Chapitre 3

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— Es-tu certaine de ne pas couver quelque chose ?

Pour la troisième fois de la soirée, Guillaume lui posait cette question. Il était même allé jusqu’à poser une main sur son front afin de vérifier qu’elle ne souffrait pas de fièvre. Dans d’autres circonstances, Alyson aurait trouvé charmant sa préoccupation, voire même rassurant qu’il remarque qu’elle ne se trouvait pas dans son état habituel. Mais aujourd’hui, son attention répétée l’horripilait, ne contribuant qu’à faire ressortir la culpabilité qu’elle éprouvait depuis son rendez-vous avec Hadrien Toll. Elle dut recourir à tous les trésors de patience qu’elle recelait pour ne pas l’envoyer paitre.

— Je t’assure, tu n’as pas à t’inquiéter. Je vais très bien.

— Tu as eu le regard dans le vague et tu n’as pas prononcé un mot de tout le repas.

Disait-il vrai ? Alyson ne s’était aperçue de rien. Donner le change s’avérait plus difficile qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Comment Guillaume parvenait-il à lui cacher des parties de sa vie si aisément ? Lui avait-il fallu des années d’entraînement ou était-il naturellement doué pour garder des secrets et ne rien laisser paraitre ?

Mais ce qui la torturait le plus était de comprendre pourquoi il éprouverait le besoin de la tromper. Au fond de son cœur, elle espérait encore se tromper et découvrir que ses cachotteries étaient justifiées. Était-ce l’histoire que se racontaient toutes les femmes bafouées qui refusaient de voir la réalité en face ? Rien que d’y penser, cela lui glaça les os.

Comment en était-elle arrivée là ? Voilà une question dont elle souhaitait ardemment la réponse.

— Sans doute de la fatigue à cause du mariage qui approche et de tous les préparatifs.

— C’est pour ça que nous avons engagé une professionnelle afin que tu puisses pleinement profiter de cette période.

Alyson avait l’impression que son nez s’était allongé tel Pinocchio. Guillaume avait raison. D’ailleurs, elle appréciait de ne pas devoir s’occuper de tout. Dès les premières minutes, elle avait accroché avec l’organisatrice qui avait parfaitement compris ce qu’ils souhaitaient. De plus, elle s’arrangeait avec brio des demandes de leurs parents respectifs qui tenaient plus qu’eux à ce qu’il s’agisse du mariage de l’année. Si elle avait eu le choix, elle aurait largement préféré une cérémonie plus intime et chaleureuse. Mais dans le monde dans lequel ils évoluaient, ce n’était pas envisageable.

Leur mariage représentait l’événement mondain de l’année. Et vu qu’elle n’avait pas de frère ni de sœur, ses parents n’auraient pas de nouvelle occasion d’éblouir leurs amis avant l’anniversaire de leurs quarante ans de mariage dans deux ans. Quant aux parents de Guillaume, Alyson ne connaissait pas leurs motivations exactes, mais ne doutait qu’elles étaient du même acabit. C’était ainsi que les choses fonctionnaient là où ils avaient grandi.

— Tu as raison, je vais tâcher de me sortir les préparatifs de notre mariage de la tête.

Alyson lui offrit un sourire qu’elle espérait détendu et donc rassurant. Elle se rapprocha de lui et passa un bras autour de ses épaules avant de l’embrasser. La culpabilité grandissait en elle pendant ce temps. Mentir même par omission n’appartenait pas à ses habitudes. Au contraire, elle se targuait de sa franchise naturelle. Et maintenant, voilà qu’elle devait se cacher de la personne avec laquelle elle partageait tout à une époque pas si lointaine. Comme avant-goût au mariage, on faisait mieux. Alyson ne voulait pas d’une vie faite de secrets et de tromperies. Bien entendu, elle n’espérait pas un mariage paradisiaque sans aucune difficulté. Elle s’attendait à devoir faire plus de compromis, à plus de disputes aussi, mais pas à ressembler à sa tante qui avait décidé que puisque son mari n’était pas capable de garder sa braguette fermée, elle pouvait se taper son frère. Plutôt glauque comme histoire. Tout le monde savait et fermait les yeux. Heureusement, Guillaume était comme elle fils unique.

Comme elle le sentait toujours préoccupé, sur une impulsion elle lui proposa :

— Si on allait à la campagne ce weekend ? L’agence immobilière n’a pas encore trouvé de nouveau locataire à mes parents. La maison est donc vide actuellement.

Différentes émotions traversèrent le visage de son fiancé, mais l’hésitation domina. Un pincement serra le cœur d’Alyson. Ce n’était pas la réaction qu’elle aurait voulue.

— Excellente idée, si seulement je n’étais pas débordé en ce moment. D’ailleurs, je vais surement devoir travailler une bonne partie du weekend.

Il marqua une pause avant d’ajouter :

— Mais j’y pense, pourquoi ne t’y rendrais-tu pas seule ? Du repos loin du stress de notre mariage te fera le plus grand bien.

Impuissante, Alyson écoutait Guillaume planifier son séjour pour la fin de semaine. Était-ce elle ou son fiancé s’était un peu trop précipité sur l’opportunité de l’envoyer au loin pour deux jours ? Elle ne put s’empêcher de se demander s’il n’avait pas agi ainsi pour voir sa possible maitresse. Était-ce là un indice de plus qu’il lui était infidèle ?

Son enthousiasme grandissant à l’idée qu’elle s’absente lui fendait le cœur. Sa conviction qu’elle se trompait quant à son infidélité s’amenuisait d’autant. Comment avait-elle pu se tromper à ce point sur l’homme qu’elle connaissait depuis toujours et qu’elle s’apprêtait à épouser ?

Devoir l’écouter en souriant comme une pauvre imbécile qui ne voyait pas clair dans son jeu était insupportable. En moins d’une demi-heure, son séjour était réglé dans les moindres détails. Elle s’en voulait d’avoir été si conne. Elle lui avait servi sur un plateau d’argent un prétexte pour se débarrasser d’elle. En avait-elle fait de même pour le pousser dans les bras d’une autre femme ? Avait-elle sa part de responsabilité dans ce qui leur arrivait ? Sans doute, mais à hauteur de cinquante pour cent ou plus ? Elle ne l’espérait pas. Toutes ses certitudes sur leur couple volaient progressivement en éclat.

— Je t’envie.

— De ?

— Pouvoir t’échapper dès que le besoin s’en fait sentir. Si seulement je pouvais t’accompagner. Je ne me rappelle plus à quand remonte notre dernière escapade rien que nous deux.

Alyson n’en revenait pas de le voir remuer ainsi le couteau dans la plaie. Se réjouissait-il de la souffrance qu’il lui infligeait ?

Contrairement à lui, elle s’en souvenait très bien. Pour célébrer la fin de leurs études, ils avaient loué un appartement en bord de mer et y avaient passé une semaine. L’une des meilleures qu’ils aient connues. En revenant, ils avaient décidé de s’installer ensemble. Une vague de nostalgie la submergea.

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