Retour au bercail

2 minutes de lecture

Bertrand raconte:

De retour chez moi, je repris mes activités habituelles.

J’habitais dans une vieille battisse, héritée de mes parents, que mes arrières grands parents avaient construits de leurs mains, quand ils avaient quitté le Portugal pour venir s’installer en France, près de Marseille.

Cette maison, autrefois isolée, avait été rejointe par des cabanons, puis par des villas qui la cernaient maintenant.

Un lourd portail passé, on y accédait par un petit chemin qui serpentait entre des arbustes que je taillais moi-même.

Derrière la maison était installé mon potager, ce qui me permettait de déguster quelques fruits et légumes de saison.

C'est dans ce havre de paix que je lisais, mangeais, dormais, baisais.

J’avais une âme d’artiste et de gourmet. J’adorais la saine nourriture et les bons vins, et je consommais le tout avec modération, pour ne pas nuire à ma santé, à mon portefeuille, et à mes abdominaux en tablette de chocolat. Voilà les raisons pour lesquelles je cuisinais moi-même, appréciant autant la pratique que les résultats que j’en obtenais. Du goût, des odeurs…

Il en était de même avec les femmes. J’aimais les femmes.

Je n’avais aucun problème pour en rencontrer. Mon métier de photographe m’entraînait à fréquenter de nombreux mariages, durant lesquels j’étais souvent invité par les mariés après les séances photo. Et dans ces cérémonies, toutes les femmes étaient belles et bien habillées. Et pour peu que le nombre d’invités soit important, je trouvais rapidement une fleur esseulée vers laquelle je pouvais tenter de butiner. Et comme mon physique semblait, aux dires de ces dames, avantageux, je ne manquais pas de partenaires.

L’inconvénient avec la femme, c’est que, dès que nous avions fait l’amour, le plus souvent à notre satisfaction mutuelle, j’avais tendance à devenir sa chose. Elle tenait absolument à me présenter à ses amis, plus rarement à sa maman, et me demandait inexorablement : alors, qu’est-ce que l’on fait dimanche ?

Je me sentais pris au piège d’une personne qui n’avait pas compris que c’était seulement son corps, et sa présence qui m’attiraient, et que je n’avais aucune envie de découvrir ses relations ou de partager ses activités. C’est la raison pour laquelle, mes liaisons étaient fort nombreuses, mais de très courtes durées. Je me comparais à une abeille qui passe de fleur en fleur, et la métaphore me plaisait.

À ce moment-là, mon petit nez d’épagneul breton se mettait à humer l’air. Il sentait que son maître le mènerait à la chasse le dimanche suivant.

J’avais certes mes préférences, mais après, toutes les femmes partaient sur un pied d’égalité. J’oubliais rapidement leur prénom, mais je reconnaîtrais à jamais l’odeur de chacune, mêlée à son parfum, le grain de sa peau révélé par la caresse, le goût de sa bouche et sa manière timide ou ardente d’embrasser. Et bien d’autres choses encore, qui se dévoileraient à moi, une fois que l’émotion liée à la découverte d’un corps inconnu serait surmontée.

Aussi loin que je me souvienne, je n'avais à vingt-sept ans, jamais été amoureux. Et l'idée même que cela puisse m'arriver m’incommodait. La femme m'était aussi nécessaire que la nourriture, mais la pensée que je puisse en conserver une durant toute une vie m'effrayait. J'aurais l'impression de consommer à longueur d'année un même plat réchauffé.

Je n'avais pas d'amis. Je n'aurais d'ailleurs pas su qu'en faire. Je n'avais rien à partager, et aucune envie de participer à leurs occupations. Je trouvais même cela malsain.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Harimax ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0