Le repas avec Rolando

5 minutes de lecture

Rolando était aux anges. Il tenait enfin sa revanche. Flora ne pourra plus lui résister. Il allait embrigader ses trois filles dans ses troupes de prostituées, et il conserverait Amandine pour sa convenance personnelle.

Flora avait finalement accepté de le rencontrer en terrain neutre, en compagnie de deux de ses trois filles. Et ce restaurant marseillais avec vue sur la mer qu’elle avait choisi était l’endroit parfait pour cela. Rolando y était connu, et il ne se risquerait pas à une entourloupe.

Les civilités furent réduites au strict minimum.

Flora se positionna en face de Rolando. Elle avait commandé le menu le plus simple pour elle et pour ses enfants. Et elle avait refusé de prendre un apéritif, ce qui lui évitait au moins de trinquer.

Un grand froid s’était installé autour de la table, mais Rolando faisait mine de ne pas s’en apercevoir :

— Je suis heureux que vous ayez accepté mon invitation. Et toi, cela faisait longtemps que je ne te voyais plus, Amandine.

Amandine lui répliqua :

— En fait, c’est depuis que je suis à la fac à Aix. Si je réussis mon exam cette année, il me restera un an pour terminer ma licence en droit. Et puis, pendant les grandes vacances, on part en famille à l’étranger. C’est pour ça qu’on ne se voit plus.

Je te signale que depuis notre enfance, papa nous a toujours envoyés passer toutes les grandes vacances en Angleterre. Il disait que cela nous évitait les mauvaises fréquentations.

Rolando ne releva pas la remarque :

— C’est bien qu’on se retrouve. Cela va nous permettre de faire le point sur la situation. Maguy n’est pas là ce soir ?

Flora lui répondit :

— Non, elle est en vacances en Angleterre, une semaine avec son fiancé, elle rentre à la fin de cette semaine.

— Flora, je te donne la responsabilité de l’informer de la tenue et des conclusions de notre discussion.

— Ça sera fait.

S’adressant plus particulièrement aux deux filles, il poursuivit :

— Comme vous le savez, je suis l’ami fidèle de toujours de votre mère. Quand votre papa est décédé, j’ai repris le flambeau. J’ai géré ses femmes sur le terrain le mieux possible, et j’indemnise largement votre mère qui m’a accepté comme repreneur. Je suis d’autre part très proche sentimentalement d’elle, et je fais un peu partie de votre famille. Maintenant, mes troupes vieillissent, et j’ai besoin de chairs fraîches pour les rajeunir. Je compte donc sur vous trois pour venir me rejoindre.

Flora l’interrompit :

— Amandine termine sa licence, et Olivia va se fiancer avec Roro qui a d’autres objectifs pour elle. Rolando, ton projet n’est pas envisageable. Moi, je suis prête à négocier une baisse des mensualités que tu m’octroies pour compenser le vieillissement dont tu parles. En deux ans, depuis notre accord, tu ne vas pas évoquer la décrépitude de tes femmes. Mais je suis d’accord pour en revoir les modalités. À présent, parlons d’autres choses. Nos arrangements financiers ne regardent pas mes filles.

— Flora, ce que tu proposes ne fait pas mes affaires, et c’est à tes filles que je veux m’adresser. Je veux qu’à la rentrée elles rejoignent mes troupes, et je ne négocierai pas. Olivia, donne-moi ta réponse.

Amandine répondit à la place de sa sœur :

— Roro est au courant de ton invitation. Il a interdit à Olivia de simplement t’adresser la parole. Il lui a dit devant moi : si tu lui parles, je te tue et je le tue après. Roro est peut-être un peu fou à mon avis, mais il tient toujours ses promesses. Rolando, tu serais sûrement bien inspiré de ne pas le provoquer.

Rolando semblait furieux. Il n’avait pas l’habitude d’être contredit comme cela, mais dans un restaurant où il était connu, il ne pouvait pas se départir de son calme, aussi il s’adressa à Amandine :

— Et toi, puisque tu as une langue bien pendue, que comptes-tu faire ?

