Flynt

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Je m’appelle Jonathan Flynton, mais la plupart de mes amis, disent « Flynt ». J’ai quarante ans et je suis un pur californien. J’ai grandi à Carpinteria, une petite ville côtière à une heure de voiture de Los Angeles. Mes parents se sont installés là quand ils ont décidé de vivre ensemble à la fin des années 70. C’était encore la période rebelle et mon père avait milité contre la guerre du Vietnam, sur le campus de l’UCLA. Ma mère avait vécu un moment dans une communauté de hippie, les seins nus et des fleurs dans les cheveux. Mon vieux était plutôt doué en maths et c’était les débuts de l’informatique commerciale. Il a gagné un peu d’argent en vendant ses compétences à des pionniers du calcul numérique, avant de nous laisser tomber pour créer une boîte dans la Silicon Valley. Ma mère m’a élevée seule, enfin, façon de parler parce qu’il défilait du monde dans notre petite maison sur la plage.

Moi j’allais à l’école comme tout le monde, mais pas plus. J’avais sans doute hérité de quelques gènes paternels car j’étais plutôt doué pour les disciplines scientifiques, ce qui me servirait bien plus tard. Ce qui me branchait vraiment, c’était le surf et écouter les amis de ma mère refaire le monde en faisant tourner les joints.

C’est à la fin d’une de ces interminables soirées que j’ai été dépucelé par une amie de passage. J’avais à peine quatorze ans, mais j’étais plutôt bien bâti, bronzé avec de longs cheveux à la blondeur accentuée par le sel et le soleil. La fille s’appelait Barbara, et elle avait bien trente ans, mais elle avait des seins splendides, qu’elle ne cachait pas trop. Elle m’a filé une taffe de son pétard. J’avais déjà fumé de l’herbe, mais celle-là était forte. Cinq minutes après, on était à poil sur le lit de ma mère. J’ai commencé à caresser sa poitrine, puis elle a pris ma main et l’a amenée dans sa toison, jusqu’à ce que je sente l’humidité sur mes doigts. Dix minutes plus tard, j’étais devenu un homme. Quand nous sommes revenus sous la véranda, tout le monde a applaudi et ma mère m’a fait un grand sourire.

À dix-huit ans, quand j’ai terminé le lycée, j’aurais pu aller à l’université, j’avais largement le niveau mais je n’en avais pas trop envie. Je m’étais un peu lassé de la vie facile, surf, joints, filles. On avait eu une conférence par un recruteur de la Navy. Je me suis laissé tenter. Quatre ans plus tard, j’étais dans les Seals * en Irak, mais je n’ai pas le droit d’en dire plus, c’est encore classifié. Pendant ma période d’instruction, j’ai tiré avec tout ce qui existe comme armes à feu et j’ai appris à tuer à l’arme blanche et même à main nue, mais sur le terrain, j’étais chargé des communications et de tout ce qui ressemblait à un équipement électronique. On a fait pas mal de sales boulots et j’ai perdu quelques bons copains, mais au bout du compte, on s’en est mieux tiré que ceux qui sont allés en Afghanistan.

La Marine m’a donné une solide formation et quand je suis retourné dans le civil en 2010, je n’ai pas eu de mal à trouver un bon job dans une start-up spécialisée en sécurité informatique. C’était bien payé et j’ai pu me remettre au surf. Je me suis offert un des ces camping-cars, grand comme un bus, dans lequel je vivais au raz de la plage. Je bossais à mon rythme, souvent depuis « chez moi », passant au bureau à Ventura une fois pas semaine pour montrer que j’étais toujours là. Le reste du temps j’attendais la vague.

Cette période a duré un peu plus de cinq ans, de consultant en cybersécurité, j’ai failli devenir hacker professionnel, j’aurais pu me faire un bon paquet de fric aux travers des failles que je détectais chez les clients de la boîte, mais j’ai préféré rester du bon côté de la Force.

Durant mes dix ans passés dans la Marine, vous vous doutez bien qu’il y avait eu d’interminables périodes d’attentes, de transports et d’ennui. Dans ces moments là, dans toutes les armées du monde, les soldats jouent aux cartes. Chez les Seals, c’était le poker. Je vous ai dit que j’étais plutôt doué en calcul. J’ai vite appris à me servir de cette aptitude pour autre chose que décoder les messages. J’étais assez malin pour ne pas trop le montrer et je perdais un peu de temps en temps, sinon les copains m’auraient banni de leurs parties, mais malgré tout, j’étais toujours gagnant sur le long terme.

Quand le temps était trop mauvais pour le surf, ou juste quand j’avais envie de changer d’air, je filais à Las Vegas, le temps d’un week-end. Je passais une ou deux nuits à jouer. J’ai débuté autour des grandes tables dans la fureur des casinos, puis petit à petit j’ai gravi les échelons et c’est comme ça que je suis devenu professionnel.

Ne croyez pas que je passe toutes mes nuits dans des tripots enfumés en buvant du bourbon bon marché. Vous avez peut-être vu ça dans des films, mais moi je ne travaille pas comme ça. Les grands casinos me payent pour « animer » des parties où ils font venir des pigeons fortunés pour leur faire perdre un max de pognon. Les clients achètent leurs jetons à la banque, mais moi, on me les fournit gratuitement. Je touche un fixe pour ma prestation, et un pourcentage sur les gains. Le but est de faire durer la partie le plus longtemps possible. Je suis free-lance **, je travaille quand j’en ai envie ou quand j’ai besoin d’argent, ce qui est plutôt rare. Le reste du temps, je me balade, je surfe ou je skie à Aspen ***.

Comme vous pouvez l’imaginer, je ne suis pas marié. J’ai peut-être des enfants, mais je ne le sais pas. Quand je suis dans la région, je passe voir ma mère qui vit toujours dans sa maison de Carpinteria. Elle a un peu plus de soixante ans, mais c’est encore une femme très séduisante. Sa maison sur la plage reste un refuge pour des artistes sans le sou et des vieux copains de jeunesse qui ont réussi dans les affaires. On y fume toujours en écoutant Neil Young ou Cat Stevens.

Ne croyez pas que je cherche à fuir les femmes, ou les hommes d’ailleurs. C’est juste que je n’ai pas envie de m’attacher, ni à une personne, ni à un lieu. Côté orientation, je pense qu’on me qualifierait de bi-sexuel, mais j’ai quand même une préférence pour les femmes. Il m’est arrivé de vivre quelques temps avec une partenaire, mais ça n’a jamais duré. Mon mode de vie n’est pas compatible avec le concept de couple.

Donc, pour résumer, je suis plutôt beau gosse, célibataire, aisé sans être vraiment riche, libre et désireux de le rester.




* Navy Seals : Commandos d’élite de la marine américaine

** Free-lance : Indépendant

*** Aspen : Célèbre station de ski du Colorado

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