La rencontre

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Bertrand raconte :

J’avais juste ouvert mon frigo, et déballé les ingrédients permettant de mitonner mon repas de midi, lorsqu’on sonnât au portail d’entrée de la maison. Je grimaçais, car les petits mets que je me préparais amoureusement tenaient une place importante dans ma vie. En bref, j’aimais bien la bonne chère, et j’étais déjà en rogne contre l’enquiquineur qui mettait à mal mon projet.

Et, cet enquiquineur était en fait une enquiquineuse, qui avait ouvert le portail, et qui s’avançait vers la maison.

Je l’attendais devant la porte d’entrée.

Une fois arrivée à ma hauteur, elle enleva sa casquette, laissant tomber sa chevelure blonde, et elle me demanda :

— Bonjour, vous me reconnaissez ?

Je l’avais bien sûr reconnue à sa démarche que je ne risquais pas d’oublier, mais je demeurais surpris par cette venue. Elle portait un sac en bandoulière, et une petite valise dans chaque main.

— Entrez.

Je la laissais passer devant moi, avant de poursuivre :

— Asseyez-vous, et expliquez-moi la raison de cette visite. Je ne m’attendais pas à vous voir.

J’étais un peu décontenancé, car je n’avais jamais pensé réellement la retrouver, même si cela m’était venu à l’esprit en regardant les photos que j’avais prises, et j’avais du mal à rassembler mes idées :

— Pour répondre à votre question, je vous ai en effet aperçue plusieurs fois sur la plage pendant mes vacances, et je ne peux pas oublier si vite un visage.

Mon invitée s’installa confortablement au fond d’un fauteuil, elle croisa les jambes, laissant un peu remonter sa jupe, esquissant un sourire moqueur.

— Êtes-vous certain que c’est à ma figure que vous m’avez reconnu ?

— Bien-sûr, que voulez-vous insinuer ?

— il semble que pendant vos vacances à la plage, vous avez plus maté mon petit cul, qu’examiné mon visage. Vous croyez que je n’ai pas vu que sous votre tente, vous utilisiez une caméra et un appareil photo.

Je ne comprenais pas où elle voulait en venir, et je ne comptais pas me laisser embarquer dans une discussion oiseuse sur ce sujet :

— C’est du n’importe quoi !

Elle décroisa les jambes, permettant ainsi à sa robe de redescendre, à mon grand regret. J’avais toujours aimé les jolies gambettes qui se déplaçaient, sans être cachées. Je me demandais alors quelle allait être leur prochaine position.

Elle me laissa languir avant de poursuivre :

— Il n’a pas fait beau tous les jours pendant vos vacances, et vous avez profité du temps maussade pour aller vous promener en voiture.

Pourquoi me disait-elle cela ?

— En effet, j’utilisais les mauvaises météos pour visiter la région. Mais ne me dites pas que vous alliez à la plage sous la pluie.

Elle recroisa ses jambes avant de me répondre.

Mais, j’interrompis la conversation.

— J’étais en train de préparer mon repas quand vous êtes arrivée, sans prévenir, et je commence à avoir faim. Si vous voulez qu’on continue cette discussion, vous m’accompagnez à la cuisine et vous participez à dresser la table.

À regret, pour ne pas perdre de temps, je rangeais les produits que j’avais déballés, pour utiliser des plats que j’avais préparés la veille, et qui gagnaient à être mangés réchauffés.

Je lui donnais quelques consignes :

— Les verres, dans le compartiment du haut, les assiettes dans celui du bas, les couverts dans ce tiroir. Je vais chercher une bouteille de vin à la cave.

À table, nous étions installés face à face et je fis le service.

Comme elle mangeait en silence, je décidais de lancer la conversation :

— Vous pouvez me donner votre prénom ?

— Amandine.

— Moi, c’est Bertrand.

— Ça, je le savais déjà.

Elle avait dû le lire sur la boîte aux lettres. Mais comment avait-elle connu mon adresse ?

— Au fait ? Vous venez me voir, mais, d’abord, qui êtes-vous ?

Elle se rembrunit, et se cala contre le siège de sa chaise :

— Je vais vous raconter mon histoire. J’y suis obligée, car vous vous doutez bien que je ne suis pas venue ici par hasard. Je vais être franche : je souhaite une aide de votre part.

Elle hésita avant de poursuivre, et puis elle se lança :

J’ai connu une enfance et une adolescence normales. Ma mère était une prostituée, quand mon père qui la soutenait l’a épousé. Nous avons grandi, avec mes frères et sœurs, dans cet environnement. L’argent ne manquait pas et nous avons bénéficié d’une vie et d’une scolarité sans problèmes.

Et ceci a duré jusqu’au jour où mon père s’est fait tuer par une bande rivale en effectuant une livraison de drogue. Nous avons été menacés, et ma mère a dû se chercher un autre protecteur.