— Continuer mes études, et me battre pour ma liberté. Je n’ai jamais appartenu, et je n’appartiendrais jamais à un monde qui assujettit la femme.

— C’est pourtant ce monde-là qui t’a nourri.

— C’est pour en sortir que je veux terminer mes études. Et je préférerais mourir que de devenir pute.

— Amandine, je te veux à ma disposition lundi prochain. Si tu viens, je laisserai tes sœurs tranquille. Sinon… Tu vois, je sais couper la poire en deux.

Amandine cracha dans sa direction :

— Va te faire foutre.

Rolando appela le serveur et il lui demanda de mettre la facture du repas sur sa note, puis il quitta le restaurant sans se retourner. Il n’avait même pas entamé ses hors-d’œuvre.

Flora fit la moue :

— C’est la guerre, il faut s’y préparer. Amandine, tu n’aurais pas dû l’humilier comme cela. Il a perdu la face devant trois femmes. Et il ne s’attendait certainement pas à une résistance de notre part. Dans son milieu, les femmes disent « oui monsieur ». Je vais avertir Maguy pour qu’elle se protège.

Elle semblait catastrophée de la tournure qu’avait prise la discussion :

— Olivia, que comptes-tu faire, car le temps presse ?

— Roro voulait s’installer sur Avignon, je vais lui demander d’accélérer les préparatifs.

— Olivia, aller à Avignon ne va pas décourager Rolando.

— Je sais, mais tous les amis de Roro y habitent, et Rolando n’y est pas implanté.

— Et toi, Amandine ?

— J’ai ma petite idée, mais il est trop tôt pour en parler.

Olivia lui sourit :

— Je crois que je sais à qui tu penses. Mais toi, maman, qui va te protéger ?

— Je ne risque rien. Rolando me respectera, car je suis honorablement connu de tous les grands caïds de Marseille. Quand votre père était encore vivant, il a rendu des services très importants à ces messieurs quelque soient leurs bords, drogues, cigarettes, armes, et j’en passe. À son enterrement, j’ai reçu de leurs parts des marques de respect et de soutien. Rolando ne prendra pas ce risque, mais il viendra certainement renégocier son contrat avec moi.

Maintenant, il me hait. Avant que je ne connaisse votre père, il me poursuivait de ses pressantes assiduités. Et il était devenu fou furieux, au point de me menacer quand votre père m’a épousé. De plus, il était chef de sa petite équipe de filles, et il a été obligé de devenir un adjoint de votre père parmi d’autres. Çà a été une humiliation pour lui, devant les femmes surtout. Il est devenu encore plus violent avec elles. Enfin, quand je suis devenue veuve, il a essayé de coucher avec moi, ce que j’ai refusé. Et je dois reconnaître que l’envoyer promener aujourd’hui représente pour moi à la fois une grande satisfaction et une forte inquiétude.

Mais, j’ai peur que vous sous-estimiez le danger physique que représente désormais pour vous Rolando. Il n’a aucune morale, aucune limite, et un sens d’impunité total, car quand il a tué, il n’a jamais été inquiété.

La fiche police de Rolando

Léa nous avait procuré la copie d’une fiche de police concernant Rolando. Je m’étais demandé au départ comment elle, petite fonctionnaire, pouvait avoir le bras aussi long, pour nous fournir autant d’informations. En fait, Léa était lesbienne, et la presque totalité de ses amies partageant ses goûts travaillait dans la même administration, mais à différents niveaux hiérarchiques. Et au lit, il n’y a pas de galons.

Le bilan fourni impressionnait :

Cinq peines de prison pour violences à la personne. Agression contre des prostituées, et d’autres souteneurs.

Deux séjours en psychiatrie pour des actes de violence contre sa famille pendant son adolescence.

Deux affaires classées sans suite au sujet du meurtre de deux prostituées. Il avait fourni des témoins, et aucune trace le concernant n’avait été trouvée.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Harimax ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0