présence d’un allié de confiance et la puissance de feu du Beretta, je décidai de m’offrir quelques heures de sommeil sur le canapé du rez-de-chaussée.

Mon sommeil fût de courte durée. Aux premières lueurs du jour, j’ai entendu un bruit de verre brisé venant de l’extérieur, du côté des voitures. Le temps que je me lève et que j’enfile un caleçon, je n’ai pu que voir un SUV noir s’éloigner dans un nuage de poussière. Ma Mustang avait piètre allure avec les vitres latérales explosées, le pare-brise fissuré et la capote lacérée. Sous un essuie-glace, un mot avait été glissé.

« Tu as quelque chose qui appartient à Pablo. Ceci est le dernier avertissement ».

Une fois encore, il ne leur avait pas fallu longtemps pour retrouver notre piste. Il n’y avait rien à faire pour le moment pour la voiture. J’appellerais un dépanneur un peu plus tard. Je rentrai à l’intérieur en me demandant comment ils nous avaient retrouvés cette fois. En passant devant l’ordinateur dans le coin bureau, je compris. J’appuyai sur une touche, l’écran s’alluma en revenant sur la même page Facebook que la veille. Celle qui présentait la photo de la maison sur le profil d’Emily. Pas besoin d’être un hacker de génie pour décoder les EXIF * et retrouver les données de géolocalisation.

Cette endroit n’était plus un refuge sûr. Plus sérieusement, puisqu’ils avaient trouvé l’adresse, ils n’auraient pas non plus de mal à trouver mon identité. Il était temps de passer à l’action. J’avais quelques heures devant moi, ils n’allaient pas revenir avant un moment. Ma première préoccupation était de mettre ma mère à l’abri. Elle ne manquait pas d’amis qui pourraient l’héberger pour les jours à venir. Le plus difficile serait de la convaincre de la criticité de la situation, sans l’affoler plus que de raison. Ensuite, il me fallait un nouveau véhicule. Le plus simple à cette heure était d’aller à l’aéroport de Santa Barbara. Je décidai de laisser la maison dormir et appelai un taxi. Une heure plus tard, j’étais de retour au volant d’une Ford Explorer.

Je retrouvai maman en train de préparer le petit-déjeuner, ne se doutant pas de ce qui venait de se passer à quelques mètres de sa chambre. Emily n’était pas encore levée, nul doute qu’elle aurait le réveil difficile. J’en profitai pour mettre ma mère au courant des dernier événements. Elle n’ignorait pas que j’avais eu une vie aventureuse, même si les cartes sont tout de même moins dangereuses que les opérations spéciales. Je ne lui avais jamais dit que je m’étais engagé dans les troupes d’élites, elle m’avait toujours cru analyste dans le renseignement, mais je ne lui avais pas caché mes séjours sur le terrain. Elle prit conscience de la situation et réagit avec sang-froid.

— Il n’y a pas de problème pour moi. Je vais aller passer un moment chez Mary à Santa Barbara. Que vas-tu faire d’Emily ?

— J’ai besoin d’elle pour remonter jusqu’à ce Pablo. Et puis, je ne la crois pas capable de rester discrète, tu ne serais pas en sécurité si elle restait dans ton entourage. Elle vient avec moi.

— Tu as raison, c’est une gentille fille, mais elle a la cervelle d’un moineau. Où irez-vous ?

— Je ne sais pas encore. Je ne veux pas aller chez moi, car c’est probablement le premier endroit qu’ils vont surveiller. Je vais en parler avec Mark tout à l’heure. Je vais sortir et t’acheter un téléphone jetable, tu ne l’utiliseras que pour parler avec moi.

À huit heures trente, j’appelai un dépanneur pour faire remorquer la Mustang vers un garage, puis j’allai réveiller Emily. Elle n’avait pas bougé depuis que nous l’avions mise au lit. J’ouvris les rideaux à moitié, la lumière était déjà forte.

— Qu’est-ce que je fais là, toute habillée ? demanda-t-elle d’une voix mal assurée. J’ai mal à la tête.

— On t’a portée dans la chambre hier avec Mark. Tu étais bien partie. Tiens, prends ça.

Je lui tendis un verre d’eau et deux comprimés d’ibuprofène.

— Va prendre une douche ! Je vais t’apporter quelques vêtements du vestiaire de maman.

Une demi-heure et deux cafés plus tard, Emily avait un peu meilleure mine. Je lui expliquai avec des mots simples qu’elle s’était montrée imprudente en publiant la photo sur Facebook et lui montrai ma voiture qu’on s’apprêtait à enlever.

— Nous ne pouvons pas rester ici.

— C’est de ma faute, j’ai encore été idiote. Tu dois m’en vouloir, je te comprends. Ta maman a été si gentille avec moi, et ses amies aussi, je suis désolée de leur créer des ennuis.

— Ce qui est fait est fait. Donne-moi le téléphone que je t’ai acheté hier.

— Tu veux le reprendre ?

— Non, mais je veux modifier quelques paramètres pour limiter les risques.

Après quelques manipulations, je lui rendis le mobile.

— Maintenant, plus de Facebook ou d’Instagram. On peut nous suivre à la trace avec ces applis. Tu ne donnes le numéro à personne. J’ai désactivé le GPS.

— Où allons-nous maintenant ?

— J’attends un appel de Mark et nous aviserons.

En attendant, je sortis faire quelques emplettes, dont une paire de téléphone jetables. J’en donnai un à maman.

— J’ai mémorisé mon numéro. Tu ne l’utilises que pour m’appeler. J’ai le même, que je n’utiliserai que pour t’appeler. Inutile de donner des détails à Mary, explique-lui que tu as un problème de plomberie à la maison ou quelque chose comme ça.

— Mary ne posera pas de question. Elle sera très heureuse que je passe plus de temps avec elle, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.

Je ne cherchai pas à en savoir plus.

— Vas-y doucement sur l’herbe, elle est forte ! Regarde cette pauvre Emily.

— Mon garçon, je fumais de la marijuana avant ta naissance. Ce n’est pas toi qui va m’apprendre les effets que ça peut avoir.

Mon second jetable vibra dans ma poche. C’était Mark. Il me proposait un rendez-vous sur le parking de la plage de Ventura à dix heures. Je regardai ma montre. Il me restait un quart d’heure pour charger la voiture de nos maigres bagages et dire au revoir à ma mère.

En démarrant, je mis la radio en route. L’habitacle se remplit de la chanson de Nancy Sinatra « Those boots are made for walkin’ » **.





* EXIF : Informations stockées en même temps que l’image sur une photo numérique

** Those boots are made for walkin’ (ces bottes sont faites pour marcher) : succès de Nancy Sinatra

https://www.youtube.com/watch?v=SbyAZQ45uww

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