Elle en a trouvé un rapidement, mais ce type était un pervers. C’était un proxénète comme l’était mon père, qui faisait travailler sa petite bande de filles. Son projet consistait à nous enrôler, mes sœurs et moi, dans son équipe. Heureusement pour elles, une de mes sœurs sortait avec un petit braqueur terriblement agressif et dangereux, ce qui a obligé l’ami de ma mère à reculer, et l’autre va vivre à l’étranger. Mais il continue à tenter de coucher avec moi, et à faire pression pour que j’entre dans son équipe de prostituées, et que je devienne de fait sa compagne. Il a vingt-cinq ans de plus que moi. Il est violent et un peu fou.

Je cherche un moyen de lui échapper. Et vous êtes peut-être ma solution. En vérité, la dernière fois où il m’a fait ses propositions, je lui ai craché dessus, cela l’a rendu encore plus furieux, et maintenant, j’ai peur.

J’étais perplexe, ce que me racontait cette fille ne ressemblait pas du tout à ce que j’avais vu. Une famille tranquille qui ne pensait qu’à s’amuser au bord de mer. Et cette Amandine-là m’avait semblé passablement effrontée, aussi je la soupçonnais d’inventer une histoire pour que je l’héberge. Et comme cela faisait parfaitement mon affaire de la voir partager ma maison, ce que je n’aurais jamais osé rêver, je rentrais dans son jeu :

— Ce type est réellement dangereux ?

— Très, il a déjà tué plusieurs personnes, mais la police n’a pas pu le prouver. Des bruits ont couru qu’il était présent lors de l’assassinat de mon père, mais ce ne sont peut-être que des bruits.

Ce qu’elle me racontait me semblait parfaitement farfelu. Elle disposait d’une brillante imagination. Tout cela me faisait sourire.

Sur ce, elle me demanda ce que je faisais dans la vie.

Il fallait que je lui parle de mon activité d’artiste. Cela a toujours émoustillé les femmes. Quand je leur racontais ça, elles ne me voyaient plus comme avant.

— Puisqu’on est en plein déballage, et que vous ne m’êtes pas totalement indifférente, je vais aussi un peu me confier.

Mon vrai métier, c’est artiste. Je suis photographe. J’ai été embauché plusieurs fois par des agences pour photographier des défilés de mode, ou des célébrités, pour des publicités. Ce qui me permet en partie de vivre, ce sont les photos de mariages, et parfois, en fin d’année, les photos des gosses avec le père Noël. Les mariages enrichissent ma vie, car je prends mon pied en immortalisant les gestes les plus farfelus de gens qui débutent leur vie commune, et qui s’aiment. C’est chaque fois une nouvelle création, et il faut fournir constamment un résultat brillant, quelles que soient les conditions météo ou les circonstances. Et j’y trouve mes petites amies.

Maintenant, ce qui me permet d’être financièrement à l’aise, c’est mon activité de programmeur informatique freelance.

Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça.

La fin du repas se déroula en silence. Amandine avait peu mangé, mais pas mal bu du petit vin de Bandol, et je l’avais bien accompagnée.

Après le dessert. Je relançais la conversation.

— Bon, revenons à nos moutons, vous me racontiez que vous ne vous baigniez pas quand il pleut, ce qui est banal.

— Oui, mais j’ai bien occupé mon temps. Pendant une de vos absences, j’ai récupéré la clef de votre chambre à l’accueil de l’hôtel, et j’y ai effectué une petite visite. Et, alors là, surprises. Dans un coin, j’ai trouvé une pile de livres. Des policiers, des espionnages, des érotiques. Et même des ouvrages sadomasos. J’ai visualisé les photos de votre appareil photo, et je me suis vue adoptant de multiples poses, dont certaines faisaient l’objet d’un agrandissement maximum. Ce qui est sûr, c’est que ce n’était pas mon visage qui vous fascinait le plus.

Les vidéos provenant de votre caméra confirmaient ce que montraient les photos. J’étais très surprise de constater que votre ordinateur n’était même pas protégé par un mot de passe.

En continuant à fouiller dans votre PC, j’ai découvert un texte que vous étiez en train d’écrire. Il relatait une histoire qui débute sur une plage naturiste, dans laquelle le héros observe une jeune fille blonde, avant de l’enlever et de la maintenir prisonnière. Et à partir de là, s’en suit toute une série de pratiques sexuelles très explicites. L’ouvrage en cours de rédaction s’achève sans qu’on puisse en deviner le dénouement, en supposant qu’il y en ait un. J’ai sauvegardé la dernière mouture du texte sur une clef USB, pour pouvoir la relire tranquillement. Et, je dois reconnaître qu’en vous lisant, j’étais tout excitée.

Enfin, vous êtes parti vous promener sans emporter votre portefeuille, ce qui m’a permis de connaître votre adresse.

Vous êtes content, mon explication vous suffit ?

A suivre :

La proposition d’Amandine

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