Arc 1: Moi, impératrice (p2)

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Je pouvais voir les jardins, mais pas les enfants. Un autre soupir s’échappa. Je n’avais jamais eu d’enfants et je ne savais pas comment m’en occuper.

Si je voulais échapper à ma fin, je devais de m'accrocher à mon bourreau et donc élever Oscar afin qu'il ne me tue pas. Après avoir essuyé mes mains sur ma robe, au vu de l'état des nappes je n'avais pas beaucoup d'options, il était aussi abimé que tous ce qui captaient mon regard. Je regardais la dame restée à mes côtés.

« Sera, je veux aller dans les cuisines. »

Ce fut un choc pour moi, l'impératrice dominait déjà notre enveloppe charnelle, mais jusqu'à présent, elle n'avait pas parlé.

Je n’avais pas beaucoup de servantes, mais le peu à mes côtés m’étaient loyales. Sera était ma plus proche alliée. Jusqu’au bout elle était restée à mes côtés. Quand je pensais aux derniers actes du roman, j’avais l’impression d’étouffer. À cause des actions de l’impératrice, tous ses fidèles avaient souffert. Si je réussissais à survivre, eux aussi devraient avoir un chemin fleuri. Sera, elle, avait été avec moi jusqu’au bout. Ma dame de compagnie me regarda dans les yeux, la seule avoir ce privilège. Elle avait accompagné ma mère et s’était ensuite dévouée pour ma personne. Ma personne… Cela faisait quelques instants à peine et pourtant, j’avais le sentiment d'avoir toujours été là. Cela me mettait mal à l’aise, mais en même temps, si j’étais vouée à rester ici un moment, les souvenirs de l’hôtesse me seraient utiles.

Après une révérence, Sera s'écarta et l’impératrice pris les devants. Je pouvais voir que les couloirs menant aux cuisines étaient aussi vétustes que ce que j'avais pu admirer. Non, cela était encore plus délabré, je ne comprenais pas comment les murs en briques cassées tenaient. Le plafond menaçait de s'effondrer à mesure que j'avançais, le Placoplatre fondu laissait entrevoir le pare vapeur tout aussi vieux. Chaque année les allocations des palais étaient revues. Je n’avais jamais reçu les faveurs de mon époux. Voilà pourquoi, après plus de trois ans de mariage, mon allocation annuelle n’avait jamais cessé de baisser.

En entrant dans les cuisines, je pouvais constater le gouffre. Le piano était très ancien tout comme les ustensiles. « Amélia, tu es l’impératrice, si même moi une esclave des temps modernes, j’ai pu avoir un certain confort comment as-tu pu vivre ainsi avec le sang bleu qui coule dans tes veines? Tu es sensée vivre dans l'opulence et l'abondance sans avoir à souffrir d'un ongle cassé ! » Je me massais le cou pour calmer mes nerfs à la suite de ma tirade intérieure. L’impératrice, elle, continua ma torture. Il était étonnant que le duel ne fût pas visible, probablement parce que je n’avais aucune influence. Je laissai donc mon corps faire ce qu’il voulait sans autre choix. Je présentais des salutations aux employées de cuisine, l'impératrice vérifiait le stock : pas grand-chose, des patates, du riz, quelques œufs, du lait. La viande était rare. Je ne pus que constater que cette activité était habituelle, la souveraine semblait savoir exactement où se trouvait chaque objet. Je voulais faire une collation pour les enfants : ne ditons pas que la meilleure corruption passe par l’estomac ? Mais je n’avais aucune idée en tête avec le peu disponible, j’étais assez frustrée.
Alors que je réfléchissais, je fus comme transportée hors de ce corps.

« Mielle… »

Une voix élégante et un sourire, une femme caressait les cheveux d’une enfant

« Mielle… Mange avec moi et ton frère ».

Elle disait ses mots en caressant son ventre arrondi

Je me léchais les lèvres, j’avais un goût sucré, comme après avoir mangé des gâteaux de riz.

Des gâteaux de riz ? Avec les ingrédients que j’avais sous la main, cela pourrait fonctionner. Je me retroussai les manches et me lavai les mains. Ce fut un sentiment de liberté, pour la première fois depuis mon réveil, j’avais la sensation de contrôler mes mouvements. Les femmes présentes à mes côtés me regardaient avec étonnement et sans doute de la peur, mais aucune n’a cherché à m’arrêter, l’avantage d’être la plus gradée, je suppose. Je comprenais leurs regards, j'étais l'impératrice, être servie, habillée, était mon privilège. Pourtant, pour moi c'était tous sauf une joie. J’étais bien trop habitué à être servie par moi, pour que cette habitude devienne une manie.

Après une heure de préparation, j’avais fait quelques gâteaux, n’ayant pas de sucre j’adoucis avec du miel. Je ne voulais pas gâcher, le jus du riz me permis de faire un petit potage. Le résultat semblait bon. Je goûtai, mais je fus déçue de ne pas avoir su reproduire le goût de mon enfance. Mon enfance ? Je n’avais jamais mangé cela et pourtant, j’avais de nouveau cette bizarrerie en tête. Amélia, tu as dû être aimée… Sinon pourquoi ce baume de nostalgie ?

L’histoire se déroulait des années plus tard, il n’y a jamais eu d'historique des personnages, c’était dommage, car je pense que l’on gagnerait à connaître leurs passés pour comprendre leurs présents.

Amélia n’était pas née mauvaise, un sourire m'échappa, le goût était agréable, je devais reconnaitre ce point commun avec la méchante. Je pris un plateau pour mettre mes créations afin de les transporter plus facilement, mais c’est à ce moment que Sera vint à moi. Elle me pris le plateau des mains et me regarda, m'interrogeant du regard.

Avec un sourire innocent, je lui dit

« Les enfants ont dû manger avant moi, mais je pense qu’ils seront ravis d’avoir une collation »

Je pouvais voir que les servantes ne comprenaient pas mon comportement et encore moins mes mots. Oui, moi l’impératrice j’avais fait une collation à mes enfants, du jamais vu. J’imagine qu’avec ma réputation si elles ne m’avaient pas vu faire, elles auraient pu penser que j’avais empoisonné le repas. J’ai cru voir le regard sévère de ma dame de compagnie s’adoucir avant de m’inviter à prendre la route. J’ai remercié les deux cuisinières pour le repas, je n’avais certes pas mangé grand-chose, mais au vu du matériel à leurs dispositions, c’était un miracle de pouvoir déguster un déjeuner aussi délicieux. Après des sourires teintes de joues cramoisies, je suis partie, oui j’étais vraiment entourée d'un personnel dévoué.

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