Arc 1: Moi, impératrice (p5)

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Sera m’avait aidé à remettre ma tenue en ordre, j’ai rangé les documents sous son regard sévère. < J’imagine qu’elle l’aurait fait sinon… Pardon, Madame. >

Les servantes à l’extérieur étaient rentrées sous les ordres de la responsable afin de nettoyer mon désordre, il fallait dire qu’il était presque impossible de distinguer le sol avec ce qui le recouvrait.

Oscar semblait ne plus tenir sur place alors que son petit frère lui jouait avec un hochet en bois vernis.

Lorsqu’il me vu il accouru, mais c’était vite arrêté pour me présenter ses salutations comme seul un prince de trois ans saurait le faire. Je pourrais trouver cela adorable si cet enfant ne provoquait pas en moi le sentiment d’être dans la tanière de la bête, je caressais quelques mèches de ses cheveux noirs puis je l’invitais à prendre place.

J’avais demandé à ce que la chaise de mon fils soit près de moi, je ne savais pas comment nourrir un bébé, je savais juste comment se désensibiliser d’une allergie. Être proche de la source de ses souffrances jusqu’ accoutumance. Voilà pourquoi je me retrouvais à donner la béquer à un fils qui pensait jouer tout en surveillant un singe. Je comprenais pourquoi être parent était le plus vieux métier du monde même le plus incompétent des stagiaires ne m’a jamais fait atteindre une telle pression artérielle. C’était à la sueur de mon front que je pus avaler mon repas après qu’un bébé ai eu assez de son assiette.

Le repas n’était pas raffiné, mais suffisamment nourrissant pour nous faire oublier notre faim, les restes de pommes de terre et d'œufs seraient partagés entre le personnel du palais. L’obscurité avait dévoré le peu de la lumière a notre porté, pourtant je n'entendais pas la mélodie de Morphée. Il fallait dire que c’était la première fois depuis bien longtemps que je ne devais pas avoir des yeux de panda. Les enfants, eux s’étaient bien épuisés et ce repas riche semblait avoir fait son effet. L’aîné se battait pour rester conscient alors que la guerre était perdue pour le cadet, Jonathan avait abdiqué, mais ne semblait pas malheureux de son sort alors qu’il arborait une mine paisible. Il n’y avait que les bébés pour penser que ce monde était serein. Un calme avant la tempête ?

Je laissais les nourrices prendre les enfants, j’avais fait assez aujourd’hui, si je tirais trop sur l’élastique, le retour serait fort douloureux.

Après un signe de tête, je rentrais dans ma chambre, ce contraste entre cette pièce luxueuse et les pièces attenantes était flagrant. Alors que je pouvais sentir mon cœur se gonfler d’orgueil à la vue époustouflante du lieu, j’ai eu l’impression une nouvelle fois d'être transporté. L’empereur ne dormait jamais seul, on pouvait presque voir cela comme une règle tacite. Parce que la progéniture impériale était rare, pour le bien du pays, l’empereur partageait toujours sa couche avec une femme. Il faut dire que l’Empire d’Azur comme la plupart de ses voisins mettait l'accent sur une progéniture dans chaque famille, de la plus noble et ancienne à la plus basse et populaire. Les bras étaient nécessaires pour les guerres, les champs, les mines… et bien sûr diriger l’état. C’était pour cette raison qu’il était commun d'avoir une ou plusieurs concubines, c’était même un signe de richesse et de prospérité. Tous les enfants de l’empereur étaient les enfants de l’impératrice, pour faire simple chaque enfant était inscrit dans le livret familial, les concubines n’y avaient pas leurs places. Le privilège de la femme légale? Plutôt la punition, devoir élever ses enfants ainsi que ceux d’autres femmes beaucoup par fierté avait du mal à l'accepter, la plus noble d’entre elles aussi…

Après avoir mis une robe de nuit, je me glissais dans mes draps, un délicat parfum s’en dégageait. Cette chambre n’était qu’une mascarade afin de cacher la misère aux yeux de l’Empereur. Je n’étais pas une femme fragile, mais ma fierté de noble m’empêchait de me plaindre à mon époux. Combien cela avait-il coûté ? Tout cela pour une nuit par semaine ! < Amélia, est-ce que cela en valait la peine ? >

J’avais déjà la réponse, après tout, toi fille d’un des plus puissants nobles, comment pouvais-tu accepter cette vie. Au fond de ton cœur, cette pièce était le dernier symbole de celle que tu fus.

Parce que je marchais dans tes pas, cette fierté j’allais la chérir, et ainsi cette chambre ne serait plus la seule à démontrer ta grandeur.

