Arc 1: Moi, impératrice (p3)

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L’automne approchait et la flore allait bientôt s’éteindre avant de s’endormir pour revenir plus forte et belle au printemps prochain. Les roses commençaient à faner, je devais trouver des solutions pour optimiser tout ce que j’avais, quelques idées me traversaient l’esprit. Mais avant tout cela, je devais amorcer mon premier pas sur mon chemin de fleurs, une route sans danger. Après m'avoir identifié, les servantes me présentèrent leurs respects. Non loin, un petit garçon courrait alors qu’un autre poussait des gémissements. J’ai demandé aux gouvernantes de reculer, par chance, d’après les souvenirs que j’avais. J’ordonnais à Sera de poser le plateau au sol et j’approchais tout d’abord d’Oscar.

À chaque fois que je le voyais, mon cœur me donnait l’impression de vouloir sortir de mon corps. Pourtant cette souffrance était nécessaire.

Avec la détermination et l’envie de vivre, j’ai appelé cet enfant

« Oscar… Viens me voir. »

Le petit garçon souriant changea de visage en me voyant, un visage que je connaissais très bien, bien différent de celui que j’ai vu avant de m'éteindre. Ce n’était pas de l’arrogance et de la haine, mais de la peur… Cet enfant était le portrait craché de la chienne qui avait ouvert les portes de mon purgatoire. Non ! Si je pensais ainsi, je n’arriverais pas à vivre paisiblement. J’ai tenté de sourire et masquer la volonté de ce corps, je l’ai invité à se rapprocher. Tel un animal apeuré, il n’avait pas le désir de venir, mais je supposais que mon sourire avait dû aider un peu. Après quelques pas, il s’était présenté à moi, tremblotant.

« Bonne journée impératrice, lune de l’Empire »

Je pouvais voir qu’il essayait de ne pas bégayer en prononçant ses paroles, et cela me fit mal à l’âme. Je n’étais pas l’impératrice, je n’avais aucune raison de ressentir de la rancœur. À trois ans, il était déjà devenu comme ça… il n’avait rien d’un prince au vu de son physique et ses expressions.

J’ai approché le plateau et je l’ai invité à s’asseoir

« J’ai fait ces gâteaux, ils ne sont pas aussi délicieux que ceux de ma mère. J’ai eu envie de le partager avec toi, Oscar. Je voudrais m’excuser, alors j’ai fait ça. Si tu as faim goûte. »

Je n’avais pas le souvenir de l’avoir déjà empoisonné. C’était probablement pour cela qu’il pris un morceau malgré sa frayeur. Après une première bouchée, il semblait apprécié, car quelques secondes plus tard il ne restait que des miettes sur ses vêtements.

« Mange doucement, tu risques de t'étouffer »

Il hochait la tête, embarrassé. J’ai rapproché l’assiette de sa place pour qu’il puisse profiter tranquillement.

« Sais-tu qui je suis pour toi ? »

D’après mes souvenirs, Oscar était sous ma supervision depuis peu, probablement quelques mois. Un an auparavant, Jonathan était né très difficilement et il fallait que je récupère. Je faisais face à mes enfants. Parce que j’étais l’impératrice, tous les enfants de l’empereur devenaient les miens par la loi ; ils étaient marqués sous mon nom dans le registre familial. Il n’y avait pas que les familles impériales, toutes les autres pratiquaient ce système ; voilà pourquoi les enfants « illégitimes » n’existaient officiellement pas… Enfin ceux des hommes.

Oscar était un juste mélange entre ses parents : les cheveux corbeaux de sa génitrice, le visage encore couvert de sa graisse de bébé, mais ses yeux étaient ceux de son père, un vert perçant. Pourtant cet enfant semblait plus terrifié par moi, avec des miettes lui recouvrant le visage et une teinte rosée sur les joues, il dit :

« Vous êtes l’impératrice… »

Je lui fis un petit sourire.

< Tu es un homme qui provoquera notre fin à tous, et pourtant tu pourrais aussi être mon Salut.>

Je regardais la créature dans le coussin, un bébé qui ne devait pas savoir ce qui se passait. Une vraie grenouille au fond de son puits… Le fils que j’avais porté, Jonathan. Si Amélia haïssait Oscar à cause de ses origines, elle n’arrivait pas à être proche de son enfant biologique… Avec le recul, je pensais qu’elle devait souffrir d’une dépression postnatale qui n’avait jamais été diagnostiquée, et sa relation avec le père n’avait pas aidé à aimer son fils. Jonathan, la copie miniature de son père, une crinière de feu et de jolis yeux émeraude qui ferait craquer n’importe quelle dame. Cet enfant serait à n’en pas douter un briseur de cœur, tout comme lui…

J’ai tenté de prendre mon bébé dans mes bras, ma chair, mon sang… Moi qui n’ai jamais voulu laisser d’empreinte sur cette terre, je devais élever celles de quelqu’un d’autre.

J’ai essayé maladroitement de le mettre dans une position confortable, puis avec une main j’ai approché la cuillère de la mixture à ses lèvres. Sans regarder le fils ainé, j’ai murmuré quelques mots.

« Je suis ta mère, la mère de ton frère et l’épouse de ton père. Je ne pense pas que tu sois suffisamment à l’aise, mais appelle-moi Amélia si tu préfères à maman, mais… Nous sommes une famille, tout comme je t’appelle Oscar, appelle-moi confortablement… »

C’était les bases, le fil fin d’une araignée capable de me sortir de ce trou béant… À ce moment-là, Jonathan sortit sa langue et gesticula un peu. Je fi un sourire tendre. En arrière-plan, les servantes semblaient se détendre elles aussi. Je me sentais désolée de leur avoir causé tant de tourments. Avec une voix timide et après avoir fini de goûter. Il dit :

« Puis-je… Vous appelez Amélia ? »

Ce n’était pas encore maman et heureusement ce n’était pas mère.

Un flash back me vint :

« Mère… Avez-vous bien profité… » des yeux froides comme un couvercle de cercueil et un sourire démoniaque me fixaient…

Ce souvenir me glaçait le sang, mais cet enfant n’était pas encore devenu cet homme… Je devais juste travailler dur. Je posai la cuillère quand Jonathan ne semblait plus intéressé et je le gardais dans mes bras pendant que l'aîné me regardait.

« Bien sûr, j’espère que l’on pourra bien s’entendre, tout comme tu sembles t’entendre avec ton frère »

« Nathan est encore un bébé, c’est mon devoir de le protéger » dit le garçon en souriant à plein dent

Oui malgré les obstacles, cette fraternité ne s’était jamais émoussée… En regardant le cadet, j’eus une pensée pour ce prince qui donnerait tout à son héros de frère.

<Toi aussi par mes actions… Pardonne-moi mon enfant.>

Les sentiments qui hibernaient dans ce corps s’accrochaient à mon âme, aucun répit ne semblait être permis

« C’est vrai, veille sur lui et moi je veillerai sur vous deux. » Je lui rendis son sourire.

Le premier pas était fait. L’air devenait froid. Nathan put dormir dans son coussin et je fis un signe de la main à Oscar comme signal d’adieu.

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