Une larme orpheline coula alors qu’une fatigue écrasante m’envahit, mon cœur se réchauffa quand je compris que demain, je n’avais pas à me réveiller pour prendre le chemin du paradis. Était-ce des vacances ? Probablement, car mon sommeil fut aussi calme et reposant que celui d’un nourrisson. Lorsque que la lumière imbibait mon lit, un sentiment étrange me saisit. Alors que par réflexe je cherchais mon téléphone sur mon lit pour m’assurer de l’heure. Quand après quelques secondes de recherche ma main était toujours vide je poussais un grognement puis par obligation j’ouvris les yeux, baigné par l’éclat du jour, dans cette pièce somptueuse. Je poussais un léger couinement devant la statue du pan. Oui, j’étais toujours là, un nouveau jour au paradis. Mon paradis c’était ma tour, pas un château délabré, j’étais passé de Raiponce à la belle aux bois dormants. Elles au moins avaient une bonne fin…

Ce fut la faim qui me ramena à moi, vu l’absence de servantes à mes côtés, je devais être « une lève tard ». Je soupirais et fis sonner la cloche qui trônait sur mon meuble de chevet. Avec un peu de chance, les enfants étaient encore couchés. J’aurai du temps avant le premier repas pour filer aux jardins, je devais surtout profiter des rares moments où j’étais maître de moi-même, l’impératrice semblait faire une grâce-matinée.

Ce matin, Sera n’était pas à mes côtés. Elle ne m'accompagnait que du dîner au souper, probablement parce qu'au déjeuner mon lit me gardait en otage.

La dame du matin était Sophia, une des filles d'un noble du marquisat de mon père. Sophia avait quitté le domaine à mes côtés lors de mon mariage. Ce jour, une journée damnée… Quand je pensais au mariage, des sentiments contraires et confus me submergeaient. Je devais me concentrer, qu’importe les difficultés, quitte me frapper la tête s’il le fallait.

Sophia était surprise tout comme les suivantes derrière elle, voir leurs regards confus confirmait mes pensées. <Désolée les filles, les levés tard risquent de devenir occasionnels.>

Avec un petit sourire, je les invitais à faire leur travail.

Sophia était une femme dynamique, malgré son jeune âge, elle faisait preuve d’une profonde dévotion et d’une rigueur certaine. Une fille menue qui pourrait s’envoler au moindre coup de vent, pourtant elle possédait une force à rendre jaloux la plupart des hommes. Si Sera se faisait respect par son aura et sa force de caractère, pour Sophia c’était son dynamisme et sa gaité qui avait conquis le cœur des servantes à ses ordres ainsi que ses collègues.

Après une toilette rapide, je pris le chemin du jardin d’un pas pressé et décidé. Pour survivre, m'accrocher à la plus solide pousse ne tiendrait que si on ne mourait pas de faim.

Les jardins étaient bien entretenus, un espace protégé à l'abri des regards ou les servantes avaient mis en place un potager et un elevage afin de varier nos denrées à moindres frais.

Un frisson me prit, alors que mes poils se hérissaient, j’eu une envie de m'envelopper dans une peau et de regarder le crépitement d’un feu au loin. Si cet automne était plus rude, l’hiver pourrait être intenable. Je devais m’assurer d’avoir des vivres et suffisamment de tissus pour créer des vêtements épais. Un filet de vapeur quittait mon corps dans une délivrance silencieuse, les servantes ayant la délicatesse de respecter mon espace privé. Mes doigts frôlaient les rosiers, eux aussi, devaient souffrir au regard des pétales étendus sur le chemin. Ce n’était pas ainsi que je voyais mon chemin fleuri, le soleil était à peine visible, mais les nuages tristes et épais m’annonçaient une journée entre quatre murs.

Je pris quelques pampres entre mes articulations, le froid qui s’en dégageait ne put me faire oublier la faim de mon estomac, un besoin qui sonnait la fin de mon exploration. Je mis une feuille rouge entre mes lèvres, le nectar glacé qui en découlait était agréable.

Alors que mes doigts changeaient de couleur, Sophia s'approchait avec un paletot. J’imaginais que le changement de couleur qu’elle voyait l’avait inquiété. Alors que j’étais saisie par la brise qui soufflait, j'eus une pensée pour l’hiver qui suivrait, mes suivantes ne semblaient pas bouger au murmure de la saison. Mon corps faible aimait la saison des fleurs, je me couvrais au mieux en prenant soin de confier ma récolte à mes aides. Avec un sourire, je marchais vers la cuisine.

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